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Libération
Récit

La ségrégation, pratique courante dans les hôpitaux israéliens

Une enquête de la radio publique Kol Israël révèle que la plupart des grands hôpitaux du pays pratiqueraient la séparation entre les patients juifs et arabes musulmans ou chrétiens.
par Nissim Behar, à Tel-Aviv
publié le 6 avril 2016 à 16h44

Avec sa barbe de trois jours bien entretenue et sa petite kippa tricotée sur le sommet du crâne, le député Bezalel Smotrich, 36 ans, pourrait facilement passer pour le gendre idéal. Sauf qu’il est déjà marié et que ce colon pur jus est la figure de proue de l’aile dure du Foyer juif, un parti d’extrême droite associé au gouvernement de Benyamin Nétanyahou. Mardi, l’élu a provoqué une tempête politique en approuvant publiquement les conclusions d’une enquête de la radio publique Kol Israël, selon laquelle tous les grands hôpitaux israéliens sauf deux pratiqueraient la ségrégation entre les patients juifs et arabes musulmans ou chrétiens. Surtout dans les maternités, où les parturientes juives et arabes dorment rarement dans la même chambre commune.

«Et alors ? a lâché le colon. On préfère tous être avec des gens comme soi, non ? Mon épouse n'est pas raciste mais lorsqu'elle accouche, elle a besoin de repos et les familles arabes la dérangent avec leurs "hafla" [fiestas] bruyantes.» Dans la foulée, Smotrich a enfoncé le clou sur les réseaux sociaux en confirmant qu'il ne souhaite pas que son bébé «côtoie un bébé arabe qui tentera de le poignarder dans vingt ans». Fermez le ban.

Torrent de réactions indignées

Si les propos du colon suscitent un torrent de réactions indignées, l’enquête diffusée par Kol Israël agite également le landerneau politique. Les députés arabes exigent une enquête interne et plusieurs de leurs collègues travaillistes ainsi que du Meretz, un petit parti progressiste, saisissent le contrôleur de l’Etat, l’équivalent israélien de la Cour des comptes française, mais avec des pouvoirs plus importants.

Car officiellement, le ministère de la Santé ne tolère aucune différenciation entre les patients. Mais sur le terrain, il en va bien différemment. Se faisant passer pour une future mère à la recherche d'une maternité et qui ne souhaitait pas être hospitalisée avec des non-juives, la journaliste de Kol Israël a en effet enregistré des réponses sans équivoque. «Ne vous en faites pas, on ne mélange pas. Nous le faisons sans même que vous ayez à le demander et c'est notre politique officielle», lui a répondu l'infirmière en chef de la maternité de l'hôpital Hadassah, un établissement mondialement réputé pour la qualité de ses soins et qui se targue d'être un vecteur de dialogue en raison du nombre important d'infirmiers et de médecins arabes employés.

Apartheid

Même son de cloche à Shaare Zedek, un autre hôpital de Jérusalem, à Ichilov (Tel-Aviv), ainsi qu'à Meïr (Kfar Saba), où des responsables enregistrés à leur insu ont confirmé qu'une «politique de séparation» est bel et bien appliquée. Apartheid ? «Pas du tout, il y a aussi des Arabes qui demandent à ne pas dormir dans la même chambre que des Juifs, précise-t-on à l'hôpital Meïr. Nous, on fait ce qu'on peut pour éviter les tensions mais bon, les gens ne se supportent plus. Ou alors de plus en plus mal. Qu'est-ce qu'on y peut ? Ici, on essaye d'apporter les meilleurs soins possibles, pas de résoudre le conflit du Proche-Orient.»

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