Billet de blog 5 avril 2016

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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Un portrait de Matta ou l’art de tuer le père

Un siècle après la naissance de Roberto Matta et un peu moins d’une décennie après sa mort, son fils Ramuntcho Matta passe à la réalisation d’un documentaire intitulé Intimatta. Il y est question à la fois de Roberto Matta, son parcours de vie, ses œuvres, son intimité et surtout la figure du père vue par son propre fils.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
intimatta-de-ramuntcho-matta © Les Films du Paradoxe

À propos du DVD : Intimatta de Ramuntcho Matta

Depuis quelques temps déjà, Ramuntcho Matta s’était mis à filmer à plusieurs reprises son père, interrogeant aussi bien l’artiste que la figure paternelle. Ce qui dépasse le simple exercice de famille se situe dans la tête même du réalisateur : bien qu’il s’agisse d’une première expérience filmique, Ramuntcho Matta est un artiste pluridisciplinaire qui ne semble éprouver d’autant moins de crainte à faire ce film qu’il éprouve un malin plaisir à vivre le processus créatif de l’expérimentation de l’image. Autrement dit, la matière iconographique de l’image filmée est travaillée pour dialoguer à la fois avec l’œuvre filmée de Roberto Matta aussi bien que la figure du père. On en apprend ainsi aussi bien sur l’artiste surréaliste chilien que sur son intimité de père. Cette question est d’autant plus pertinente que la figure de père est centrale dans l’identité même de l’artiste géniteur de ses propres œuvres. Questionner la figure du père revient ainsi à questionner le sens des œuvres elles-mêmes et réciproquement.

Sur une base de retranscription de vie suivant un ordre chronologique, Ramuntcho Matta multiplie les aller-retour entre le présent de sa réflexion au moment de faire le film et le passé des archives sur son père dont il dispose. Cette scénarisation prend parfois l’allure d’une véritable enquête policière sur qui était Matta, qui porte tout de même phonétiquement un nom associé au meurtre (de l’espagnol matar : tuer et donc mata : tue !). À la recherche de son propre père disparu, le documentaire emprunte ainsi l’outil surréaliste consistant à découvrir le « cadavre exquis » que serait le père et son œuvre. Le film est à ce titre des plus prolifiques par ses interprétations et ne se limite ainsi aucunement au cercle des amateurs de l’artiste : tout néophyte de son œuvre trouvera immédiatement sa place devant ce documentaire captivant dont les 119 minutes ne présentent aucune minute de trop. Le secret du rapport entre un fils et son père quand celui-ci est un imposant artiste ne se trouverait pas lui-même dans son nom qui appelle au meurtre ? Autrement dit, Intimattaest aussi un moyen psychanalytique de « tuer le père » afin de pouvoir faire œuvre. Telle est aussi l’histoire de ce film qui retrace la vie d’un homme au-delà de sa mort et fait naître le temps d’un film un réalisateur accompli.

Illustration 2
intimatta

Intimatta

de Ramuntcho Matta

Avec : Roberto Matta

Chili, France, Espagne - 2011.

Durée : 119 min

Sortie en salles (France) : inédit

Sortie France du DVD : 20 avril 2015

Format : 1,85 – Couleur

Langues : français, espagnol - Sous-titres : anglais, français.

Éditeur : Les Films du Paradoxe

lien vers le site de l’éditeur

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