“Insipide, institutionnel et tordu.” C’est par ces mots que le spécialiste de l’architecture et du design du Guardian qualifie les Halles inaugurées le 6 avril au cœur de Paris. Ce lieu, construit dans les années 1850 à la demande de Napoléon III, qui voulait “de vastes parapluies et rien de plus”, avait été rasé en 1970, pour être redessiné par l’architecte Paul Chemetov. Ce qui avait donné naissance à “l’un des pires actes de vandalisme urbain”, d’après The Guardian.
Nouvelle renaissance cette année, cette fois-ci sous le coup de crayon de Patrick Berger. “Le complexe mal-aimé a été remplacé par cette Canopée de métal et de verre censée rappeler l’idée originelle des Halles, les plus grands parapluies de tous les temps.”
Beurre rance
Sauf que cette immense toiture ne séduit pas du tout le quotidien britannique, qui titre : “Un fiasco couleur crème anglaise : la rénovation à 1 milliard d’euros des Halles”. Voici ce qu’écrit The Guardian :
Berger veut qu’on ait l’impression de marcher dans une clairière, un lieu à la lumière chaude et diffuse où l’on aperçoit parfois le ciel. On ne retrouve rien de cette lumière promise. […] La structure [de la Canopée] est trop tordue, le toit de métal se tord, se tourne, comme un grand huit de charpentes courbées. […] Et la couleur n’aide pas. Hésitant entre le sable et le beurre rance selon la lumière, la structure en acier jaune […] donne un air résolument institutionnel à l’intérieur des lieux.”
Pour le journal, il n’est pas étonnant que ce chantier se soit transformé en un compromis décevant, après tous les rebondissements qu’il a traversés. Ce projet fait figure de choix par défaut plus que de coup de cœur.
The Guardian conclut : “Désormais, à l’entrée des Halles, une chute d’eau s’écoule de la Canopée. On peut y voir la réunion de toutes les larmes versées par les politiciens qui ont essayé de laisser leur trace sur ce lieu problématique.”
L’indépendance et la qualité caractérisent ce titre né en 1821, qui compte dans ses rangs certains des chroniqueurs les plus respectés du pays. The Guardian est le journal de référence de l’intelligentsia, des enseignants et des syndicalistes. Orienté au centre gauche, proeuropéen, il se montre très critique vis-à-vis du gouvernement conservateur.
Contrairement aux autres quotidiens de référence britanniques, le journal a fait le choix d’un site en accès libre, qu’il partage avec son édition dominicale, The Observer. Les deux titres de presse sont passés au format tabloïd en 2018. Cette décision s’inscrivait dans une logique de réduction des coûts, alors que The Guardian perdait de l’argent sans discontinuer depuis vingt ans. Une stratégie payante : en mai 2019, la directrice de la rédaction, Katharine Viner, a annoncé que le journal était bénéficiaire, une première depuis 1998.