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Pérou

Elections au Pérou : Keiko Fujimori en tête

Ce dimanche, 23 millions de péruviens sont appelés aux urnes pour élire leur prochain président, les deux vice-présidents et 130 députés pour les cinq prochaines années. Le président sortant Ollanta Humala ne peut pas se représenter, la Constitution le lui interdit. Ces élections vont se dérouler dans un climat de confusion, 19 candidats étaient en lice, mais ils ne sont plus que 10 et c'est tout le système politique qui est décrié.

La favorite du scrutin présidentiel péruvien, Keiko Fujimori, le 3 avril à Lima.
La favorite du scrutin présidentiel péruvien, Keiko Fujimori, le 3 avril à Lima. REUTERS/Guadalupe Pardo
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Certains candidats ont préféré jeter l’éponge avant le premier tour, de peur de ne pas obtenir les 5 % en deçà desquels leurs partis perdraient leur statut légal. D’autres ont été écartés par la nouvelle loi électorale pour raisons administratives, comme Julio Guzman, du parti Tous pour le Pérou. Il figurait pourtant en seconde position dans les intentions de vote.

D’autres encore ont été écartés pour avoir fait des cadeaux lors de meetings électoraux, comme l’économiste et ancien ministre de l’Energie et des Mines, Pedro Pablo Kuczynski, dit « PPK ». La favorite, Keiko Fujimori, a aussi fait l’objet d’enquêtes pour cette raison. Mais le tribunal électoral ne l’a pas inquiétée. A noter que l'un des 10 candidats restants finalement en lice purge actuellement une peine de prison. Il a néanmoins obtenu une permission spéciale pour se rendre sur le plateau lors du débat télévisé samedi.

Le système politique péruvien est gangrené, estime Nelson Manrique, sociologue et historien à l’Université catholique pontificale du Pérou : « On a un système électoral totalement pourri. En résumé, on avait 19 candidats, et par la " sélection naturelle ", il en reste six qui sont viables, parmi lesquels on va choisir dimanche prochain. »

L’héritage Fujimori

Au Pérou, les années Fujimori ont marqué le système politique au fer rouge. Alberto Fujimori, ancien dictateur de 1990 à 2000, qui purge une peine de 25 ans pour crimes contre l’humanité et corruption, a discrédité les partis. Si bien qu'aujourd’hui, il semble toujours tirer les ficelles depuis sa prison.

Selon Nelson Manrique, Alberto Fujimori a laissé pour beaucoup l’image d’un homme qui a su redresser l’économie du pays, même si les temps ont changé. « Alberto Fujimori avait infléchi le système économique, avec une politique ouvertement néolibérale, en s’alignant sur les grandes entreprises, avec des garanties plus importantes pour le capital étranger que pour le Péruvien », dit-il.

« Et puis, continue l'historien et sociologue, il a renforcé le modèle de l’économie péruvienne fondé sur l’exportation des matières premières. Ça a marché pendant 25 ans, grâce à la hausse constante des prix des matières premières sur le marché international. Mais maintenant que la situation a changé, et que les prix baissent, l’économie péruvienne est en récession. »

Keiko Fujimori, favorite de l'élection présidentielle

Le président sortant, Ollanta Humala, termine son mandat avec une cote de popularité au plus bas, à peine 18 %. Selon Nelson Manrique, les électeurs accusent les partis traditionnels de clientélisme, et cherchent surtout des personnalités qui puissent rénover la politique.

La favorite, c'est Keiko Fujimori, la fille de l'ancien dictateur. Elle caracole en tête des sondages avec plus de 34 % d’intentions de vote. A 40 ans, elle dirige le parti Force populaire. En 2011, elle avait perdu face à Ollanta Humala. A l’époque, Keiko Fujimori avait fait campagne en jurant de faire libérer son père. Cette fois, elle tente de prendre ses distances, comme elle l’a assuré lors du débat télévisé samedi.

« Je m’engage au respect, sans aucune restriction, de l’ordre démocratique et des droits de l’homme. (…) Je m’engage à être draconienne dans la lutte contre la corruption. (…) Et enfin, plus jamais un 5 avril », a-t-elle lancé, en référence au coup d’Etat de 1992, mené par son père Alberto qui, alors qu'il était président, avait dissout le Parlement, muselé la presse et déployé l’armée.

Dans le sillage du père

Ce mardi 5 avril 2016 marquait le 24e anniversaire du coup d’Etat, et un collectif baptisé « Non à Keiko » a manifesté à Lima. Mais en dépit des 25 années de prison que purge son père, notamment pour les assassinats et disparitions constatés dans la période de guerre contre le mouvement Sentier lumineux dans les années 1990, Keiko Fujimori est toujours en tête.

Et le fait est qu'elle s’appuie sur la popularité de son père, comme le souligne le sociologue et historien Nelson Manrique : « Fujimori avait beaucoup de défauts, mais il travaillait dur. C’est l’un des rares présidents qui a parcouru tout le pays, en tissant des liens clientélistes. On le voit dans cette campagne avec les plaintes et des preuves de cadeaux, de versements d’argent aux électeurs. »

« Avec ça, il a créé un style et il a constamment construit une clientèle, analyse M. Manrique. Il a anéanti le groupe armé Sentier lumineux, et l’hyperinflation héritée du premier mandat d’Alan García. Ceci a donné une base de loyauté qui compte pour 25 %. Et le reste, c’est le mérite de Keiko Fujimori, qui a tenté de présenter une autre image du fujimorisme. »

En revanche, Nelson Manrique reste sceptique vis-à-vis de Keiko Fujimori par rapport à la lutte contre la corruption. Jusqu'à présent, la candidate n'a jamais évoqué dans ses discours de campagne les 6 milliards de dollars que son père aurait détournés selon une commission d’enquête parlementaire, ni les affaires de corruption pour lesquelles ses trois oncles et tantes sont poursuivis, et se trouvent toujours en fuite, réfugiés au Japon.

Veronika Mendoza, la gauche

Veronika Mendoza, leader de la coalition « Front ample » créditée de 15 % des voix, semble au coude-à-coude avec son rival de droite, Pedro Pablo Kuczynski alias « PPK », qui plafonne à 16 %.Dans le paysage qu'offre l'élection présidentielle péruvienne, Veronika Mendoza, 35 ans, de père péruvien et de mère française, représente la gauche. Lors du débat présidentiel, elle a prononcé des mots en quechua, langue qu’elle maîtrise parfaitement, pour montrer sa proximité avec les populations autochtones.

Mais la députée, par ailleurs élue à Cuzco, veut surtout en finir avec le modèle de pays exportateur de matières premières, et renégocier les contrats miniers et gaziers. « Notre économie est en perte de vitesse, nous dépendons trop de l’exportation des ressources minières, cela fait deux ans que l’emploi ne décolle pas. Que proposons-nous au Front ample ? Nous proposons un véritable changement. »

Pedro Pablo Kuczynski (PPK) au coude-à-coude avec Veronika Mendoza

Pour la première fois dans l’histoire du Pérou, même si rien n'est sûr, deux femmes pourraient se retrouver face à face au second tour. Mais accusée d'être chaviste et bolivarienne, si Veronika Mendoza parvient à se qualifier pour le second tour, elle pourrait y perdre des voix. Car une partie des électeurs des autres partis se reporteraient alors sur Keiko Fujimori.

Le candidat Pedro Pablo Kuczynski, surnommé PPK, n'est pas un novice en politique. Il était ministre de l'Energie et des mines sous la présidence de Fernando Belaúnde dans les années 80, puis ministre de l'Economie dans le gouvernement d'Alejandro Toledo. En 2011, il était arrivé en troisième position, derrière Keiko Fujimori. Cette fois il se représente à 77 ans avec son Parti Péruviens pour le Changement, une candidature qu'il a justifiée lors du débat télévisé du 3 avril dernier. « Si je suis élu président, je ne me reposerai pas une minute jusqu'à ce que chaque péruvien ait accès à la santé, à l'éducation, et à la sécurité, même si c'est la dernière chose que je ferai dans ma vie ».

Le poids de l’activité minière

Malgré des réformes, le président sortant Ollanta Humala n’a pas réussi à redresser la barre en matière de mines, alors que le prix des matières premières continue de dégringoler, dans un pays où les exportations de ces produits contribuent à la plus grosse partie du produit intérieur brut (PIB).

C'est ce que souligne Vincent Bos, doctorant en géographie sur le boom de la question minière depuis les années 1990 à l’Institut des hautes études d’Amérique latine (IHEAL) à Paris III. L’extraction minière est en concurrence avec d’autres économies locales, explique-t-il, essentiellement avec des activités agropastorales, pour le contrôle des ressources naturelles, l’eau et les terres.

Des conflits violents ont surgi dans plusieurs zones, à Conga ou à Cajamarca, des projets déclarés non viables par plusieurs candidats. « Comme l’activité minière représente environ 60 % de la valeur des exportations péruviennes, c’est une question qui polarise nécessairement les candidats, qui sont amenés à se positionner pour ou contre la poursuite de nouveaux projets », analyse Vincent Bos.

Le débat reste vif

Ces activités ne sont pas pourvoyeuses d’emploi, et les départements où elles se déroulent sont loin de la côte, dans des zones rurales ; cordillère des Andes pour les mines, et Amazonie pour le pétrole, loin des zones peuplées de la côte et des centres de décision.

Mais le débat reste vif, souligne Vincent Bos : « L’extraction minière pourvoie moins de 1 % des emplois au Pérou, mais elle représente le budget de plusieurs ministères ! Donc, les candidats savent qu’ils ne peuvent pas stopper le développement de l’industrie minière du jour au lendemain. »

En revanche, ils pourront peser sur l’ouverture ou non de nouveaux projets et sur « la renégociation des taxes minières » qu’avait mis en place Ollanta Humala en 2011. Cela pourra être « des lois qui demandent une consultation préalable des populations indigènes et autochtones », comme avait commencé à le faire Ollanta Humala, « mais il était finalement revenu dessus », rappelle Vincent Bos.

Des candidats rattrapés par les « Panama Papers »

Plusieurs candidats sont éclaboussés par le scandale des Panama Papers, dont Keiko Fujimori, Pedro Pablo Kuczynski et l'ancien président Alan García... A quelques jours du scrutin on ne sait toujours pas si certains d'entre eux seront écartés.

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