On n'a pas attendu le scandale mondial des Panama Papers pour découvrir l'appétit des acteurs économiques pour l'optimisation fiscale. Mais force est de constater que cette réalité, souvent silencieuse, est bien plus étendue qu'il n'y paraît. Hasard du calendrier, un cabinet d'études sud-africain, New World Wealth (NWW), spécialisé dans l'analyse de la croissance mondiale, vient de livrer son enquête annuelle sur la "migration des millionnaires en 2015".

Publicité

LIRE AUSSI >> Notre dossier sur les Panama Papers et l'évasion fiscale

Et à la surprise générale, la France se placerait sur la première marche mondiale en nombre d'expatriation de millionnaires, 10 000 pour tout l'Hexagone, 7000 rien qu'à Paris (elle est suivie par la Chine - 9000 - et l'Italie - 6000). "Cela peut paraître important, mais en fait ce n'est qu'une petite partie des 320 000 millionnaires* que l'on recense en France", indique à L'Express Andrew Amoils, directeur de recherche au NWH. Destination privilégiée de ces riches expatriés: "Le Royaume-Uni, les Etats-Unis, le Canada, l'Australie et Israël", indique NWW.

"Une véritable compétitivité fiscale"

De l'autre côté de la Manche, terre d'accueil donc des expatriés tricolores, on confirme la tendance. "C'est vrai que l'on est de plus en plus contacté par des clients français, indique à L'Express Harold Ollek, associé au cabinet financier spécialisé Bradley Hackford, installé à Londres. Cependant, sur les chiffres, ça me paraît un peu beaucoup. Ce qui est juste en revanche, c'est qu'il y a aujourd'hui une véritable compétitivité fiscale. Les gens ont compris qu'ils pouvaient vivre là où sont domiciliés leurs avoirs, en Suisse ou ailleurs. Et surtout, ils ne comprennent pas pourquoi ils devraient payer 50% de taxes à un endroit contre 10% ailleurs pour le même patrimoine."

La fiscalité serait-elle la seule motivation à l'exil des millionnaires? Pour Andrew Amoils qui a piloté l'étude, "il ne faut pas penser que les taxes ou les comptes offshore ont un impact important sur l'immigration. Cela arrange les gouvernements d'accuser les taxes pour expliquer l'exode. D'une manière générale, les gens partent pour tout un tas de raisons qui se sont accumulées au cour des années. Le mode de vie, la sécurité, la scolarité, la stabilité économique, les opportunités de carrière... Tout cela est bien plus important dans leur décision".

Des raisons fiscales mais aussi sociales

Si la logique fiscale reste évidente, Harold Ollek abonde néanmoins pour ce versant "social" de la décision. "Nous voyons deux types de clients. Des rentiers qui ont déjà un patrimoine important, des charges de famille moindres... Une clientèle familiale traditionnelle qui a même parfois du mal à vendre leur bien immobilier à Paris en raison des prix. Mais a on aussi de plus en plus de jeunes qui partent avant même d'avoir fait fortune. Ils sont plus ouverts sur le monde, ont voyagé pendant leurs études, sont plus mobiles. Cette clientèle-là a moins d'attache", analyse l'expert.

Reste un argument cité NWW qui laisse toutefois perplexe. Dans l'étude dirigée par Andrew Amoils, des sources** expliquent "qu'une des raisons citées par des experts en France serait la hausse des tensions entre chrétiens et musulmans" en plus du "manque d'opportunités" professionnelles. Sur ce point, Harold Ollek se montre prudent. "De ce que nous dit notre clientèle, ils ne sont pas confrontés à cela. Sur la question du terrorisme en général, on assiste plutôt au phénomène inverse, à savoir des investisseurs russes ou chinois qui ont moins envie de venir s'installer en France", précise le juriste. Il n'en reste pas moins que cet exode serait un très mauvais indicateur pour l'économie française, selon Andrew Amoils, car partout dans le monde, "les millionnaires sont toujours les premiers à partir".

Contacté par L'Express, le ministère des Affaires étrangères nous a fait savoir que "les Français installés à l'étranger peuvent s'inscrire sur un registre au consulat, mais le Quai d'Orsay ne dispose d'aucune information fiscale". Quant au ministère des Finances, il n'était pas en mesure de répondre à nos sollicitations.

LIRE AUSSI >> Panama Papers: pourquoi la France doit rétribuer les lanceurs d'alerte

Publicité