L'homme moderne et celui de Néandertal se sont croisés. C'était il y a 50 000 ans, en Eurasie. Les deux espèces ont même brièvement coexisté jusqu'à l'extinction des Néandertaliens, 20 000 ans plus tard. Elles se sont sans doute mélangées. Ou du moins ont-elles tenté, en vain. Car une barrière génétique se serait dressée entre les hommes de Néandertal et les femmes Homo Sapiens, afin de décourager tout "métissage", selon des travaux publiés dans le revue American Journal of Human Genetics.

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C'est la première fois que le génome du chromosome Y de l'homme de Néandertal est séquencé. Il s'agit des 1,5% à 2% de l'ADN total des cellules qui sont porteurs des traits mâles. Toutes les précédentes études avaient porté sur le séquençage d'ADN provenant de fossiles de Néandertaliennes ou d'ADN mitochondriale transmis aux enfants des deux sexes par la mère. Cette fois, une équipe de l'Université de Stanford (Californie) s'est penchée sur les restes des six individus mâles découverts dans la grotte d'El Sidron, au nord-ouest de l'Espagne, en 1994. Des restes vieux de 49 000 ans.

Des grossesses qui n'arrivaient pas à terme

Or il apparaît que le chromosome Y de ces hommes de Néandertal, théoriquement transmis de père en fils, est totalement absent du génome de l'homme moderne. Pourquoi? D'après l'équipe américaine, des mutations dans des gènes connus chez les humains auraient pu produire des incompatibilités. Des antigènes dérivés de l'un de ces trois gènes sont apparemment responsables d'une réponse immunitaire chez des femmes enceintes attaquant leur foetus, notamment les foetus mâles. Ce qui entraîne des fausses couches.

"La caractérisation du chromosome Y du Néandertalien nous aide à mieux comprendre les divergences entre les populations qui ont abouti à l'homme de Néandertal et à l'humain moderne", estime Fernando Mendez, un chercheur de l'Université de Stanford en Californie, l'un des principaux auteurs. Leur analyse suggère que les Néandertaliens et les humains ont divergé il y a près de 590 000 ans, ce qui conforte des indications précédentes.

D'autres éléments de l'ADN néandertalien ont perduré

Ce mécanisme de rejet génétique a-t-il pu entraîner une accélération de l'extinction de la lignée génétique des Néandertaliens? Ces chercheurs estiment que d'autres études sont nécessaires pour confirmer cette découverte et ses implications. "Nous n'avons jamais observé le chromosome Y des Néandertaliens dans les échantillons humains testés jusqu'à présent", rappelle Carlos Bustamante, professeur de génétique à Stanford. "Cela ne prouve pas qu'il a totalement disparu. Même si c'est plus que probable", poursuit-il.

D'autres traces de l'ADN de l'homme de Néandertal se retrouveraient en revanche dans 20% de l'ADN de l'homme moderne, à d'autres niveaux. De croisement en croisement, l'Homo Sapiens aurait fait le tri dans le patrimoine génétique néandertalien, pour ne garder que les éléments lui octroyant un avantage adaptatif. Aujourd'hui, individuellement, 1 à 3% de votre ADN pourrait être hérité de ce cousin lointain, surtout si vous êtes d'origine européenne ou asiatique. Tous les mélanges génétiques survenus il y a quelque 50 000 ans n'ont donc pas été stériles en tout point.

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