Cette traduction d’un article du quotidien britannique The Guardian est proposée en partenariat avec Courrier Expat, nouveau site fondé par Courrier International (groupe Le Monde) pour les Français de l’étranger et les candidats à l’expatriation.
Il fut un temps où les étudiants vivaient dans les logements en colocation les plus minables qu’une ville pouvait offrir. Ceux de première année étaient les plus mal lotis, ils devaient traditionnellement se contenter de résidences universitaires de type caserne, perdues à l’autre bout de leur campus. Aujourd’hui, le logement étudiant est devenu un secteur florissant au Royaume-Uni. Selon l’agent immobilier Savills, 5,8 milliards de livres [7,3 milliards d’euros] ont été investis sur ce marché en 2015 et des résidences privées continuent à pousser comme des champignons dans des quartiers très bien situés en centre-ville. Vu de l’extérieur, ce sont des immeubles comme les autres, si ce n’est leur positionnement commercial : les étudiants se voient promettre un confort digne d’un « hôtel de charme ».
Alors qu’un tiers de ses lecteurs en ligne vivent à l’étranger, Courrier international (Groupe Le Monde) a décidé de s’adresser directement à cette communauté grandissante, avec le site Courrier Expat.
Destiné aux Français expatriés comme aux candidats à l’expatriation, il offre des informations puisées dans la presse du monde entier, sur le même modèle que Courrier international, en se concentrant sur l’environnement professionnel et personnel des Français de l’étranger. Quatre rubriques sont ainsi proposées : business, éducation, santé et lifestyle.
Courrier Expat propose également des services et une dimension communautaire. En devenant membres du Club Courrier Expat, les lecteurs peuvent avoir accès aux informations du site ainsi qu’à des conseils d’experts, consulter des offres d’emploi, participer à des forums et voyager grâce aux blogs de correspondants expatriés.
LeMonde.fr Campus, qui propose une rubrique Partir à l’étranger, publiera chaque mois un article sélectionné et traduit par Courrier Expat, qui pourra intéresser lycéens, étudiants et jeunes diplômés installés ou en partance pour l’étranger.
Voici le premier article publié dans le cadre de ce partenariat :
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Grands projets immobiliers
Le boom des logements étudiants est particulièrement frappant à Coventry. Le centre-ville est souvent décrié pour les choix architecturaux radicaux faits pendant la reconstruction après-guerre. Pourtant, le dédale de rues du quartier commerçant des années 1950 et les bureaux des années 1960 seront bientôt entourés d’immeubles de grande hauteur destinés aux étudiants. Une société nommée Study Inn propose déjà des hébergements sur cinq emplacements. L’université de Coventry ne voit d’ailleurs pas d’inconvénient à ce que le secteur privé réponde à la demande des étudiants étrangers pour des chambres de type hôtel, équipées de télévisions à écran plat, avec salle de bains attenante. Sur les cinq résidences Study Inn, quatre se composent uniquement de studios indépendants, dont les loyers vont de 141 à 181 livres par semaine (178 à 230 euros).
Plusieurs autres grands projets immobiliers sont en cours. L’université est enthousiasmée par toute cette activité : elle s’attend à voir grimper d’environ 4 000 le nombre d’étudiants d’ici cinq ans. Le conseil municipal de Coventry est lui aussi ravi, car il voit dans le boom des étudiants une source de rénovation urbaine tout à fait bienvenue. Des projets immobiliers sont en cours sur des friches industrielles abandonnées de longue date et l’économie de la nuit est en plein essor. « Il y a quatre ou cinq ans, après la récession, le centre-ville dépérissait, assure Kevin Maton, conseiller municipal chargé des entreprises et de l’emploi. Mais depuis 2013, il y a davantage d’animation, plus de bars et de restaurants. Les étudiants sont à l’avant-garde du mouvement, grâce à eux on peut convaincre plus facilement d’autres commerçants et investisseurs que les choses bougent. »
Tout le monde ne partage pas un tel enthousiasme. Coventry voit naître des tensions entre les étudiants et la population locale, effarée par la multiplication des résidences étudiantes. Chaque fois qu’un projet reçoit les autorisations, le Coventry Telegraph, le quotidien local, est submergé de commentaires et de lettres de plaintes – même si la plupart, convaincus que le centre-ville devient un quartier étudiant embourgeoisé, se gardent de formuler des objections précises. Comme le dit un lecteur : « J’en ai marre de voir les étudiants tout envahir. »
Des pubs d’ouvriers aux bars à cocktails
Si le centre-ville de Coventry connaît une mutation culturelle, des quartiers traditionnellement modestes entrent dans la danse. L’apparition d’immeubles privés à Finnieston et Charing Cross, dans l’ouest de Glasgow, destinés à accueillir des étudiants de licence – certains avec salle de cinéma intégrée et décoration intérieure danoise signée Bo Concept –, rend ces quartiers de plus en plus sélects. Autrefois connu pour ses entrepôts et ses pubs d’ouvriers des chantiers navals, Finnieston voit se multiplier les bars à cocktails, les restaurants de hamburgers pour gourmets, les barbiers hipsters et les galeries d’art.
A Bristol, de nouvelles résidences pour étudiants comme The Platform ont commencé à voir le jour près de Gloucester Road, une rue de plus en plus à la mode, où d’ores et déjà des boulangeries artisanales, des microbrasseries et des restaurants de fish and chips zéro gluten tiennent le haut du pavé.
« Les étudiants contribuent à l’embourgeoisement, même s’ils n’en sont pas vraiment responsables, reconnaît Reuben Nash, étudiant de deuxième année à l’université de West England (Bristol). Les étudiants stimulent la demande de cafés et de bars sympas, et donc ils font qu’un quartier comme Gloucester Road paraisse un peu plus cool, un peu plus vivant. Alors les propriétaires font monter les loyers et les prix de l’immobilier augmentent. C’est paradoxal, parce que beaucoup d’étudiants n’ont pas vraiment les moyens d’aller tous les jours dans des restaurants ou des cafétérias chers. »
De moins en moins d’offres abordables
Les dirigeants du syndicat national des étudiants (NUS) et de l’organisation caritative de logement étudiant Unipol s’inquiètent de voir diminuer les offres abordables. Ils craignent que cette évolution vers des appartements haut de gamme ne fasse augmenter l’ensemble des loyers, même dans les résidences universitaires à l’ancienne, avec des salles de bain et des cuisines communes.
D’après le dernier sondage NUS-Unipol, le loyer hebdomadaire moyen pour un logement étudiant au Royaume-Uni est de 147 livres (177 euros), soit une hausse de 18 % depuis 2012-2013. En 2006, le secteur privé logeait 18 % des étudiants, aujourd’hui cette proportion est passée à 41 %. « Les sociétés privées fournissent de jolis produits, des chambres et des salles de gym haut de gamme, etc. Mais tout cela a un prix », note Victoria Loverseed, de chez Unipol.
« Les universités se mettent à singer le secteur privé en construisant ce genre de résidences haut de gamme, si bien que de nombreux étudiants se sentent chassés de ce marché, poursuit-elle. On ne peut pas en vouloir aux entreprises privées, mais les universités ont un autre rôle à jouer. Elles devraient essayer de fournir des solutions abordables, et non agir comme des promoteurs immobiliers. »
Le nombre d’étudiants devrait croître dans un avenir proche, d’autant que George Osborne, le chancelier de l’Echiquier, a supprimé la limite du nombre d’étudiants que les universités peuvent accepter. Les derniers chiffres du Service des admissions aux collèges et aux universités (UCAS) font apparaître une hausse de 0,2 % du nombre de candidatures adressées aux établissements d’enseignement supérieur pour 2016-2017, la part des autres pays de l’UE entrant pour 6 % dans cette augmentation.
Les étudiants étrangers, une mine d’or ?
Shelly Asquith, vice-présidente chargée du bien-être au NUS, refuse qu’on attribue cette ruée vers l’or aux riches étudiants étrangers. « On s’attend à ce que les étudiants internationaux soient pleins aux as, mais ce n’est pas nécessairement le cas, met-elle en garde. Certains ont l’impression de ne pas avoir beaucoup de choix en matière de logement et de devoir payer des mille et des cents. Ils trouvent cela frustrant. »
Shelly Asquith craint également que des jeunes d’autres pays ne profitent pas pleinement de leur vie étudiante au Royaume-Uni, quelles que soient les promesses de leurs fournisseurs de logements « de luxe », si tant d’entre eux continuent à être séduits par des studios indépendants. Tom Copley, du groupe travailliste à l’Assemblée de Londres, estime qu’il est temps que les promoteurs arrêtent de considérer les étudiants étrangers comme une mine d’or. « Le danger, c’est que nous passions à côté de talents, parce que seuls les étudiants les plus aisés vont pouvoir vivre ici, regrette Tom Copley. Ce serait honteux. J’aimerais être sûr que nous offrions des possibilités intéressantes aux étudiants à faibles revenus, d’où qu’ils viennent. »
Adam Forrest (The Guardian)
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