
La nouvelle ne va pas calmer les taxis… La société américaine Uber va proposer aux Parisiens un service de « covoiturage urbain » à partir du mercredi 5 février. « L'idée, c'est de permettre à un particulier de conduire d'autres particuliers au volant de son propre véhicule », explique au Monde Pierre-Dimitri Gore-Coty, le responsable de la start-up en France.
C'est une déclaration de guerre, ou presque, contre les taxis. De fait, tout un chacun va pouvoir théoriquement se transformer en simili-taxi. Dans le descriptif de cette offre, baptisée « UberPOP », la société californienne évoque le scénario type : un particulier qui utilise sa Citroën C3, une petite citadine, pour effectuer une course de douze euros en moyenne.
M. Tout-le-Monde doit aussi pouvoir proposer une bouteille d'eau minérale pour désaltérer, si besoin, son client – qualité de service oblige. « Ce n'est pas non plus le même standing qu'un véhicule avec chauffeur classique, précise M. Gore-Coty. Là, le client s'assied à l'avant de la voiture, c'est dans la logique du partage, de l'économie collaborative ».
En échange d'une petite commission sur chaque course, Uber fournit l'application mobile – téléchargeable sur smartphones et tablettes à partir de mercredi –, qui propose différents profils de chauffeurs et qui les connecte en temps réel avec les clients. Elle est censée aussi garantir le sérieux des chauffeurs.
UN ENTRETIEN DE QUELQUES MINUTES
Avant de conduire un passager, ces derniers seront soumis à un examen attentif, assure Uber. Ils devront produire un permis de conduire de plus de trois ans, un extrait de leur casier judiciaire, leur historique d'assurance… Et avoir un entretien de quelques minutes avec un salarié de l'entreprise. « Cela nous coûte cher, il faut que les clients aient confiance en nos chauffeurs. Chacun d'entre eux sera en plus “noté” en permanence par ses passagers », souligne M. Gore-Coty.
Charge au conducteur, en revanche, de signaler ses revenus à l'administration fiscale. Celui-ci devra également faire part de son activité à son assurance pour être couvert en cas d'accident.
L'annonce du lancement d'UberPOP devrait faire hurler les taxis. Depuis 2011, année d'arrivée en France des premiers « VTC » (véhicule de tourisme avec chauffeur), ces sociétés 2.0 utilisant à plein les technologies mobiles, ils sont à cran.
Lire aussi : Le conflit entre taxis et les VTC porté devant le Conseil d'Etat
Les VTC – Uber est la société la plus avancée – proposent des courses sur réservation et ne sont pas soumis à la même réglementation que les taxis : pas de tarifs réglementés ni d'obligation d'acquérir une licence onéreuse, dont la valeur dépasse 200 000 euros. En revanche, ces entreprises n'ont pas le droit de charger des clients à la volée, une pratique qui reste l'apanage des taxis.
Fondée en 2009 à San Francisco (Californie), Uber est devenue la bête noire des taxis du monde entier. En France comme ailleurs, les représentants de cette profession font pression sur les pouvoirs publics pour réguler l'activité ce trublion, qui, dans une ville comme Paris, va profiter de la pénurie de taxis pour gagner des clients.
Jusque-là, cette société était plutôt discrète, en France, laissant ses concurrents mener la lutte contre les taxis dans les médias ou auprès des politiques. Mais avec son service UberPOP, la start-up californienne va se retrouver en première ligne. Et elle assume : « Ce n'est pas un service contre les taxis, mais cela ne va pas améliorer nos relations , admet M. Gore-Coty. On se concentre sur le consommateur. Si on se posait des questions, on n'en serait pas là aujourd'hui. »
LA FRANCE, UN PAYS À PART
Uber est présente dans soixante villes dans le monde. La société ne communique pas ses chiffres. Mais, à en croire la rumeur, elle aurait encaissé plus de 200 millions de dollars (148 millions d'euros) de recettes annuelles. Google a investi 258 millions de dollars à l'été 2013 dans la société pour l'aider à financer sa croissance.
De passage à Paris, fin 2013, Travis Kalancik, le PDG d'Uber, expliquait au Monde vouloir développer ses services pour « rendre les villes plus efficaces, limiter les embouteillages et améliorer les transports (…). Partout, les taxis veulent atténuer la compétition. Moi, le lobbying, ce n'est pas mon truc. On préfère laisser nos clients parler à leur gouvernement. »
Paris est, pour le service UberPOP, le premier test hors des frontières des Etats-Unis.
Pour Uber, la France est un pays à part. C'est à Paris, en 2008, que ses fondateurs ont eu l'idée de créer la société. « Notre croissance ici s'est accélérée en 2013 ; nous disposons de plusieurs centaines de chauffeurs », affirme M. Gore-Coty, peu disert sur le sujet. « Nous lançons surtout le service UberPOP à Paris parce que c'est une place forte de l'économie collaborative… », ajoute-t-il. Et pour ne pas se faire doubler par la concurrence.
« LOGIQUE DE VILLAGE »
En effet, à Paris, trois start-up se sont lancées sur ce créneau inventé par la société californienne Lyft, un concurrent d'Uber. Heetch teste son service depuis la mi-2013 : « On se focalise sur les jeudis, les vendredis et les samedis soir, quand l'offre de transport est la plus réduite », dit Teddy Pellerin, l'un des cofondateurs de Heetch.
Il y a aussi Djump, une start-up bruxelloise. « Nous, on fonctionne sur une logique de village, où les habitants se partagent les frais d'un véhicule. La donation au chauffeur est libre », explique Alexis Marcadet, le responsable de Djump à Paris.
Enfin, Miinute relève du pur collaboratif : « On veut faire ce qu'on aurait rêvé d'avoir il y a quelques années quand on était étudiants, pour rentrer chez nous après une soirée », précise Mehdi Amour, le cofondateur de Miinute.
Si l'on ajoute d'autres sociétés collaboratives plus avancées – BlaBlaCar, le leader européen du covoiturage, ou Drivy, un site de location de voiture entre particuliers –, la France est à la pointe dans les nouvelles manières de se déplacer.
« Diminuer le nombre de voitures, c'est une vieille utopie. Aujourd'hui, avec la technologie et les moyens collaboratifs, cela devient possible. Plus besoin de construire une ligne de tramway à plusieurs centaines de millions d'euros », affirme Paulin Dementhon, le fondateur de Drivy.
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