LOI TRAVAIL - Bien accueillies par les organisations étudiantes, les dernières propositions de Manuel Valls risquent de coûter cher au gouvernement. Surtaxation du CDD, revalorisation et prolongation de certaines bourses, meilleure rémunération des apprentis... La facture du dispositif pour l'insertion professionnelle des jeunes est d'ores et déjà estimée par Matignon à 500 millions d'euros.
Mais le coût politique de l'opération pourrait être encore plus important. Car non seulement ces annonces n'ont en rien calmé la fronde des syndicats contestataires contre la loi El Khomri. Mais elles ont en outre ulcéré les entreprises qui s'estiment de plus en plus flouées par l'évolution du projet de loi réformant le code du travail. De quoi parasiter durablement le message de confiance que souhaitait initialement adresser le gouvernement aux employeurs pour doper les créations d'emploi avant la fin de l'année.
L'Unef et la FIDL appellent à poursuivre les manifestations
Dès sa sortie de Matignon, le président de l'Unef a ainsi marqué sa satisfaction sans pour autant annoncer la moindre inflexion de la mobilisation contre la loi Travail. Ces mesures constituent "une réponse concrète à des revendications des jeunes", a salué William Martinet. "Mais tout ça ne lève pas tous les désaccords, notamment sur la loi Travail. C'est pour ça que l'Unef reste solidaire de l'intersyndicale" et de son appel à manifester le 28 avril, a-t-il ajouté. Intersyndicale qui réclame le retrait pur et simple du projet de loi El Khomri.
Sur les réseaux sociaux, le même William Martinet a encouragé ses adhérents à poursuivre la mobilisation en mettant en avant les avancées déjà obtenues.
Réaction identique du côté des lycéens de la FIDL. "Il y a clairement des mesures positives pour la jeunesse, notamment pour les apprentis et les lycées professionnels", a réagi Zoïa Guschlbauer, la présidente du syndicat lycéen qui appelle malgré tout à maintenir la mobilisation contre la loi El Khomri. "Est-ce que ça sert à quelque chose d'insérer les jeunes dans le monde du travail si, au final, le monde du travail est précaire?", met-elle en garde.
Bref, rien n'est réglé même si les prochaines vacances de Pâques et les examens pourraient pénaliser la mobilisation des étudiants dans les semaines qui viennent.
Menace de boycott à la CGPME, le Medef met en garde
Si les étudiants ne lâchent rien, les représentants des entreprises menacent quant à eux de tout laisser tomber. Déjà désappointées par la réécriture du projet de loi El Khomri, les organisations patronales ne digèrent pas du tout la proposition de Manuel Valls de surtaxer les CDD (dont elles font un grand usage), même s'il appartiendra aux partenaires sociaux de fixer le montant de cette surcotisation.
"Au lieu de s'interroger sur les raisons qui poussent les employeurs à embaucher en CDD et de regarder comment les inciter à préférer les CDI, le gouvernement choisit la voie de la sanction financière", a immédiatement déploré la Confédération des petites et moyennes entreprises (CGPME), dénonçant "un coup de poignard porté dans le dos des entreprises".
Du coup, celle-ci menace de boycotter la négociation en cours sur l'assurance-chômage, un autre dossier sensible sur lequel le gouvernement espérait des avancées.
Le Medef n'est pas dans de meilleures dispositions. Déjà très critique à l'égard de la loi Travail, qu'il juge dénaturée par les concessions offertes par l'exécutif, l'organisation patronale a vivement dénoncé cette "longue tradition consistant à créer une nouvelle taxe pour chaque problème rencontré", soulignant que "taxer ne crée pas d'emplois".
Pour son président Pierre Gattaz, "nous devons sortir de cette logique de saupoudrage et de taxation généralisée. Ce n'est pas en augmentant encore le coût du travail que nous aiderons les jeunes à trouver un CDI".
Pour Manuel Valls et son gouvernement, l'étau se resserre. S'il ne parvient pas à éteindre le mouvement social à sa gauche tout en s'aliénant le patronat à sa droite, le gouvernement aura définitivement perdu sur les deux tableaux.