Bolloré et Berlusconi font front commun contre Netflix

Vivendi, la multinationale de Vincent Bolloré, entre au capital de Mediaset, l'empire de Silvio Berlusconi, et inversement. Avec un but affiché : créer un Netflix européen et contrer le géant américain du streaming.

Par Jérémie Maire

Publié le 11 avril 2016 à 18h15

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 02h36

Léchéance – le projet en tout cas – est là : le français Vivendi et l'italien Mediaset veulent voir le « Netflix européen » débarquer en septembre 2016. Dans cette grande ambition pour contrer le géant américain de la vidéo à la demande, Vincent Bolloré et Silvio Berlusconi sortent l’artillerie lourde en prenant des participations croisées dans leur groupe respectif.

Vendredi 8 avril, Vivendi, dont le Breton est président du conseil de surveillance, a annoncé prendre 3,5 % du capital de Mediaset, l’empire média de l’Italien, ainsi que le contrôle de 100 % de Mediaset Premim, filiale VoD (1) du groupe Berlusconi valorisée à 800 millions d'euros. De son côté, Mediaset devient propriétaire de 3,5 % de Vivendi.

Le but, unir les forces dans la SVoD (2). Ainsi, le rapprochement des deux permettrait aux filiales de vidéo à la demande de Vivendi – Canalplay en France et Watchever en Allemagne – et de Mediaset – Infinity en Italie, bientôt en Espagne – de rassembler leurs 1,5 million d’abonnés sur une plateforme unique, qui pourrait porter le même nom partout. C’est peu (d’autant que Canalplay, selon des chiffres du Figaro, aurait perdu 200 000 abonnés depuis l’arrivée de Netflix en France, en septembre 2014) mais cela permettrait d’« imposer une marque en Europe du Sud, le seul marché où Netflix n’est pas encore hégémonique », note Le Figaro. Des prises de position face à un autre géant, le tout-puissant Sky de Rupert Murdoch, qui, en plus de réunir 4,7 millions de clients en Italie, se tire la part du lion en Allemagne et en Grande-Bretagne.

Enrayer l’ogre américain Netflix

Netflix investit six milliards de dollars dans ses contenus maison, diffusés à 75 millions d’abonnés à travers le monde. Derrière lui, c’est Amazon qui lui emboîte le pas avec trois à cinq milliards d’investissements dans de la création originale – sans être toutefois disponible en Europe.

“Il faut faire un anti-Netflix, ou au moins une alternative européenne.”

Pour tenter d’enrayer la machine à produire qu’est devenu Netflix (31 séries et 10 films seront produites rien que pour 2016, dont Marseille en France), Vivendi et Mediaset prévoient de faire entrer à leur capital, avec des participations minoritaires, deux majors américaines. Warner, Sony, Disney, Fox ou NBCUniversal seraient en discussion.

Vivendi n'a toutefois pas attendu pour investir lourdement des participations du côté des créateurs de contenus : Bolloré vient d’acquérir 26 % de la société de production télé Banijay (à qui l’on doit Touche pas à mon poste ou Les Ch’tis), tandis que la filiale de Canal+ StudioCanal est entrée au capital de Bambu Producciones (Espagne), Urban Myth Films et Sunny March TV (Royaume-Uni), trois sociétés de productions indépendantes. De quoi permettre d'atteindre l’objectif de production d’une dizaine de « grandes séries européennes » d’ici quatre à cinq ans.

Les participations croisées de Vivendi et Mediaset

Entre Mediaset et Vivendi, c’est donnant-donnant. Les deux groupes possèdent désormais 3,5 % de leur associé. Silvio Berlusconi, toujours propriétaire de l’entreprise qu’il a créée en 1993, revient ainsi dans les médias français (24 ans après l’échec de la Cinq) en devenant le premier actionnaire de Vivendi après Bolloré. Dans le même temps, Vincent Bolloré continue de consolider sa présence en Italie et dans le sud de l’Europe, puisque Vivendi est le premier actionnaire de Telecom Italia (25 % du capital) et possède 1 % de Telefonica, premier opérateur téléphonique européen. Bien pratique pour diffuser les contenus produits maison sur les plateformes fixes et mobiles. Vivendi vient, en outre, de lancer Studio+, une application proposant des séries inédites formatées pour les smartphones.

“L’unique intérêt de Bolloré est de faire main basse sur Premium pour s’adjuger ensuite la totalité de Mediaset.”

Cette opération lui permet aussi de se rapprocher de Mediaset… en vue, peut-être, d’une prise de contrôle total : « L’unique intérêt de Bolloré est de faire main basse sur Premium pour s’adjuger ensuite la totalité de Mediaset, vers qui converge la majorité du marché publicitaire italien (57 %, ndlr) », explique La Repubblica, rapportée par Le Monde

Dans ce réseau tentaculaire, les affaires se font en famille. Pier Silvio Berlusconi, fils de l’ancien président du Conseil des ministres italien à la tête de Mediaset, rejoindra le conseil d’administration de Vivendi. De son côté, c’est Yannick Bolloré, le fils de Vincent Bolloré, qui pourrait siéger au conseil d'administration de Mediaset.

(1) VoD (“Video on demand”) : vidéo à la demande, à la séance.

(2) SVoD (“Subscription video on demand”) : service de média audiovisuel à la demande ou vidéo à la demande avec abonnement.

 

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