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Faut-il se méfier des compteurs Linky ?

Des communes s’opposent à l’installation sur des compteurs « intelligents » qu’ERDF doit généraliser à l’ensemble des foyers français d’ici à 2021.

Par  et

Publié le 07 avril 2016 à 14h05, modifié le 08 avril 2016 à 15h55

Temps de Lecture 5 min.

Linky, le nouveau compteur électrique ERDF.

La grogne monte autour des compteurs « intelligents » Linky, d’ERDF, la filiale d’EDF gestionnaire du réseau de distribution d’électricité. Expérimenté depuis 2010 à Lyon et en Indre-et-Loire, ce nouvel outil communiquant est depuis le 1er décembre en phase de déploiement dans tous les foyers français. La loi de transition énergétique du 18 août 2015 prévoit en effet le remplacement de 35 millions de compteurs classiques par des Linky, d’ici à 2021.

Mais cette opération, qui devrait coûter 5 milliards d’euros à ERDF, ne fait pas l’unanimité. Sollicitées par des habitants, près de quatre-vingts petites communes ont adopté des délibérations ou des arrêtés, refusant la pose de ces appareils sur leur territoire.

Le 6 avril, par exemple, la commune de Saint-Macaire (Gironde) votait à l’unanimité une délibération contre l’installation de Linky, soulignant les « facteurs de risque pour la santé des habitants » et le coût « économiquement et écologiquement non justifié de se débarrasser des compteurs actuels qui fonctionnent très bien et qui ont une durée de vie importante ». Le conseil municipal souligne que les compteurs électriques appartiennent aux collectivités et non à ERDF.

Le président de l’Association des maires de France, François Baroin, a écrit le 17 mars au premier ministre, Manuel Valls, pour demander à l’Etat « d’informer les maires sur les limites de leur capacité à agir dans ce domaine » et de « fournir de manière objective et transparente aux habitants inquiets les réponses qu’ils attendent ».

  • Pourquoi de nouveaux compteurs ?

L’objectif de ces nouveaux appareils « intelligents » est de connaître la consommation d’électricité des usagers en temps réel, et de pouvoir en conséquence mieux la maîtriser pour faire des économies.

Pour l’heure, l’apport de Linky réside essentiellement dans l’automatisation des relevés de consommation. Ces compteurs collectent les informations de consommation une à deux fois par jour, et les envoient à ERDF par le réseau électrique. Fini dès lors les interventions à domicile : relevé, mise en service, adaptation du contrat se font à distance et donc sans rendez-vous. Aussi les factures ne sont plus établies sur la base d’une consommation estimée et régularisées tous les six mois, mais sur la consommation réelle.

Une fois le nouveau compteur Linky installé dans leur logement, les ménages disposent d’un accès personnalisé et sécurisé à un site mis en place par ERDF où ils peuvent consulter leur consommation journalière, voire horaire pour ceux qui en font la demande. Données qui sont mises à jour quotidiennement.

« Initialement, Linky a été développé par ERDF avant tout pour mieux gérer son réseau. Ce portail dédié mis à disposition par ERDF dont les données ne sont affichées qu’en kilowatt-heure et non en euros n’offre qu’un service de base peu attractif », relève Nicolas Mouchnino, chargé de mission énergie-environnement d’UFC-Que choisir qui déplore que la phase d’expérimentation ait essentiellement consisté en des tests techniques, et n’est jamais été pensée d’un point de vue du consommateur. « Le compteur en soi, certes communiquant, ne permet pas de faire des économies, insiste-t-il. Ce sont les services développés autour, en interconnexion, qui en feront un outil de maîtrise de la consommation d’énergie. »

  • De quelle façon Linky permettra-t-il de mieux maîtriser sa consommation d’énergie ?

Ces compteurs intelligents ne révéleront tout leur potentiel qu’avec le développement de services qui permettront aux ménages de mieux comprendre leur consommation et d’économiser l’énergie. Avec leur généralisation, les fournisseurs (EDF, Engie, Direct Energie, etc.) vont pouvoir développer des offres tarifaires adaptées aux besoins de chaque consommateur, et une tarification horaire différenciée, plus fine que le tarif « heures pleines-heures creuses ».

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« Avec l’accord explicite des clients, et en anonymisant les données, d’autres acteurs privés ou publics, les collectivités territoriales notamment, pourront aussi proposer des services d’aide à la maîtrise de la consommation d’énergie, notamment en apportant des éléments comparatifs pour se situer par rapport à d’autres ménages équivalents », explique David Marchal, directeur adjoint productions et énergies durables de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) qui accompagne déjà un tel projet à Lorient.

Linky trouve aujourd’hui toute son utilité dans les expérimentations de « smart grid », ces réseaux électriques intelligents développés à l’échelle de quartier. Avec le réseau IssyGrid, premier réseau de quartier opérationnel en France à Issy-les-Moulineaux, dans les logements équipés d’un système de domotique et de Linky, les habitants peuvent suivre leur consommation réelle, globale et par usage (éclairage, chauffage, eau chaude et eau froide). Demain, des services offriront une connaissance plus fine encore des consommations par type d’équipements domestiques.

« Pour tous ces services, il est essentiel d’accompagner les ménages pour qu’ils s’emparent de ces outils et se penchent sur la maîtrise de leurs consommations, insiste David Marchal. Des études réalisées à l’étranger montrent que, selon les outils mis en place et l’acquisition progressive d’une culture de l’énergie par les personnes, les économies sur les gestes quotidiens peuvent aller jusqu’à 10 %. »

  • Les ondes émises par les compteurs Linky sont-elles dangereuses pour la santé ?

Linky est connecté à Internet, non pas par Wi-Fi, ou GSM, mais par un système de courant porteur en ligne (CPL), sur les fils électriques de la maison. S’il n’y a ainsi pas d’émetteur comme un routeur Wi-Fi pour la connexion internet, il peut y avoir un rayonnement au niveau des câbles.

Ce type d’émissions électromagnétiques est classé « cancérogène possible » par l’OMS. Cependant, le rayonnement du Linky est très faible. Selon les évaluations réalisées par l’Agence nationale des fréquences (ANFR), il est de 0,1 volt par mètre, soit 120 fois moins qu’un fer à repasser ou qu’un frigidaire, 800 fois moins qu’un grille-pain et 150 fois moins qu’une ampoule basse consommation.

  • Les données des utilisateurs sont-elles protégées ?

Les compteurs Linky ont aussi suscité de nombreuses interrogations de la part des défenseurs de la vie privée. En cause, principalement, la collecte de la « courbe de charge » – la consommation électrique heure par heure. Cette donnée est très précieuse pour ERDF, mais elle est aussi très révélatrice d’informations privées : on peut en déduire les présences et absences du domicile, le type de chauffage, les moments où une personne prend une douche… Sans parler d’utilisation « hors norme » du réseau, par exemple la présence de lampes à forte puissance utilisées pour la culture de plants de cannabis.

La Commission nationale informatique et libertés (CNIL) avait donc émis des recommandations plutôt strictes sur la collecte de ces informations – et leur transmission éventuelle à des tiers. La CNIL a autorisé l’enregistrement de ces données, mais seulement au niveau local (dans le compteur lui-même). Cet enregistrement est activé par défaut mais peut être coupé par l’utilisateur – la transmission des informations à ERDF doit, elle, faire
l’objet de l’accord explicite du client.

  • Les citoyens peuvent-ils refuser l’installation d’un compteur Linky ?

Les associations Robin des toits et Priartem, qui défendent les personnes souffrant d’hypersensibilité aux ondes, appellent les citoyens à refuser l’installation de Linky. L’UFC-Que choisir, comme 60 Millions de consommateurs, conseillent cependant la prudence : « Le remplacement d’un compteur fait partie des conditions générales du contrat de distribution. Comme hier les compteurs électromécaniques ont été remplacés par des compteurs électroniques, aujourd’hui une nouvelle génération de compteurs communiquant est installée. Pour l’instant ERDF ne sévit pas, mais refuser la pose de Linky c’est courir le risque de voir son électricité coupée », explique Nicolas Mouchnino.

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