Et si on la prenait au mot, cette Belle Alliance populaire, qui, selon son promoteur, Jean-Christophe Cambadélis, veut « dépasser le PS » pour fonder une « fédération de la gauche de transformation », avec pour objectif d’« élaborer une alternative au libéralisme ambiant et au nationalisme montant ».
Commençons par le milieu, en l’occurrence ce terme d’« alliance ». En politique, il est censé indiquer que des forces distinctes ont choisi de mettre de côté leurs divergences, estimant que ce qui les rassemble est plus important. Ce n’est certainement pas ce qui a été donné à voir, lors du lancement de l’initiative, mercredi 13 avril, à Paris, quelque part entre la place de la République et la quatrième dimension.
Serrés autour de Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du PS, sur la banquette trop petite du Paname Art Café, se côtoyaient les apparatchiks des groupuscules amis – Jean-Vincent Placé, François de Rugy, Denis Baupin et Yves Piétrasanta pour les écologistes progouvernementaux, Jean-Luc Bennahmias et Christophe Madrolle du Front démocrate – les traditionnels alliés radicaux représentés par l’ex-ministre du logement Sylvia Pinel, ainsi que des anciens syndicalistes proches du PS (CFDT, UNSA, FAGE) et des « acteurs de la société civile », comme l’ancien magistrat Jean-Pierre Rosenczveig.
Le retour de Fadela Amara
Pas un membre de la gauche du PS n’avait fait le déplacement. Pas un ministre. Pas une personnalité politique emblématique de la gauche, gouvernementale ou pas. Jean-Christophe Cambadélis avait annoncé une surprise. Elle s’est résumée au retour de Fadela Amara, l’ancienne présidente de Ni putes ni soumises, partie faire un tour du côté de chez Nicolas Sarkozy sous le précédent quinquennat. Au bout du compte, il s’agit d’un agrégat d’anciens camarades ou compagnons de route du PS, qui découvrent à quel point leurs rangs sont décimés après quatre ans de pouvoir.
Ce qui amène à l’adjectif « belle », censé qualifier cette alliance. Mercredi, l’aspect esthétique de ce rassemblement ne sautait pas aux yeux. Nul besoin de s’attarder sur le logo qui orne les affiches, un copier-coller de celui de la marque de prêt-à-porter Celio. Ce sont les interventions des différents participants qui tranchaient le plus avec ce qualificatif. Aucun souffle. Elles étaient débitées sur un ton automatique. Rien de la fraîcheur – quoi qu’on en pense sur le fond – d’initiatives politiques comme celle de la Nuit debout ou, dans un autre style, du ministre de l’économie Emmanuel Macron. L’affaire dégage une furieuse impression de déjà-vu, de rafistolage d’un navire sur le point de sombrer.
Au micro, Julien Dray, dégoulinant sous la chaleur des projecteurs, a bien tenté d’animer un peu cette mise sur les rails en tutoyant et en rudoyant gentiment les différents interlocuteurs. Mais tout cela a surtout donné la sensation que tout ce petit monde se connaît depuis bien trop longtemps.
Ce qui rend d’autant plus insolite ce dernier mot de « populaire ». Pas grand-chose n’évoquait le peuple dans le lancement de cette alliance. A l’heure de l’occupation des places, les socialistes ont choisi d’aller s’enfermer dans un petit café du quartier le plus bobo de Paris. MM. Cambadélis et Dray avaient beau vanter une démarche « innovante » de « co-construction politique » avec la société civile, ce sont eux qui ont totalement la main sur un processus, qui à peine né, semble déjà si vieux.
Initiative hors sol
Avec cette initiative, le PS apparaît plus que jamais hors sol, déconnecté des électeurs. Pas un mot sur le chômage qui frappe le pays, lors de la vingtaine d’interventions des différents participants. Rien sur le terrorisme, alors que les assaillants du 13 novembre sont passés dans la rue du café où se déroulait le lancement de l’alliance. Aux oubliettes la loi travail, la déchéance de nationalité, la loi Macron et plus généralement tous les thèmes qui ont amené la gauche à se diviser.
Dans le monde parallèle de la Belle Alliance populaire, le bilan de François Hollande et de la gauche au pouvoir n’existe pas, la réalité semble être un concept malléable. Interpellé sur la question, Jean-Luc Bennahmias s’en offusquait à la sortie : « J’ai prononcé le mot de géopolitique dans mon intervention, si ça c’est pas la réalité ! »
Partie d’un constat juste – la gauche fragmentée a toutes les chances d’être électoralement balayée –, la Belle Alliance populaire semble conçue pour faire la démonstration que les partis politiques n’ont pas la capacité de se réinventer, mais tout juste d’indéfiniment se répéter.
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