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Comment est réellement fixé le prix des billets d’avion

Les tarifs aériens dépendent avant tout de la concurrence et des forces en présence sur une ligne, plutôt que des simples coûts fixes ou variables d’une compagnie.

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Sur certaines lignes, les transporteurs aériens ont conclu des accords de partage des capacités et s’échangent les passagers, sur d’autres elles se livrent une guerre frontale.

Par Denis Fainsilber

Publié le 13 avr. 2016 à 17:02

Comment est fixé le prix d’un billet d’avion? Certainement pas en additionnant les différents postes de charges (salaires du personnel, kérosène, amortissement des avions, redevances aéroportuaires...). Avec la baisse du prix du pétrole, Air France KLM a taillé de moitié sa « surcharge carburant » sur la plupart de son réseau long-courrier et l’a totalement abolie sur ses vols moyen-courriers, préférant appliquer désormais une mystérieuse « surcharge transporteur » qui constitue un bout du prix mais n’est pas corrélée aux prix du carburant. D’autres compagnies appliquent les mêmes suppléments, qui n’ont rien à voir avec les taxes de sûreté ou d’aéroport. « C’est une composante à part, il serait difficile de revenir en arrière, ce serait une manipulation risquée », estime un cadre d’Air France à Roissy.

La raison tient sans doute à l’importance du paysage concurrentiel, un facteur déterminant pour la fixation fine des tarifs. Dans le service spécialisé de « revenue management », qui ouvre et qui ferme les classes de tarifs de chaque vol à Roissy-CDG et à Amsterdam en fonction de l’état du remplissage des cabines plusieurs semaines à l’avance, on garde plus que jamais un oeil attentif sur les rivaux du transporteur national, une armada qui varie grandement d’une ligne à l’autre.

Photographier les tarifs des rivaux

Cette veille est systématique et industrialisée. « Nous utilisons des logiciels fournis par un prestataire, QL2, qui prend plusieurs fois par jour des photos des sites internet de la concurrence. En fait, tout le monde dans le secteur utilise le même type d’outil », dévoile Stéphane Ormand, responsable du revenue management moyen courrier d’Air France-KLM. De quoi nourrir les briefings réguliers avec ses équipes, où sont prises les décisions de remonter les prix offerts ou au contraire de prolonger des promotions. « Ici, nous faisons des prix pour remplir au mieux chaque avion. Mais ce travail n’est pas fait en fonction de nos coûts », ajoute-t-il. Lesquels sont d’ailleurs pour une bonne part (pétrole ou taux d’intérêt exceptés), incompressibles.

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Même approche chez les transporteurs asiatiques. « La concurrence, c’est ça qui fixe la logique de prix », confirme Brice Schoubrenner, directeur du « pricing » et des ventes directes de Singapore Airlines pour la France. « Vers le haut ou vers le bas, en fonction des places disponibles ». Un vol commence à se gérer et vivre sa vie un an à l’avance, mais parfois, la belle mécanique s’enraye. Après les attentats de novembre 2015, par exemple, événements par nature imprévus, le trafic entre la France et l’Asie a baissé dans les deux sens, obligeant à chambouler les plans en matière tarifaire. Par ailleurs, les méga-alliances planétaires comme Star Alliance, Skyteam ou Oneworld permettent-ils d’agréger des millions de tarifs complémentaires, pour écraser les petits concurrents restés indépendants? Pas vraiment. Car pour des questions juridiques, les synergies sont limitées.

Les alliances, des synergies imitées

« Nous avons le droit de vendre un trajet Lyon-Francfort-Singapour, dans ce cas Lufthansa fixe un tarif, utilisable par nous, sur le tronçon Lyon-Francfort assuré avec son avion», poursuit le responsable de SIA à Paris. « On se donne accès mutuellement à ce type de vols. Mais nous ne sommes pas dans le cadre d’une joint venture, je n’ai absolument pas le droit de discuter d’autres tarifs avec mon homologue de Lufthansa, on signe des contrats dans ce sens ».

Situé en « bout de ligne » par rapport à sa maison-mère, le bureau français de Singapore Airlines a néanmoins son mot à dire en matière tarifaire. « Notre siège de Singapour travaille sur les remplissages et les capacités, et fait des arbitrages entre différents pays, mais il existe pour l’Europe une certaine autonomie pays par pays, poursuit Brice Schoubrenner. « Je fais des propositions à Singapour, car localement nous avons une meilleure idée de la demande. Par exemple, le marché britannique est très orienté vers l’Australie et la Nouvelle-Zélande, alors qu’au départ de la France, on vend plutôt le Vietnam, le Cambodge ou la Birmanie. Au total, une cinquantaine de destinations nous concernent en Asie, et nous étudions tous les développements pouvant augmenter le trafic. »

L’influence des compagnies du Golfe

Enfin, élément important à prendre en compte par les transporteurs européens comme asiatiques en matière de concurrence: l’émergence rapide des compagnies du Golfe. Qui proposent certes les mêmes destinations avec une escale intermédiaire à Dubai, Doha ou Abu Dhabi, mais influencent nettement les tarifs grâce à l’augmentation massive de leurs capacités. Dans bon nombre de cas, des appareils comme les Airbus A330/A340 ont cédé la place à des A380 à deux ponts, soit une hausse très importante des sièges offerts. Par rapport à leurs concurrents européens, « les principes de base et outils en matière de pricing et revenue management sont sans doute semblables. Mais le modèle de croissance et le modèle long courrier/long courrier amènent à des modes de gestion différents”, estime Thierry Antinori, vice-président exécutif commercial d’Emirates Airlines.

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