Hépatite C : bientôt un traitement à moins de 300 dollars
DNDi, une ONG spécialisée dans le développement à bas coût de produits pour les pays pauvres, relève le défi. En France, le traitement de Gilead est vendu 41.000 euros.
Un traitement contre l’hépatite C à moins de 300 dollars c’est possible. C’est le défi lancé par la structure à but non lucratif DNDi (Drug For Neglected Diseases), spécialiste du développement de médicaments pour les pays du sud, associée aux gouvernements malaisiens et thaïlandais. L’annonce a été faite ce mercredi dans le cadre du Congrès international sur les maladies du foie qui se déroule à Barcelone. En France, le Sovaldi, de Gilead, est vendu 41.000 euros. « Un essai clinique de Phase III, incluant un millier de participants en Malaisie et en Thaïlande démarrera d’ici à juillet prochain » explique Bernard Pécoul, directeur exécutif de DNDi.
Le médicament est une association de deux molécules, sofosbuvir, un générique du Sovaldi de Gilead et ravidasvir, une nouveau produit développé par la société californienne, Presidio Pharmaceuticals. Cette association a déjà été testée avec succès (100 % de guérison) en Egypte sur 300 patients infectés par un des sous-types du virus. « Le but de l’essai clinique programmé avec nos partenaires est d’apporter la preuve de son efficacité sur les cinq autres sous types du virus et notamment ceux qui ont été délaissés par les grands laboratoires pharmaceutiques parce qu’ils sont peu présents dans les populations des pays développés » explique Bernard Pécoul. Si cet essai, qui doit durer 18 mois, est concluant, le traitement pourrait être commercialisé en 2018.
Les origines de DNDI
DNDi a été créé en 2003 par sept organisations à but non lucratif dont Médecins Sans Frontières et l’Institut Pasteur, côté français, dans le cadre d’une vaste prise de conscience que des millions de personnes dans les pays les plus pauvres souffraient de pathologies (maladie du sommeil, malaria, leishmaniose, maladie de Chagas, etc) auxquelles l’industrie pharmaceutique ne s’intéressait pas faute de marché solvable. Comme d’autres structures lancées à la même époque, (Medicines for Malaria Ventures, The Foundation pour Innovative New Diagnostics, TB Alliance ou PATH), DNDi s’est créé en réaction contre ce qui était présenté comme une fatalité, l’absence de traitement, et s’était fixé comme but de développer d’ici à 2018, 11 à 13 traitements pour ces maladies.
Un prix fonction du coût de fabrication
Cette opération n’a été possible que grâce au refus de l’Egypte, pays à la plus forte prévalence mondiale d’hépatite C (14% de la population), de reconnaître les brevets de Gilead sur le Sovaldi. Invoquant l’ « urgence de santé publique », qui est une des exceptions au droit des brevets, l’Egypte a lancé elle-même, via le laboratoire égyptien Pharco, une production à grande échelle de génériques du Sovaldi. Et grâce à la licence obtenue par DNDi, sur l’autre molécule auprès de l’américain Presidio, Pharco va pouvoir fournir les quantités de la combinaison nécessaire à la réalisation de l’essai clinique.
Dans la course au développement de la nouvelle génération de molécules contre l’hépatite C, ceux qui sont en queue de peloton comme Presidio ont tout intérêt à valoriser au plus vite leurs molécules encore développement s’ils ne veulent pas perdre tous leurs investissements en recherche, dans la mesure où les pionniers comme Gilead, BMS et autres Merck sont en train d’assécher le marché de l’hépatite C avec des traitements qui guérissent. C’est ce qui a incité Presidio céder une licence sur sa molécule en échange de royalties à un chiffre sur les ventes.
Le développement des deux composants du produit étant quasiment achevé, l’objectif de prix de 294 dollars fixé par DNDi, ne tient plus compte que des coûts de fabrication majorés d’une faible marge. Ceux-ci ont été établis par comparaison avec le coût de production d’autres antiviraux, qui sont également des molécules de synthèse. Une étude réalisée pour le compte de DNDi montre ainsi que le coût de production des génériques du Sovaldi est de 68 à 136 dollars par traitement (pour prix de vente actuel 1000 fois supérieur).
Les pays émergents concernés
Une fois le produit homologué par les autorités de santé, restera la question de son accès au marché compte tenu des brevets déposés par les Gilead, BMS et autres Merck. « Différentes voies sont possibles : la contestation des brevets, la licence obligatoire, le « government use » c’est-à-dire l’utilisation du produit dans le secteur public etc. » explique Bernard Pécoul.
Les pays émergents (Inde, Brésil, Russie, . . . ) sont les plus concernés car, du fait de leur revenu moyen intermédiaire, ils n’ont pas accès aux programmes compassionnels des laboratoires pharmaceutiques, alors qu’une fraction importante de leur population reste très pauvre. Or, 73 % de la population infectée par l’hépatite C vit dans ces pays à revenu intermédiaire.
Catherine Ducruet
Thématiques associées