
CINÉMA - Vingt ans après l'avoir créé, Mathias Malzieu donne enfin vie sur grand écran à Giant Jack, ce héros qui peuple ses livres et les chansons de Dionysos dans Jack et la mécanique du coeur, film d'animation poétique et musical, en salles mercredi 5 février.
Les fans du groupe phare de la scène rock française sont déjà familiers de ce personnage apparu pour la première fois dans le premier roman de Malzieu, Maintenant qu'il fait tout le temps nuit sur toi et dans le cinquième album du groupe, Monsters in love sorti la même année, en 2005.
Bande-annonce de Jack et la mécanique du coeur:
Adaptation d'un livre devenu disque sur lequel apparaissaient entre autres Olivia Ruiz ou Jean Rochefort, Jack et la mécanique du coeur répond aux désirs de cinéma de son auteur. Le HuffPost lui a posé quelques questions.
Mathias Malzieu: J'ai écrit le bouquin, j'ai composé les chansons en ayant à l'esprit d'en faire un film par la suite mais sans aucune certitude. L'animation m'a permis de servir au mieux la fonction narrative de l'histoire. C'est avant tout pour ça que je l'ai choisie. C'est un formidable outil quand on parle du siècle des inventeurs, d'un personnage avec une horloge à la place du cœur, de George Méliès ou de Jack l'éventreur. Le champ des possible s'ouvre, presque vertigineusement.
Nous avons pu filmer des personnages mi-humains mi-poupée de porcelaine, assumer leur fragilité et pousser le parti pris poétique jusqu'au bout. Créer des femmes-papillons et autres tendres monstres, passer de l'origami à la 3D, du spectacle de marionnette à la reconstruction de film de Méliès et faire voler des trains en papier, ç'eut été (encore) plus compliqué, sur un tournage en prises de vue réelles.
Mathias Malzieu: Je retiendrais surtout que le film est terminé et qu'il a survécu aux tempêtes techniques et logistiques. J'ai ressenti toutes les émotions de joie, d'émerveillement et de forte inquiétude comme un papa bizarre tout au long de cette aventure. C'est un film fragile, qui se casse, comme ses personnages. Produire un long métrage aussi loin du format classique aujourd'hui en France est déjà un petit miracle en soi.
Dans le fond comme dans la forme, Luc et Virginie Besson nous ont encouragé à assumer la différence de ce film, comme le fait le personnage principal. Les graphistes de Duran dans un premier temps et toute l'équipe de Walking the dog qui a du reprendre le train en marche, le remettre sur les rails et atteindre une vitesse maximale vite et bien, ont fourni un travail colossal a l'échelle de 6 ans. Tous se sont arrachés pour rendre le film le plus proche possible du rêve initial. Ils l'ont fait au-delà de nos espérances.

Mathias Malzieu: Stéphane Berla [auteur de clips, il co-signe le film] est un esprit créatif hors-norme avec qui j'ai pu échanger comme dans un jeu. C'est un garçon ingénieux et généreux avec qui il fait bon voyager, autant dans nos imaginaires communs qu'au jour le jour dans un Thalys vers Bruxelles. Son talent artistique et la complicité qui s'est mise en place entre nous a été précieuse pour transformer le film rêvé en film réel.
Quant à Nicoletta Ceccoli [illustratrice du livre], c'est un coup de coeur également. Un design que je n'avais jamais vu jusque là en film d'animation. Un challenge donc, mais tout le monde a flashé sur son travail. Entre pop-surréaliste, "steampunk" et douceur un peu baroque. Elle a une sensibilité qui donne un parfum très singulier au film. Elle collait parfaitement a l'esprit poétique hors d'âge que l'on cherchait. Une atmosphère plus cinématographique que cartoonesque finalement, mais avec ce côté miniature magique rendu possible par l'animation.
Mathias Malzieu:Je suis sensible aux ovnis poétiques tel que Mary et Max, un film d'animation australien en pâte à modeler, Fantastic Mr. Fox de Wes Anderson, Panique au village, Ernest et Celestine ou Frankenweenie. Pour toujours, je garderai un souvenir impérissable des films d'Hayao Miyazaki. Je suis aussi très admiratif du travail des studios Folimage. Ils ont inventé leur style, ce sont de vrais artisans passionnés et j'aime leurs créations et les gens que j'y ai rencontré. Pour moi, ils sont le Ghibli français.
Mathias Malzieu: J'ai l'impression que cet outil commence à tourner un peu en rond. Même si je me suis régalé devant Toy Story et autres Wall-E, ces temps-ci, les visuels des personnages semblent interchangeables de film en film. Le style d'animation très élastique, les blagues, les animaux qui parlent, les mouvements rapides de caméra, les poursuites et les couleurs flashy ont tendance à se standardiser comme les voix utilisées.
Je vois le film d'animation comme un outil résolument magique pour fabriquer le cinéma de la surprise. Ce serait dommage que le genre ne soit plus squatté que par des films ultra-formatés au rendu très lisse. Heureusement, Folimage et les films cités plus haut en sont le merveilleux contre-exemple et la belle alternative.
Découvrez quelques images du film dans le diaporama ci-dessous:
L'histoire: Edimbourg, 1874. Jack naît le jour le plus froid du monde et son coeur en reste gelé. Le Docteur Madeleine le sauve en remplaçant son coeur défectueux par une horloge mécanique. Mais Jack doit respecter trois lois: ne pas toucher à ses aiguilles, maîtriser sa colère et surtout ne jamais tomber amoureux. Sa rencontre avec Miss Acacia, une petite chanteuse de rue, va précipiter la cadence de ses aiguilles.
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