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"Sectaire, fêtard, bobo…" : le vrai du faux sur Nuit debout

DECRYPTAGE - Au centre des attentions après la polémique Finkielkraut, le mouvement Nuit debout suscite de nombreuses réactions tranchées. Le JDD fait le point sur ces principales affirmations.

Axel Roux , Mis à jour le
Un sympathisant du mouvement Nuit debout montrant son opposition en Assemblée générale.
Un sympathisant du mouvement Nuit debout montrant son opposition en Assemblée générale. © Reuters

"2.290.000." C’est le nombre d’occurrences qui reviennent lorsque l'on tape "Nuit debout" mercredi matin dans le moteur de recherche Google. Parmi elles, de nombreux résultats relatent les évolutions du mouvement lancé le 31 mars en parallèle de la mobilisation contre le projet de loi El Khomri, mais également de nombreuses rumeurs et approximations.

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Pour démêler le vrai du faux, le JDD fait le point sur les quelques interrogations persistantes autour du mouvement Nuit debout.

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"On peut y aller si on ne partage pas leurs idées?"

 Oui, mais... Après la polémique sur l’évacuation du philosophe Alain Finkielkraut de la place République, samedi soir, de nombreuses personnes se sont interrogées sur la sincérité des valeurs d’expressions libres et de tolérances prônées par le mouvement. Nuit debout peut-il interdire la place à certaines personnes? La question a été en tranchée pendant l’Assemblée générale du 6 avril : "Non", indique le compte rendu , avant de mentionner que la question, soulevée plus tard dans l’AG, ne faisait pas non plus consensus. A ce titre, il faut mentionner que cette décision a été prise alors qu’une dizaine de skinheads étaient venus place de la République pour en découdre dans la nuit du 2 au 3 avril.

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Concernant l’altercation avec Alain Finkielkraut, différents témoignages sont venus éclairer les faits ces derniers jours. D’après le témoignage d’une participante interrogée par Europe1, Alain Finkielkraut aurait assisté à une partie de l’assemblée générale. Sur un billet de blog de personnes "participants à la commission accueil et sérénité", le service d’ordre improvisé de Nuit debout qui s’est chargé d’escorter le philosophe, explique : "Nous ne l'avons en aucun cas contraint à partir (il s'est au contraire montré surpris d'être protégé à Nuit Debout)". Une version qui va dans le sens des déclarations d’un membre de la commission rencontré par le JDD, et qui réfutait l’idée d’avoir "expulsé" le philosophe.

Lire notre reportage : Finkielkraut évacué, comment Nuit debout assure la sécurité

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Très commentée le lendemain sur le parvis de la place et en assemblée générale, difficile de dire si l’évacuation du philosophe fait pour autant le consentement général au sein du mouvement. D’un côté, certaines personnes comprennent qu’Alain Finkielkraut ait été pris à parti, en raison de ses positions jugées réactionnaires. De l’autre, certains participants ont tenu à se détacher des événements, pointant du doigt que les invectives de quelques personnes à l’encontre de Finkielkraut ne pouvaient représenter le mouvement.


"Nuit debout n'a pas le droit de se réunir pendant l’Etat d’urgence?"

Au contraire. Prolongées jusque fin mai , les mesures de l’Etat d’urgence adoptées après les attentats du 13 novembres donnent le pouvoir au préfet de police de restreindre les libertés publiques. Au premier rang, elle permet de prendre des arrêtés pour interdire les manifestations, ce qui fut le cas jusqu’au 30 novembre, pendant les rassemblements en marge de COP21 . La préfecture peut également décider d’interdire les réunions, même dans un endroit privé, si elles sont de nature à "entretenir le désordre". Or, depuis le début de Nuit debout, aucune décision en ce sens n’a été prise par le préfet de Paris Michel Cadot .

Membre du mouvement depuis le 31 mars et par ailleurs encartée au Parti de Gauche, Leila Chaibi, se charge de déposer chaque jour les demandes d’occupations de la place République en préfecture. "On fait prévaloir notre droit de réunion préalable et tant qu’on ne recevra pas une notification d’interdiction en main propre, on continuera", explique-t-elle au JDD. Juridiquement, la liberté de réunion relève en effet d’un régime dit "de déclaration préalable". Autrement dit, on est en droit d’exercer cette liberté seulement après avoir déclaré son intention auprès des autorités compétentes, dans ce cas la préfecture. Si la réunion n’est pas interdite par la suite, elle est donc implicitement autorisée.

À l’heure où certaines personnalités politiques de droite souhaitent interdire le mouvement, voici le scénario si leur demande était étudiée. Sauf arrêté anti-réunion de la préfecture (ce qui est possible si certains débordements continuent) toute demande d’interruption de Nuit debout devra passer par une notification d’interdiction réalisée en préfecture et transmise en main propre à la personne signataire de la demande d’occupation. Les membres de Nuit debout auraient toujours la possibilité d’exercer un recours au tribunal administratif.

"Il paraît que c’est la fête toute la nuit?"

 Ça dépend des soirs. C’est un argument pointé du doigt par certains riverains de la place République excédés . En marge des assemblées générales, des concerts de soutien sont régulièrement organisés et peuvent se prolonger jusque tard dans la nuit certains week-ends. "Pour moi, c’est une grosse fête de la musique", relatait au JDD une personne dont les fenêtres donnent sur la place de la République. Précisons néanmoins qu’en semaine et le week-end dernier, les demandes d’occupations déposées en préfecture n’autorisaient les rassemblements qu'entre 18 heures et minuit. Passée cette heure, les organisateurs de Nuit debout sont chargés de disperser la foule. Si certains débordements nocturnes ("manifestations sauvages", heurts avec la police, etc.) ont pu être observé jusqu’à présent, les relations avec les autorités seraient en phase de se normaliser, à en croire un communiqué de la préfecture de police publié lundi.

Malgré tout, certains membres du mouvement déplorent qu’une bonne partie des personnes viennent place de la République dans un but festif et non politique. "On a un rôle ingrat, témoignait encore un membre de la commission accueil et sérénité, qui veille à la sécurité des lieux. Ça m’arrive d’aller voir des personnes ivres pour leur demander de se calmer et en retour, on me dit :‘T’es de la police?’"

"On n’est pas contre la musique, mais on est là dans un but précis, le retrait de la loi El Khomri, pas pour faire la fête et emmerder les voisins", explique à son tour Laila Chaibi. Qui renvoie une partie de la responsabilité sur la préfecture à qui elle reproche de fermer les yeux sur les vendeurs à la sauvette qui se sont installés pour vendre de l’alcool.

"De toute façon, à Nuit debout, tout le monde se ressemble, non?"

 Plutôt vrai, mais. "L’enjeu, pour moi, c’est que la Nuit debout sorte de l’entre-soi", estimait le 8 avril François Ruffin, réalisateur du film satirique Merci patron! et instigateur du mouvement. Souvent pointé du doigt pour son endogamie, le mouvement Nuit debout peine pour l’instant à relever le défi de la diversité.


Un auditoire volontiers taxé de "bobos" par certains, même si le mouvement cherche à s’étendre au delà du périphérique, notamment avec le nouveau-né "Banlieue debout". Des rassemblements ont d’ailleurs émergé à Seint-Denis, à Créteil ou encore à Mantes, sans non plus s'enraciner véritablement.

Source: leJDD.fr

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