Le GIF est-il l'avenir de la photographie ?

Depuis quatre ans, le GIF animé se fraie un chemin dans le monde de l’art. Au CentQuatre, le festival Circulation(s) expose onze artistes spécialistes de ce genre hybride, pépite de la culture geek.

Par Joséphine Bindé

Publié le 19 avril 2016 à 08h30

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 02h37

Les choses bougent au CentQuatre ! Cette année, le festival Circulation(s), dédié à la jeune photographie européenne, a consacré une section entière aux GIFs animés. Des smartphones accrochés au mur : c’est ainsi qu’exposent les onze artistes sélectionnés par le jury via un appel à candidatures. Résultat ? De petites créations surréalistes… et drôlement hypnotiques.

Du LOL à l’art

Aussi geek que vintage, le GIF est un format d'image inventé en 1987 par CompuServe, qui s’est longtemps cantonné aux chatons ringards et à l’humour tarte à la crème… des friandises que les internautes consomment depuis la préhistoire du web. Aujourd’hui, ces vignettes animées envahissent la plate-forme Tumblr et, depuis quelques mois, les conversations Facebook. Extraits de films, animations ou mini-vidéos en boucle : devenus des éléments de langage au même titre que les émoticônes, les GIFs permettent d’échanger en s’amusant.

Les possibilités sont infinies. D’où leur évolution vers des styles plus raffinés, comme le cinémagraphe : une photo dont un détail (un reflet ou une mèche de cheveux sous l’effet du vent) s’anime délicatement de façon répétitive. Flirtant avec la sorcellerie de la saga Harry Potter et ses tableaux vivants, le concept aurait été inventé en 2011 par le photographe Jamie Beck et le spécialiste de l’animation Kevin Burg. L’idée ? Donner un coup de baguette magique à leurs images.

En 2012, le GIF fait son entrée dans le monde de l’art, avec une exposition à Londres et une autre dans un musée new-yorkais. Deux ans plus tard, c’est la consécration avec le Motion Photography Prize lancé par la galerie londonienne Saatchi : 4000 candidats et soixante GIFs sélectionnés par un jury prestigieux. Parmi les juges, le réalisateur Baz Luhrmann (qui a dirigé Leonardo DiCaprio dans Roméo + Juliette et Gatsby le Magnifique) et la photographe Cindy Sherman.

Une esthétique de la répétition

 L'ADN du GIF réside dans la répétition et le mouvement perpétuel. Des caractéristiques qui se prêtent bien à l’absurde et à l’humour, comme en témoignent les loufoques Têtes à gifs de Bernard Demenge exposées au CentQuatre… Mais qui sait aussi produire du sens, en exprimant davantage qu’une image fixe grâce à ses paramètres bien à lui : avec ses défilés de passants bien calibrés, Julien Douvier explore ainsi le phénomène de la routine… auquel le GIF va comme un gant. Le visage clignotant sous les flashs des smartphones, la jeune fille au regard vide de Romain Laurent évoque une triste icône contemporaine, abrutie par les écrans et le culte de l’image. Et chez François Beaurain, la pelleteuse devenue toupie souligne l’urbanisation effrénée du Maroc.

via GIPHY

Un genre hybride

Simple, court et accrocheur, le GIF d’artiste est on ne peut plus contemporain… tout en gardant le charme rétro du zootrope, ce jouet optique ancêtre de l’animation. Au croisement de plusieurs genres dont la vidéo, la photo et le graphisme, il séduit les photographes mais aussi des artistes contemporains multi-facettes, parfois cinéastes comme le Grec Kostas Agiannitis ou le Turc Erdal Inci. Sans oublier les publicitaires qui, à l’heure où des écrans s’installent dans les couloirs du métro, se sont emparés de cet art rétro-futuriste. Ainsi Julien Douvier a-t-il créé des GIFs diaboliques pour promouvoir Versailles, nouvelle série de Canal + consacrée au Roi Soleil. Preuve que ce format n’a pas fini de nous rendre fous !

via GIPHY

 

Sur le même thème

Cher lecteur, chère lectrice, Nous travaillons sur une nouvelle interface de commentaires afin de vous offrir le plus grand confort pour dialoguer. Merci de votre patience.

Le magazine en format numérique

Lire le magazine

Les plus lus