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Baromètre Viavoice-Libération: Macron décolle, même à gauche

Selon la dernière livraison du baromètre Viavoice pour Libération, 38% des Français pensent que le ministre de l'Economie serait un «bon président». Et il est même désormais considéré comme le «meilleur candidat» par les sympathisants de gauche.
par Nathalie Raulin
publié le 20 avril 2016 à 18h36
(mis à jour le 20 avril 2016 à 18h47)

La percée est spectaculaire. En l'espace de quatre mois, Emmanuel Macron a troqué son statut de protégé du chef de l'Etat, tout juste bon à jouer les utilités dans la campagne qui s'annonce, pour celui plus enviable et redoutable de présidentiable en puissance. Désormais, pour 38% des Français, le ministre de l'Economie serait «un bon président pour la France à partir de 2017», selon la dernière livraison du baromètre Viavoice pour Libération (1). C'est 8 points de mieux qu'il y a un mois, 17 par rapport à mai 2015… Plus troublant encore, pour la première fois, les sympathisants de gauche le perçoivent comme un recours possible: parmi les quatorze personnalités de gauche testées, Macron s'impose, avec 15%, comme le «meilleur candidat» pour «représenter la gauche lors de la prochaine élection présidentielle», devant Martine Aubry et Jean-Luc Mélenchon. Et loin devant Manuel Valls (10%) et François Hollande (7%)…

«C'est fascinant, reconnaît François Miquet-Marty directeur de l'institut Viavoice. Il y a indéniablement un phénomène Macron qui fonctionne aujourd'hui en grande partie sur le rejet de l'offre politique existante, la lassitude envers Hollande et Sarkozy et, sans doute plus qu'on ne le croit, Juppé. Macron, qui a pour lui d'être nouveau dans le paysage, prospère sur les défauts des autres. Cela rappelle un peu ce que l'on avait observé pour Bayrou durant la campagne de 2007.» Une dynamique sans doute amplifiée par la couverture médiatique dont l'homme a bénéficié: le sondage a démarré le jour où le ministre faisait la couverture de Paris Match et huit jours après le lancement de son mouvement En Marche!. «C'est vrai, mais François Hollande, qui menait une offensive de communication comparable avec son émission sur France 2, n'en a tiré aucun bénéfice» pondère François Miquet-Marty. Selon notre baromètre, seuls 11% des Français estiment que François Hollande serait un «bon président de la République».

«Une image de compétence un peu désincarnée»

L'engouement pour Macron est indéniable. Reste à savoir s'il est durable. Or rien n'est moins sûr. Les Français reconnaissent principalement au ministre sa capacité à transgresser un clivage gauche-droite qui leur semble à bien des égards convenu. Ils sont ainsi une majorité (55%) à le créditer d'être «porteur d'idées nouvelles». C'est donc bien sa capacité à faire bouger les lignes qui séduit l'opinion. Néanmoins 47% des sondés considérent que son positionnement politique n'est «pas vraiment en phase avec leurs attentes»...

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La suite est encore plus ambivalente. Si 54% des Français lui reconnaissent de la «compétence», ils ne sont plus que 41% à le trouver «efficace en tant que ministre de l'Economie», et seulement 37% à le considérer «au service de la France et non de ses propres intérêts». Un peu comme si Macron était jugé d'avantage sur son pedigree de premier de la classe et d'ex-banquier d'affaires que sur son bilan à Bercy. «Il a une image de compétence un peu désincarnée, abonde Miquet-Marty. Les Français semblent être sur une idée de Macron, sans qu'il n'y ait rien d'ancré ni de charnel. Pour que leur engouement dure, il manque des éléments de contenu.»

Un bémol encore renforcé par la perception qu'ont les Français d'un Macron un peu hors sol. Seuls 28% l'estime «proche des gens», et 18% «capable de rassembler la gauche». Une conséquence sans doute de la première bévue du ministre sur les «salariées analphabètes» de l'abattoir Gad mais aussi de ses prises de position sur les 35 heures, le statut de la fonction publique «inadéquat», les salaires «trop élevés» ou les indemnités chômage trop généreuses. Le profil des soutiens de Macron reflète cette faiblesse: pour l'essentiel des retraités (48,5% le créditent de pouvoir faire un «bon président à partir de 2017» contre 33,5% de l'avis contraire) et des cadres supérieurs (47,5% contre 38,9%); en revanche les ouvriers et les employés s'en défient (24,5% seulement des CSP- voient en lui un possible « bon président»). D'ailleurs, quand on pose la question aux Français «souhaitez-vous sa candidature si François Hollande ne se présente pas», 53 % des sympathisants de gauche répondent «non» (contre 38 % qui disent «oui»). «Il n'y a pas chez lui d'incarnation du peuple, ni de dimension affective, précise Miquet-Marty. S'il veut aller plus loin, il lui faudra faire une vraie campagne électorale.» A défaut, la popularité de Macron pourrait rester de papier.

(1) Sondage réalisé par Viavoice pour Libération, Interviews effectuées en ligne du 14 au 18 avril 2016.
Échantillon de 1001 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

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