Baptisé « Les petits bateaux au sec », c'est un programme unique en France : depuis un an, une équipe du service pédiatrie de l'hôpital Yves-Le Foll, à Saint-Brieuc, expérimente un nouveau traitement, sans médicament, contre l'énurésie. Et les résultats sont probants, puisque 80 % des enfants suivis ne font désormais plus pipi au lit durant la nuit.
Douze jours : c'est le laps de temps qu'il aura fallu à Margot, sept ans et demi, pour se débarrasser d'une maladie qu'il lui polluait la vie depuis toujours. Le nom de cette souffrance vécue comme une « honte » ? L'énurésie. Autrement dit, le pipi au lit. « Une maladie très courante, mais malheureusement tabou », énonce Anne-Frédérique Valmalle.
Chirurgien pédiatre au pavillon de la femme et de l'enfant d'Yves-Le Foll, le Dr Valmalle est à l'origine d'un programme éducatif thérapeutique baptisé « Les Petits bateaux au sec » imaginé il y a deux ans. C'est ce programme, unique en France, qui a permis à Margot de se soigner en un temps record. « Ça lui a changé la vie. Auparavant, elle n'avait jamais connu la moindre nuit sèche », témoigne Nicolas, le papa, qui a été jusqu'à tenter l'hypnose pour débarrasser sa fille de ses ennuis nocturnes. « Les médecins ne trouvaient pas de solution. Nous étions totalement démunis », ajoute Nathalie, la maman.
Depuis un an, à l'instar de Margot, 57 enfants, âgés de 6 ans à 16 ans, ont participé à l'opération. « Pour des résultats très satisfaisants, puisque 80 % des enfants ne sont plus énurétiques. Il n'y a pas eu d'amélioration pour seulement 3 % d'entre eux », se félicite le Dr Valmalle, pas vraiment partisane du traitement médicamenteux. « Les médicaments contre l'énurésie existent. Ils arrêtent la fabrication d'urine la nuit et le traitement dure entre une et deux années. Mais il y a des effets indésirables. »
Avec « Les petits bateaux au sec », l'un des secrets de la guérison tient dans une main. Il s'agit d'un boîtier accroché au pyjama. Dès que les vêtements sont mouillés, l'appareil sonne. « Très vite, le cerveau en a marre d'être réveillé. Il envoie donc un message, appelé rétrocontrôle, à la vessie qui arrête ensuite de faire pipi », vulgarise le chirurgien pédiatre.
Mais le boîtier seul ne suffit pas et il s'accompagne d'une prise en charge globale d'une année, où enfants et parents ont un rôle moteur. « La première chose, c'est de savoir comment fonctionne son appareil urinaire. Il faut ensuite comprendre comment résoudre le problème », poursuit Anne-Frédérique Valmalle, qui défend « l'éducation thérapeutique ».
« L'énurésie a plusieurs causes : des soucis psychologiques, mais aussi l'immaturité de la vessie ou des problèmes de boisson. » Le programme enseigne donc aux enfants qu'il faut impérativement éviter la consommation de jus d'orange l'après-midi (la vitamine C stimule la vessie) et celle de boissons gazeuses après 16 h. « Margot ne buvait rien de la journée et quand elle rentrait de l'école, elle se jetait sur l'eau », se souvient sa maman. « Le travail à accomplir n'est pas que psychologique. Loin de là », insiste le Dr Valmalle, qui fait intervenir des kinés et des puéricultrices. « L'une des séances du programme est intitulée " comment faire pipi à l'école ". On invite par exemple les enfants à emmener des lingettes pour nettoyer des toilettes sales. »
L'un des autres fondements des petits bateaux, c'est le travail en groupe au cours d'ateliers. Chaque mois, entre 4 et 6 enfants se lancent simultanément dans le programme, accompagnés de leurs parents. « Tout le monde est content d'en parler. Ça permet de briser l'isolement », énonce le chirurgien. Mais l'ingrédient indispensable reste la motivation. L'équipe soignante réclame donc systématiquement un gage de motivation. Depuis le début du programme, des poèmes, un manga, une chanson et même un M. Malchance en pâte à sel ont ainsi été écrits, composés et fabriqués par les enfants.
« Le but de tout ceci, c'est vraiment d'améliorer la qualité de vie des enfants. Parce que nous savons que l'énurésie est source d'échec scolaire, d'isolement social et même de dépression », note Anne-Frédérique Valmalle. Autant de maux désormais bien loin de Margot. Comme les couches qui n'accompagnent plus aucune de ses nuits.
Vous aimez la Bretagne ? Vous allez adorer l'application du Télégramme. Profitez d'une expérience de lecture personnalisée et d'un accès rapide à l'actualité de votre commune.
