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Le respect du Coran, nouvelle règle universitaire !

La réalité est qu’il y a de plus en plus d’étudiantes voilées dans les couloirs des facultés et qu’elles posent de plus en plus de problèmes, notamment aux examens

Publié le 19 avril 2016 à 15h32, modifié le 19 avril 2016 à 13h32 Temps de Lecture 3 min.

Par Christophe Leroy

Au premier ministre, M. Manuel Valls, qui s’interrogeait sur l’interdiction du voile islamique à l’université, M. Thierry Mandon, secrétaire d’Etat chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, lui a répondu sur RTL, le 13 avril : « Il n’y a pas besoin de loi sur le voile à l’université. » M. Mandon jette en réalité le grand voile du déni de réalité sur l’épineux problème du port du voile à l’université. Il y a de plus en plus d’étudiantes voilées, et elles nous posent de plus en plus de problèmes. Telle est la réalité.

A commencer tout simplement par les examens : nous devons contrôler avant le début de chaque examen que les étudiantes voilées ne dissimulent pas sous leur voile un kit main libre leur permettant de communiquer frauduleusement avec un tiers. Or, les étudiantes voilées considérant que le fait d’ôter leur voile est quelque chose d’impudique sont très réticentes au contrôle quand il est effectué par des hommes. Et que faire lorsque les équipes de surveillants d’examens, qui ne sont autres que les enseignants de la discipline, ne sont composées que d’hommes ? Faut-il soumettre les règles d’organisation des examens aux lois du Coran et imposer une femme pour chaque surveillance ?

Négociations interminables

Pour l’heure, ce n’est pas encore le cas, et il s’ensuit dès lors des discussions à n’en plus finir avec les étudiantes voilées qui refusent de se soumettre à la règle, retardant le début de l’examen et nous obligeant à les menacer de mesures disciplinaires. Cette position de l’enseignant n’a rien de très agréable. Il peut en effet se trouver face à des étudiantes sincères, qui ressentent cette injonction de se dévoiler, même partiellement, comme un véritable attentat à la pudeur. Et cette situation a peu à peu amené une inflexion des comportements.

Je remarque que certains de mes collègues ont de facto renoncé à effectuer ces contrôles du voile au début de l’examen pour éviter les discussions à n’en plus finir. Mais, fait nouveau, on peut observer que des étudiants venant sans voile ni couvre-chef quelconque (casquette, cagoule, capuche de survêtement) viennent se plaindre que les contrôles ne sont plus systématiques et que cela constitue une rupture de l’égalité de tous devant les examens. Le temps de la discorde n’est pas loin où des étudiants ne trouvant pas le sujet à leur goût tireront prétexte du fait que les étudiantes voilées n’ont pas été contrôlées pour demander l’annulation contentieuse des examens.

Par ailleurs, il faudra aussi que le gouvernement, s’il veut vraiment maintenir le voile à l’université, forme les enseignants à l’islam pour éviter les conflits potentiels dont ils pourraient très bien être les victimes. Ces derniers ne peuvent en effet pas savoir quel est le degré d’implication d’une jeune femme voilée dans le strict respect des lois coraniques. Or, une application stricte de ces lois fait qu’une femme voilée ne peut adresser la parole à un homme. Les enseignants doivent-ils par principe refuser d’adresser la parole aux étudiantes voilées ? Cela pose un réel problème pédagogique. Faudra-t-il qu’il soit demandé l’autorisation écrite d’un imam pour leur parler ? Le droit républicain ne dit rien à ce propos… Devons-nous refuser la main que nous tendent parfois les étudiantes voilées ?

Et quand bien même les étudiantes auraient l’autorisation écrite d’un religieux pour nous adresser la parole, nous serrer la main, devrons-nous lui demander de baisser les yeux quand elles nous parlent, comme le prescrivent les lois coraniques ? Comment pouvons-nous être sûrs que les étudiantes régulièrement inscrites l’ont été avec l’assentiment de leurs « tuteurs » ? Que répondrons-nous à des personnes nous attendant à la sortie d’un amphithéâtre pour nous expliquer, avec à la clé des menaces à peine « voilées », que nous n’avons pas à adresser la parole à leur fille, à leur sœur ou à leur disciple ? Il va sans dire que mes propos ont aussi pour objet de mettre les étudiantes face à leurs contradictions. Elles veulent vivre selon le modèle occidental tout en invoquant les règles de l’islam, incompatibles avec ce même modèle.

Interdire le voile, c’est tout simplement protéger les enseignants, qui n’auront plus à se poser la question de savoir quel est le degré d’implication des étudiantes et de leurs proches dans le strict respect du Coran et de son droit dérivé. Ces enseignants ne pourront dès lors plus être tenus pour responsables de la transgression du même Coran, qui n’a certes pas encore été publié au Journal officiel comme loi de la République, mais qui, dans les faits, trouve parfois à s’appliquer de façon aussi folle que dramatique. Si Madame la ministre est aussi pour le maintien du voile islamique à l’université, il faudra alors qu’elle forme les enseignants du supérieur pour éviter tout conflit.

Christophe Leroy est maître de conférences en droit public à l’université de Perpignan Via Domitia.

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