Attaques xénophobes en Zambie contre des commerçants accusés de "crimes rituels"
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Des violentes attaques contre des boutiques tenues par des étrangers ont éclaté depuis dimanche à Lusaka, la capitale de la Zambie. Les assaillants reprochent aux commerçants d’être à l’origine de meurtres macabres, parlant même de "crimes rituels", sans aucune preuve. Pour notre Observatrice, ces violences xénophobes ont surtout permis des pillages tout azimut.
Les heurts ont éclatés dimanche dans les banlieues de Zingalume et de George, à l’ouest de Lusaka. Au moins quatre boutiques ont été attaquées par des habitants qui y ont volé de la nourriture mais aussi des appareils électroménagers.
La plupart des petits commerces dans ces quartiers sont tenus par des étrangers, venus du Rwanda, du Burundi ou de Tanzanie. Et dans ces quartiers, depuis un mois, six meurtres ont été commis dans des conditions atroces : certaines victimes ont été retrouvées avec les parties génitales ou les oreilles arrachées. Les victimes sont toutes zambiennes selon la police.
La police zambienne avait affirmé avoir arrêté au total 11 personnes après ces meurtres. Elle n’a pas précisé leur nationalité. Mais beaucoup d’habitants de Lunaka ont accusé les commerçants rwandais d’être coupables de ce qu’ils considérèrent comme des "crimes rituels".
Samedi, des habitants de Zingalume ont affirmé avoir retrouvé dans la soirée un corps mutilé chez un commerçant rwandais. Pour se venger, les habitants ont attaqué des boutiques des commerçants rwandais dans ce même quartier. Les émeutes se sont poursuivies dimanche et lundi. Selon le ministre de l’Intérieur néanmoins, la colère des habitants serait liée à la remise en liberté d’une personne suspectée des meurtres.
"Ces violences xénophobes ont surtout été l’occasion de piller les commerces des étrangers dans plusieurs quartiers"
Ces attaques ont créé la psychose dans les rues de Lusaka. Masuzyo (pseudonyme) est sorti ce mardi matin dans les rues de la capitale dans le quartier de "Helen Kaunda", dans le centre de la capitale.À côté de chez moi, il y a une petite boutique tenue par un Rwandais, mais elle était fermée ce matin, comme beaucoup d’autres tenues par des étrangers : j’ai marché pendant au moins 30 minutes pour en trouver une ouverte. Des amis m’ont dit que beaucoup de commerces tenus par des étrangers étaient aussi fermés dans d’autres endroits de la capitale. Beaucoup se seraient réfugiés dans des commissariats de police. Les attaques ne concernent pas que les Rwandais. Les ressortissants d’autres pays, souvent des Burundais ou des Tanzaniens, ont été également la cible de violences.
Notre observateur a constaté que des boutiques près de chez lui tenus par des Rwandais étaient fermées mardi après midi, 24 heures après les attaques.Sous couvert d’histoires de "crimes rituels" encore non vérifiées, j’ai l’impression que ces violences xénophobes ont surtout été l’occasion de piller les commerces des étrangers. Pour preuve : des boutiques dans des quartiers qui n’avaient rien à voir avec ces meurtres ont aussi été attaquées. Ces événements sont plus le signe d’une population qui souffre de pauvreté et manque souvent de nourriture, et qui cherche des boucs émissaires tout en tirant profit de la situation.
Mercredi, notre Observateur nous a signalé que dans sa rue, les trois boutiques tenus par des commerçants étrangers avaient finalement été rouvertes.
La police zambienne a déployé depuis hier d’importants effectifs dans les quartiers touchés par les troubles et annoncé l’arrestation de 254 personnes soupçonnées d’être à l’origine des violences. Son porte-parole a aussi précisé qu'au moins deux personnes avaient été tuées sans pouvoir préciser leur nationalité.
Ce mardi, la situation semblait sous contrôle, même si l’ambassade du Rwanda conseillait à ses ressortissants à ne prendre "aucun risque". Une vingtaine de Rwandais s'étaient réfugiés mardi à l'ambassade rwandaise. Le président zambien, Edgar Lungu, a personnellement condamné les violences à la télévision lundi soir.
I asked one officer where they'l spend the night, he said "we have done our part, where they go from here is theirs pic.twitter.com/y5APIrRw2m
— Martha ✍ (@ChilongoshiM) 19 avril 2016
La Zambie n’est pas le premier pays d’Afrique à connaître une escalade de violence contre des commerçants étrangers ces derniers mois : en janvier 2015, des boutiques tenues par des Pakistanais avaient été prises à partie à Soweto, en Afrique du Sud. Le même mois, des commerces chinois de Kinshasa avaient aussi été attaqués par des manifestants estimant que la Chine était un des premiers soutiens économiques du président Joseph Kabila.