[Tribune] Quand le big data promet de révolutionner l’aéronautique (2/2)
Peu à peu, les technologies numériques imprègnent le secteur aéronautique. C’est la bonne exploitation des données qui permettra à chaque acteur, avionneur, motoriste ou équipementier, de profiter à plein des bénéfices du big data. A condition de savoir s’entourer. De nombreux exemples à l’appui, Pierre Constant, associé au sein du cabinet de conseil EY, esquisse les premires pas de ces technologies encore naissantes qui promettent de modifier le secteur en profondeur.
De l’optimisation du vol et du trafic aérien à la sécurité, en passant par l’expérience passager, la prolifération des capteurs et autres puces embarquées, les mégadonnées sont appelées à jouer un rôle de plus en plus déterminant. L’avion de demain sera big data ou ne sera pas.
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sourceRetards, stress, météo, vols d’oiseaux… 95% des incidents en vol sont liés à des données disponibles à la collecte et à l’analyse. La sécurité en vol est un enjeu d’autant plus majeur que le trafic aérien mondial ne cesse de croître: en dix ans, il a augmenté de plus de 60% et devrait atteindre 12 milliards de passagers par an en 2031.
Sécurité, consommation : la data pour optimiser le comportement de l’avion en vol
En matière de prévention, l'Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) a vu son rôle renforcé par l’adoption d’un règlement à la Commission européenne, qui devrait entrer en application dès 2016 : l’agence a désormais pour mission de centraliser les comptes rendus d'incidents aériens qui ont lieu dans le ciel de l'Union européenne et rend obligatoire l'échange des données entre l'EASA et les agences de sécurité de ses Etats membres. Par ailleurs, le programme européen SESAR doit, quant à lui, permettre d'optimiser le trafic aérien en réduisant le gaspillage de carburant et en améliorant la sécurité.
Une fois que la catastrophe n’a pu être évitée, on sait combien la recherche d’une boîte noire, et même son exploitation si le crash l’a soumise à rude épreuve, peuvent s’avérer compliquées. Une entreprise de télécommunications, Inmarsat, est actuellement en train de développer une «boîte noire dans le cloud», afin de récupérer directement les données envoyées par l'avion lors de la détection d'un événement catastrophique.
Enfin, les mégadonnées représentent une formidable matière pour optimiser les trajectoires de volses, et réaliser des économies de carburant. L’aviation civile génère 2% des émissions mondiales de CO2, sachant que c’est le temps d’attente passé au-dessus des aéroports, mais aussi au sol avant le décollage ou après l’atterrissage, qui représente les plus gross sources d’émissions et de gaspillage en kérosène.
Proposer aux passagers une nouvelle expérience du ciel
On voit donc se développer des algorithmes capables d’optimiser les trajectoires de vol, sachant que les routes dépendent de la météo, des AWY, des autres avions, etc., et que les contraintes de décollage et d’atterrissage sont propres à chaque aéroport. Ces algorithmes prédictifs réalisent des économies de carburant en communiquant entre les centres de contrôle aérien afin d’optimiser les trajectoires, le décollage et l’atterrissage. Par ailleurs, des capteurs placés sur les moteurs peuvent en mesurer la consommation et optimiser les taux de régime.
Optimisation des correspondances, cabines connectées en wifi, services avant/après (acheminement en taxi ou VTC, réservation d’hôtel) et à bord (achats boutique à bord, consommation de loisirs multimédia), le big data ouvre enfin de nouvelles opportunités pour améliorer et enrichir l’expérience des passagers et offrir une nouvelle source de revenus aux compagnies aériennes. D’autant que pendant la durée du vol, le passager aérien est un consommateur captif plus sensible aux informations multimédia. Tout l’enjeu pour les compagnies ne réside donc tant plus dans le développement de la meilleure offre de transport au meilleur coût, que dans le choix des partenaires commerciaux pour maximiser la consommation des passagers.
Y-aura-t-il un pilote dans l’avion de demain ?
Contrairement au développement de la voiture sans conducteur, cette perspective a une forte probabilité de rester une vue de l’esprit : soumis à des cycles plus longs et des volumes moindres que l’automobile, le secteur aéronautique est moins ouvert à la disruption. Sans compter sur des exigences bien plus drastiques en matière de sécurité… Et c’est bien là, dans la sécurité, que repose la fiabilité et donc la viabilité de l’avion de demain.
Car si l’exploitation des mégadonnées ouvre de des opportunités pour renforcer la sécurité aérienne, elle n’en reste pas moins exposée au « risque algorithmique ». Piratage, cyberattaques, atteinte à la vie privée : à l’aune du scandale qui a récemment frappé le secteur automobile, il est primordial pour la filière aéronautique de prendre dès maintenant la mesure de tels risques.
Pierre Constant est Associé au sein du cabinet de conseil EY en tant qu’expert du secteur aéronautique
Les avis d'experts et points de vue sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs et n’engagent en rien la rédaction.
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