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MEXIQUE

Torture : des images inédites accablent l’armée et la police mexicaine

Cette soldate tente de soutirer des informations à cette jeune femme, en menaçant de l'exécuter d'une balle dans la tête. Toutes les images sont des captures d'écran de la vidéo diffusée au Mexique la semaine dernière.
Cette soldate tente de soutirer des informations à cette jeune femme, en menaçant de l'exécuter d'une balle dans la tête. Toutes les images sont des captures d'écran de la vidéo diffusée au Mexique la semaine dernière.
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Asphyxie, simulacre d’exécution, menaces… Ce sont les méthodes employées par des militaires et des policiers mexicains afin d’extorquer des informations à une jeune femme, comme le montre une vidéo diffusée récemment. C’est la première fois que de telles images sont publiées au Mexique. Face au tollé, les autorités se sont excusées, mais c’est insuffisant pour notre Observateur, qui dénonce des dérives généralisées.

AVERTISSEMENT : France 24 a décidé de ne publier que des captures d'écran de la vidéo, en raison de la violence de la scène filmée.

Assise sur le sol, une femme sanglote, avec un sac jaune sur la tête, avant de se faire tirer les cheveux par une femme en treillis militaire, accroupie à ses côtés. C’est ainsi que démarre la vidéo, d'une durée de quatre minutes. La soldate pointe ensuite une arme sur la tête de la femme, qui commence à hurler. Puis, elle lui retire le sac.

Une policière recouvre alors la tête de la femme d’un grand sac en plastique transparent. La victime suffoque et hurle, mais la policière lui met la main sur la bouche, avant de retirer le sac au bout d’une vingtaine de secondes. "Ça y est, tu t’en rappelles ? Tu en veux encore ? Tu en redemandes ?", demande la soldate. Le supplice du sac plastique se répète ensuite. Puis, la victime s’affaisse. À la fin de la vidéo, elle est allongée sur le sol et semble à moitié inconsciente.

Cette policière a utilisé ce sac en plastique transparent pour étouffer la jeune femme à deux reprises. Image floutée par France 24.

Selon les autorités mexicaines, les faits se sont produits à Ajuchitán, dans l’État du Guerrero [sud du pays], le 4 février 2015, mais les images n’ont commencé à circuler que la semaine dernière. La femme torturée serait liée à la Famille Michoacana, l'un des principaux cartels de la drogue du pays. Elle aurait été arrêtée en compagnie de deux autres hommes, en possession d’armes.

À la suite de la diffusion de la vidéo, le ministère de la Défense a immédiatement indiqué qu’il avait été informé des faits en décembre dernier. Il a assuré avoir saisi le procureur général de la République à ce sujet un mois plus tard, et procédé à l’arrestation d’un capitaine et d’une soldate. Il a également présenté des excuses publiques pour les "actes blâmables" de ces militaires.

De son côté, la police fédérale a également présenté des excuses il y a quelques jours, et fait savoir que trois de ses agents avaient été suspendus. Aucune mesure ne semble toutefois avoir été prise par la police avant que le scandale n'éclate.

La jeune femme, allongée au sol, à la fin de la vidéo. Image floutée par France 24.

"C’est trop facile de dire que ces pratiques sont le fait de brebis galeuses, alors qu’elles sont courantes"

Javier Enríquez Sam est le coordinateur général du Collectif contre la torture et l’impunité, une ONG mexicaine.

Même si on savait déjà que ces pratiques existaient, c’est la première fois qu’une vidéo montrant des actes de torture commis par des militaires et des policiers est diffusée. Les techniques mises en œuvre dans la vidéo sont souvent utilisées, car elles ne laissent pas de traces physiques. Il est donc plus difficile de prouver quoi que ce soit ensuite.

"Je pense que les autorités ont dénoncé ces actes pour redorer leur image"

Les autorités ont immédiatement dénoncé ces actes, ce qui est très rare. Mais je pense que c’est uniquement pour redorer leur image, actuellement ternie par deux éléments. D’une part, il y a des désaccords profonds entre le gouvernement et le groupe international d’enquêteurs indépendants (GIEI), qui travaille sur la disparition des 43 étudiants d’Ayotzinapa. Le GIEI a en effet rejeté les conclusions de l’enquête des autorités [qui affirment que les corps ont été brûlés dans une décharge, ce que contestent les experts, NDLR]. Et il les accuse de lui mettre des bâtons dans les roues...

D’autre part, le gouvernement a récemment refusé la venue du rapporteur des Nations unies sur la torture dans notre pays. L’an dernier, il avait publié un rapport dans lequel il affirmait que la torture était "généralisée" au Mexique. À l'époque, les autorités avaient tenté de décrédibiliser le rapport et tout nié en bloc.

"Le nombre de plaintes pour torture a été multiplié par 100 en huit ans "

Pourtant, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Par exemple, le procureur général de la République a reçu 23 plaintes pour torture contre la police et l’armée en 2006, contre 2 403 huit ans plus tard. Les gens ont tendance à davantage porter plainte qu’avant, mais les cas de torture ont également augmenté durant cette période. Ces années ont été marquées par la guerre contre le narcotrafic, lancée par le président Felipe Calderón, puis poursuivie par Enrique Peña Nieto. La torture est souvent utilisée pour extorquer des aveux aux membres des groupes criminels. Mais historiquement, elle a surtout été pratiquée pour réprimer les leaders des mouvements sociaux...

Ces derniers jours, les autorités ont présenté des excuses publiques, mais ça ne suffit pas. C’est trop facile de dire que ces pratiques sont le fait de brebis galeuses, alors qu’elles sont courantes. Par ailleurs, aucune excuse n’a été présentée à la jeune femme. En fait, l’armée a surtout insisté sur le fait que les militaires avaient désobéi aux ordres en la torturant, puisqu’il est officiellement interdit de se livrer à de telles pratiques.

Enfin, ce ne sont pas les discours qui mettront fin à la torture, mais la lutte contre l’impunité. Actuellement, 98 % des cas de violations des droits de l'Homme qui sont dénoncés restent impunis. Il faut punir les auteurs matériels, mais également les auteurs intellectuels. Dans l’armée par exemple, les militaires ne font généralement rien sans en avoir reçu l’ordre...

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