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TCHAD

Tchad : Idriss Déby Itno, le chef de guerre devenu "gendarme du Sahel"

À la tête du Tchad depuis 1990, Idriss Déby Itno a été réélu dès le premier tour de la présidentielle. Décrié dans son pays, le chef de l’État a su gagner la confiance des Occidentaux en se plaçant à la pointe de la lutte anti-terroriste. Portrait.

Le président tchadien Idriss Déby Itno entouré de militaires à N'Djamena en décembre 2015. Il salue les troupes tchadiennes revenues du Niger, où elles ont combattu Boko Haram.
Le président tchadien Idriss Déby Itno entouré de militaires à N'Djamena en décembre 2015. Il salue les troupes tchadiennes revenues du Niger, où elles ont combattu Boko Haram. BRAHIM ADJI / AFP
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Il avait fait campagne en se présentant comme le seul à être en mesure de garantir la stabilité dans la région. Arrivé au pouvoir par les armes en 1990, le président tchadien, Idriss Déby Itno, a été réélu pour un cinquième mandat en recueillant 61,6 % des voix au premier tour, a annoncé dans la nuit du jeudi 21 au vendredi 22 avril la Commission électorale nationale indépendante (Céni).

"Nous sommes heureux d'avoir atteint l'objectif que nous nous étions fixés : une victoire au premier tour", s’est félicité son porte-parole, Mahamat Hissein. Mais l’opposition, elle, voit dans cette élection en un seul coup l’illustration du "hold-up électoral" perpétré par le pouvoir. Jeudi, avant la publication des résultats, huit candidats avaient ainsi accusé le camp présidentiel de fraude, estimant qu'aucun candidat ne pouvait "l'emporter au premier tour" au vu des résultats dans les régions dont ils disent disposer.

À la pointe de la lutte anti-terroriste

Régulièrement contesté dans son pays, Idriss Déby Itno bénéficie de la confiance de ses partenaires africains et occidentaux. Portant indifféremment le boubou, le costume trois-pièces ou le treillis, le regard souvent masqué par des lunettes teintées aux fines montures, celui qui assure la présidence en exercice de l'Union africaine (UA) depuis fin janvier a acquis ces dernières années une stature de premier plan en positionnant sa redoutable armée à la pointe de la lutte contre le terrorisme.

En première ligne aux côtés des soldats français, ses troupes sont parties à l'assaut des jihadistes du Nord-Mali en 2013, puis sont intervenues en 2014 en Centrafrique avant de se retirer à la suite d’accusations d'exactions. Sur le front de la lutte contre Boko Haram, l'armée tchadienne a lancé, au début de 2015, une vaste offensive au Cameroun, au Nigeria et au Niger contre les islamistes armés de la secte nigériane qu’Idriss Déby de "horde d'illuminés et de drogués".

Le président tchadien et Jacques Chirac, son homologue français d'alors, à l'Élysée, le 21 janvier 2005.
Le président tchadien et Jacques Chirac, son homologue français d'alors, à l'Élysée, le 21 janvier 2005. John Schults, AFP

Cette détestation de longue date des jihadistes est d'ailleurs un trait de caractère de ce "gendarme du Sahel", musulman, dans un pays où les chrétiens forment plus d'un tiers de la population. À l'heure de la mobilisation internationale contre les groupes terroristes, ses interventions lui valent de solides appuis chez les Occidentaux, particulièrement en France, ancienne puissance coloniale et alliée de longue date. "C'est un homme-clé […], un des rares qui ait une vision" dans la région, souligne à l’AFP un haut responsable français sous couvert d’anonymat.

"Il se comporte comme un guerrier"

Mais à N'Djamena, ce soutien plus qu'appuyé inquiète certains. Dès 2014, le chef de file de l'opposition, Saleh Kebzabo, candidat malheureux avec 12,8 % des suffrages, demandait "instamment aux partenaires économiques du Tchad, en particulier la France, d'être de plus en plus exigeants sur la gouvernance économique, le respect des droits humains" face à un "régime qui a acculé la population à une paupérisation croissante et excelle dans la gestion patrimoniale de l'État".

>> À voir dans le Débat de France 24 : "Congo, Bénin, Niger, Tchad : mirage ou virage démocratique ?"

Illustration de la lassitude et du malaise social chez une partie de la population, ces dernières semaines, des manifestations - interdites - de la société civile l'ont appelé à ne pas se représenter. Mais pour le chef de guerre, pas question d'envisager la retraite, ni sa succession. "Il prépare d'autant moins la suite qu'il est convaincu d'être immortel, il se comporte comme un guerrier", explique une source française.

Un destin lié à celui d’Habré

Pour le chef de l'État tchadien, la vie est une succession de combats. Né en 1952 à Berdoba (nord-est) dans une famille zaghawa, une branche du groupe gorane, présente de part et d'autre de la frontière tchado-soudanaise, il se destine dès le plus jeune âge au métier des armes. Baccalauréat en poche, il entre à l'école d'officiers de N'Djamena, puis décroche en France son brevet de pilote.

Rentré au pays, il lie son destin à celui d'Hissène Habré - actuellement en attente du verdict de son procès à Dakar pour crimes contre l'humanité - qui prend le pouvoir en 1982. Commandant en chef des armées, Idriss Déby voit son aura croître avec la guerre de "reconquête" qui permet au Tchad de reprendre le Nord occupé par les Libyens. Conseiller militaire du président, il est accusé de complot en 1989 et s'enfuit en Libye, puis au Soudan. Il y fonde sa propre armée, le Mouvement patriotique du salut (MPS).

Ombres au tableau

En décembre 1990, ses troupes prennent N'Djamena. Au pouvoir, il ouvre le pays au multipartisme. Élu en 1996 et réélu depuis, il est critiqué par une opposition qui lui reproche des fraudes électorales, des violations des droits de l'Homme et, malgré son entrée en 2003 dans le club des pays producteurs de pétrole, l'extrême pauvreté des Tchadiens.

Idriss Déby Itno lors de son arrivée au pouvoir le 8 décembre 1990 à N'Djamena.
Idriss Déby Itno lors de son arrivée au pouvoir le 8 décembre 1990 à N'Djamena. Christophe Simon, AFP

Au fil des ans, Déby déjoue complots et attaques ou "rezzous" de rebelles qui arrivent aux portes du palais présidentiel en février 2008. De source militaire, la France avait alors proposé au président de l'évacuer. Il avait refusé, jurant de garder le pouvoir, ou de mourir, armes à la main.

Cette attaque est une des ombres du long parcours du président-soldat : dans la confusion de l'après-combat, un des principaux opposants, Ibni Oumar Mahamat Saleh, avait été arrêté par les forces de sécurité. Porté "disparu", il est depuis donné pour mort.

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