En cette année 2015, qui marquait à la fois les vingt-cinq ans de la loi Gayssot et les cent ans du génocide des Arméniens, la proposition de loi n°2276 visant à réprimer, après celui de la Shoah, la négation des autres génocides et des crimes contre l'humanité, était inscrite à l'ordre du jour le 3 décembre dernier à l'Assemblée Nationale.
Alors que cette proposition de loi était soumise au vote de tous les députés afin de réparer l'injustice permanente résultant de l'absence de texte concernant l'ensemble des génocides, le Secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement M.Leguen et le président du groupe parlementaire socialiste Bruno Leroux, se sont bornés à critiquer l'improvisation de cette nouvelle proposition sans formuler aucune objection précise.
L'Histoire de l'Assemblée Nationale, s'est faite avec de l'audace et du courage. Parfois les députés se doivent de dépasser leurs querelles, leurs postures politiciennes, au nom de l'intérêt général.
L'unité Nationale, ça ne se décrète pas ça se construit!
Souvenons-nous des débats en 2011, dans ce même hémicycle, débats durant lesquels gauche et droite se montraient unis autour de ce combat qui ne tient pas compte des considérations partisanes.
Souvenons-nous de la promesse faite par François Hollande, en 2012, devant la statue de Komitas, sur la création d'un projet de loi visant à réprimer la négation du génocide arménien.
Le texte a été renvoyé en commission sans qu'aucune proposition ne soit formulée, au moment où la loi Gayssot se voyait menacée par une QPC jugée suffisamment sérieuse pour être transmise au conseil constitutionnel.
Depuis, plusieurs événements sont venus bouleverser la donne:
- 1° L'Etat islamique a frappé et atteint la France en plein cœur dans une démarche génocidaire.2° La CEDH a rendu le 15 octobre son arrêt dans l'affaire PERINCEQ, en considérant que la répression par les autorités helvétiques de la négation du génocide des arméniens 90 ans après et hors des frontières turques ou arméniennes, constituait une atteinte à la liberté d'expression violant l'article 10 de la convention.3° Le conseil constitutionnel a rendu sa décision le 8 janvier 2016, déclarant que la loi Gayssot n'est pas contraire à la liberté d'expression parce qu'elle vise intrinsèquement à lutter contre le racisme et l'antisémitisme, qui sont des objectifs suffisamment graves pour constituer une restriction légitime à cette liberté, et parce qu'elle ne porte pas atteinte non plus au principe d'égalité des citoyens devant la loi, dès lors qu'elle tend à réprimer un comportement qui, sans constituer un débat historique, ne vise qu'à nier un crime, reconnu par une juridiction internationalement compétente.
Le temps des juges étant passé, celui du législateur s'impose...
Puisque la commission des lois doit se saisir à nouveau de la proposition N°2276 et forts de l'avis du Conseil d'Etat, de la CEDH et du Conseil constitutionnel, pourquoi ne pas profiter du sursaut d'union pour faire revenir ce texte en discussion?
La répression de tous les négationnismes de ces crimes est légitime et nécessaire dans une société démocratique, dans la mesure où ils portent atteinte à la fois à l'Ordre Public et qu'ils sont par ailleurs marqués par la haine ou la violence à l'encontre de groupes de personnes à raison de leur origine, de leur appartenance, ou de leur non appartenance à une ethnie, une race, une religion ou une nation, ou qu'ils portent atteinte à un intérêt légitime des tiers, comme le respect de la vie privée, de la mémoire et de la dignité, protégés par l'article 8 de la Convention de Sauvegarde Européenne;
Il suffira de veiller à préserver d'une manière ou d'une autre, la liberté de mener et poursuivre des débats historiques sur ces génocides, ce que nous avions fait dans la proposition n°2276 en utilisant les expressions "négation de principe" et "contestation systématique".
Mais cette démarche qui concerne les génocides du XXe siècle, n'exclut pas les génocides nouveaux du XXIe siècle, et en particulier, celui qui, selon nous, est en train d'être commis par l'Etat Islamique à l'encontre de groupes de personnes, en raison de ce qu'ils sont ou plutôt de ce qu'ils ne sont pas, selon leur idéologie criminelle.
On répondra ainsi à une attente actuelle universelle, incontestable, et l'on n'attendra pas que l'irréparable ait été commis pour prendre les mesures appropriées, à l'initiative du pouvoir législatif et dans le respect de la spécificité de chaque génocide et des droits des victimes.
L'urgence d'une nouvelle loi est claire, au moment où s'accumulent depuis le mois de janvier 2015 des exactions et des attentats commis au nom de l'Etat Islamique qui s'en prend systématiquement, selon des critères arbitraires, à des groupes de personnes dont il prône la destruction physique. "L'Ordre Public", est bien ici en cause, puisqu'il s'agit d'enrayer l'extension de ces attentats commis sur notre territoire, dans le cadre d'une offensive déclenchée par un état étranger.
Il faudra donc en profiter pour incriminer aussi, au-delà de l'apologie ou de la négation, la glorification et la sanctuarisation des crimes cotre l'humanité actuellement poursuivis sous la qualification "d'actes terroristes".
Gageons que les quelques points de détail discutés au cœur du débat parlementaire, permettront de déboucher sur une nouvelle loi salutaire.
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