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Bordeaux : le gérant d’une épicerie musulmane condamné pour discrimination

En juin 2015, il avait apposé un écriteau pour accueillir les hommes certains jours et les femmes d’autres jours. Un tollé médiatique et politique avait suivi.

Par  (Bordeaux, correspondance)

Publié le 25 avril 2016 à 22h13, modifié le 25 avril 2016 à 21h01

Temps de Lecture 3 min.

En juin 2015, un écriteau a créé la polémique à Bordeaux, bien au-delà du quartier Saint-Michel où était installée l’épicerie-bazar De l’Orient à l’Occident.

Une petite pancarte discrète, écrite à la main et collée de travers sur la porte vitrée de l’épicerie. « Les frères : lundi, mercredi, jeudi… vendredi. Les sœurs : mardi, samedi, dimanche. » En juin 2015, cet écriteau a créé la polémique à Bordeaux, bien au-delà du quartier Saint-Michel où était installée l’épicerie-bazar De l’Orient à l’Occident. Cette formulation valait à son gérant (qui a changé depuis) de comparaître ce lundi 25 avril après-midi devant le tribunal correctionnel de Bordeaux. Car interdire à une personne de venir dans un commerce en raison de son genre relève bien du code pénal.

Le néo-Bordelais et néomusulman Jean-Baptiste Michalon, 25 ans, était donc jugé pour provocation à la haine ou à la violence, discrimination et subordination d’un bien ou d’un service, le tout en raison du sexe. Le prévenu, né Jean-Baptiste à Soissons et devenu Yahya quand il s’est converti à l’islam en 2012, reconnaît une « bourde ». A l’audience, il a taillé sa barbe et troqué son kamis pour un jean, une chemise et une veste.

Une « demande de ses clientes »

Il jure qu’il ne pensait pas mal faire, qu’il ne se savait pas hors la loi, assure que c’est sa clientèle féminine qui lui avait demandé ce régime d’ouverture différent pour les hommes et pour les femmes. C’était logique pour lui. A l’époque, il était persuadé que dans sa religion un homme ne pouvait s’isoler seul avec une femme ni une femme avec un homme. C’est pourquoi sa femme, née Jessica et ancienne esthéticienne, depuis convertie et devenue Soumaya, pouvait s’occuper des clientes et lui des hommes. Le jeune homme fait valoir que, dépassé par le véritable trouble à l’ordre public créé par son panneau, il l’a retiré.

Les réseaux sociaux, des habitants du quartier, le préfet de la Gironde, puis le maire de Bordeaux avaient instantanément condamné « ce genre de pratiques ». « La liberté de religion est un droit fondamental, mais elle s’exerce dans le respect des lois de la République », avait déclaré Alain Juppé, se disant « choqué » et demandant « de faire cesser cette discrimination au plus vite. (…) Parmi les fondements de la République, il y a le respect de l’égalité entre les hommes et les femmes. C’est la voie ouverte à toutes les dérives, dans les transports en commun, dans les équipements publics. »

Prison avec sursis et amende requises

Dans un soupir, le prévenu explique qu’il ne « s’attendait pas à tout ça », qu’il n’aurait jamais cru être au centre d’une telle polémique. Il a depuis perdu son commerce qui ne s’est jamais relevé de cette mauvaise publicité. Il a été menacé de mort à plusieurs reprises, s’est séparé de sa femme et vit de petits boulots. « La République ne peut tolérer de telles discriminations », résume le vice-procureur Marc Ottomani, en requérant deux mois de prison avec sursis et 750 euros d’amende, ainsi que la publication de la décision des juges.

Pour Tristram Heliot, qui défend l’ancien gérant, « le contexte actuel de stigmatisation de la religion musulmane joue beaucoup dans ce dossier ». Il plaide la relaxe, qui s’impose selon lui. « Ne serait-ce que juridiquement. (…) Il n’y a pas d’élément matériel : il n’y a pas eu de plainte, personne ne s’est estimé victime. » Et quand les policiers, missionnés par le préfet, le parquet et le maire de Bordeaux se sont rendus sur place, l’écriteau n’y était plus. Il n’y a pas d’élément intentionnel non plus puisque son client ne savait pas que c’était interdit. « Le but pour lui était purement commercial, il voulait satisfaire et fidéliser sa clientèle. »

Le commerçant a été condamné à deux mois de prison avec sursis et 500 euros d’amende. Il réfléchit avec son avocat à l’opportunité de faire appel.

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