Des militants du Front National pendant un discours de Marine Le Pen le 15 septembre 2013 à Marseille
Le Front national a annoncé vendredi avoir suspendu une de ses candidates aux municipales, à Rethel (Ardennes), Anne-Sophie Leclere, qui avait comparé Christiane Taubira à un singe.

Maël de Calan publie "La Vérité sur le programme du Front national", et va chercher le FN sur le terrain de la crédibilité. Ici des militants du Front National pendant un discours de Marine Le Pen le 15 septembre 2013 à Marseille.

afp.com/Bertrand Langlois

Peut-être faut-il être jeune, culotté et un peu inconscient pour s'attaquer à cet objet à la fois massif et tortu eux: le programme du Front national. A bientôt 36 ans, Maël de Calan a pris son casque et son piolet. Elu breton, engagé auprès d'Alain Juppé, cofondateur de la Boîte à idées, un groupe de réflexion au service du candidat à la primaire de la droite, le trentenaire publie La Vérité sur le programme du Front national (Plon).

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En sept chapitres, il décortique les propositions du parti de Marine Le Pen - économie, social, immigration, politique étrangère, etc. Et dénonce la vraie nature du FN, "une affaire familiale qui assure aux Le Pen des revenus, une fonction, une notoriété", ainsi que la fausse virginité d'un parti englué dans au moins quatre affaires. A ceux qui affirment: "On ne répond pas au FN, on le combat", Maël de Calan rétorque: on le combat en lui répondant.

Répondre ou combattre, jusqu'à présent, rien n'a marché: en 1974, Jean-Marie Le Pen réalise 0,75% des suffrages au premier tour de la présidentielle. En 2012, sa fille Marine en totalise 17,90%. L'alerte vertueuse - "Halte au fascisme" -, le silence - on débat sur les progrès électoraux du parti puis on l'oublie - ont montré leurs limites.

"La plupart des électeurs du FN ne sont pas des monstres, commentait le sociologue Robert Castel, en 2004 (L'Express du 8 mars). Il faut comprendre le vote extrême, en partie, comme une réaction sociale d'individus, ou de groupes entiers, qui, en situation de désarroi, ont le sentiment que les politiciens classiques se moquent de leurs préoccupations."

Introspection, démolition

Maël de Calan adopte cette analyse et reconnaît l'échec: celui des politiques menées par ceux qui ont gouverné la France ces quarante dernières années, dont son propre parti, les Républicains. Avec un chômage qui touche 5,7 millions de personnes (dans sa définition la plus large) et une dette de 2100 milliards d'euros, les critiques du FN ne sont pas sans fondement, écrit-il en substance.

"Nous avons déçu au pouvoir, incapables que nous avons été de transformer [nos] valeurs, qui sont belles, en actions concrètes." Et de mettre en garde ceux qui, à droite, veulent hausser le ton et durcir le discours, au lieu de se coltiner le vrai travail, pour, enfin, délester le FN de ses arguments les plus puissants.

Après l'introspection, la démolition. Maël de Calan prend au mot le FN. Il veut sortir de l'euro, de l'Union européenne, augmenter les salaires de 200 euros, A maintenir les 35 heures, revenir à la retraite à 60 ans, contrôler les prix, virer 400000 immigrés? Calan ne se demande pas tant si c'est bien ou mal. Mais si c'est faisable ou pas. Combien ça coûte et combien cela rapporterait. Il ne traque pas les dérives racistes du parti d'extrême droite.

Voilà longtemps que le parti a gagné son pari, celui de la dédiabolisation. Non, il va chercher le FN sur le terrain qu'il privilégie aujourd'hui: celui de la crédibilité. Le déboulonnage est féroce. Contradictions, incohérences, amateurisme et, in fine, un pays appauvri, endetté, exsangue. Calan plonge dans les chiffres et les raisonnements. Son travail est technique, technocratique, et revendiqué comme tel. Il sait que les frontistes l'accuseront de faire le jeu du "système", mais il campe clairement du côté du principe de réalité.

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