A New Delhi, les inquiétudes que suscite la pollution de l’air se font une place sur la scène artistique et dans la culture populaire. Une Française qui vit à Gurgaon a notamment commencé à parcourir la capitale indienne pour prendre en photo ses habitants, qu’elle fait poser avec des masques de protection et une radio des poumons. Parmi plus de 50 portraits, elle a immortalisé des livreurs de lait à vélo, des employées de maison, des écoliers, des femmes enceintes et des personnes âgées. Les décors sont variés et vont d’autoroutes embouteillées à des chantiers, en passant par des décharges. Tous les sujets sont parés de masques et tiennent des radios sur leur poitrine.

Mélanie Dornier explique que sa campagne – qui rappelle le projet “Humans of New York” – met en lumière les effets néfastes de la pollution de l’air, dont les conséquences “ne font pas de distinction entre un patron et un paysan” ou entre “la classe moyenne, les pauvres et les riches”.

Le but : sensibiliser et éduquer

Mélanie, qui est originaire de Besançon, dans le Doubs, est photographe professionnelle. Nombre de ses clichés ont été publiés par le magazine du Sunday Times (Royaume-Uni), Géo Ado (France) ou encore Le Monde Histoire (France). En Inde, elle habite à Gurgaon, une ville de l’Etat de l’Haryana située au sud-ouest de Delhi. “En septembre 2015, a-t-elle déclaré à India Today, j’ai été contactée pour une séance photo. Ma voisine, Namita Gupta, qui a créé la société Airveda [un fabricant de dispositifs pour surveiller la qualité de l’air], m’a demandé de prendre quelques photos sur la pollution de l’air à New Delhi à des fins pédagogiques et de sensibilisation.”

Mélanie, 30 ans, a commencé par photographier des patients asthmatiques et des élèves dans plusieurs hôpitaux et écoles de Gurgaon. “C’est à ce moment que j’ai eu l’idée de lancer une campagne de plus grande ampleur. J’ai commencé à demander aux balayeurs de rue, aux vendeurs de fruits, aux agents de circulation et même aux enfants de porter un masque et de tenir la radio contre eux pour les photographier.” Mélanie souhaite maintenant exporter son projet dans le monde entier : “Je veux le transposer en Chine, aux Etats-Unis et même dans ma ville natale en France.”

Selon Namita Gupta, la fondatrice d’Airveda, “la collecte de données scientifiques sur la pollution à New Delhi et dans sa région est cruciale, mais nous avons aussi besoin de témoignages comme celui-là. On peut assimiler cette campagne aux images d’avertissement sur les paquets de cigarettes. Tout le monde sait qu’il est mauvais de fumer du tabac, mais tant qu’on ne montre pas d’images terrifiantes, personne n’en prend la mesure.”

Des artistes qui se mobilisent

Mélanie explique que, comme de nombreux expatriés, elle aurait pu quitter la région de Delhi et Gurgaon. “Mon mari et moi sommes arrivés ici en août 2013, raconte-t-elle. Nous avons vécu dans les campagnes françaises et nous savons reconnaître un air pur, alors nous aurions pu prendre le premier vol dans le sens inverse. Mais j’aime trop photographier l’Asie et ses facettes. En même temps, mes filles de 2 et 3 ans grandissent ici, alors il fallait que je fasse quelque chose pour leur assurer un bel avenir et un environnement propre.”

D’autres projets sur la pollution à New Delhi font également leur apparition. Lucas Muñoz, un artiste espagnol, a imaginé une œuvre intitulée Le Poumon de Delhi, installée dans l’espace public. C’est une structure en bambou recouverte de mousseline blanche qui représente des poumons humains. L’installation a été exposée pendant trente jours à la galerie Bikaner House dans le cadre du festival d’art contemporain Publica. Le but est de voir à quoi ressemblera le tissu après avoir survécu un mois dans l’air pollué de Delhi. “Ce sera comme une empreinte”, selon une citation de Lucas Muñoz sur le site Internet de l’ONG Care for Air. L’œuvre doit aussi être exposée dans plusieurs lieux de Delhi : à l’India Habitat Centre, au centre commercial Emporio puis à l’Institut Cervantes. Une autre installation – un mannequin portant un masque dont le corps est recouvert de petites voitures – a été créée par l’artiste Shahid Parvez et elle est exposée à l’India Art Fair, un salon d’art contemporain.