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QUENTIN HUGON / Pixels / « Le Monde »

Bépo, Dvorak, Colemak... A la recherche du clavier français qui pourrait remplacer l’azerty

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Publié le 07 avril 2016 à 19h50, modifié le 08 juin 2017 à 10h01

Temps de Lecture 6 min.

L’Association française de normalisation (Afnor) a ouvert mercredi 7 juin une enquête publique pour apporter des commentaires à son projet d’amélioration du clavier français Azerty. Cette consultation, qui court jusqu’au 9 juillet, propose une version améliorée du clavier actuel, ainsi que l’option Bépo, moins connue.

Le débat sur les mérites des différents claviers ne date pas d’hier. « Il est dès lors presque impossible d’écrire en français correctement avec un clavier commercialisé en France. » La déclaration, publiée à la mi-janvier 2016 sur le site du ministère de la culture, avait fait grand bruit. Selon un rapport de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France, les claviers azerty ne sont pas adaptés au français. Et pourtant, tout le monde les utilise... Depuis, l’Association française de normalisation (Afnor) se penche sur un nouveau modèle de clavier.

« Effectivement, aujourd’hui on ne peut pas respecter les règles de la langue française avec le clavier azerty », appuyait à l’époque Philippe Magnabosco, chef de projet à l’Afnor. E dans l’o (œ), dans l’a(æ), ou cédille qui se perd à la majuscule, de nombreuses spécificités de la langue françaises ne sont possibles qu’à travers les correcteurs orthographiques. Taper un mot, faire un clic droit sur celui-ci, puis un clic gauche, un cheminement bien fastidieux pour écrire « cœur » ou « Ça va ».

« Les claviers azerty que l’on a en France gomment les langues régionales et européennes. On ne peut pas écrire de noms en allemand ni en espagnol alors que les claviers allemands permettent d’écrire des noms français. »

« Il y a aussi d’autres spécificités, par exemple on est plus embêtés avec les claviers Windows qu’avec les claviers Mac », soulignait Philippe Magnabosco. Sur Mac, il est plus facile de faire des majuscules accentuées, ou des « ç » en majuscule. « Notre positionnement, c’est la défense des langues, de permettre aux gens de penser qu’il n’y a pas que l’anglais dans la vie. »

Les recommandations de l’Afnor n’obligeront pas les fabricants ni les distributeurs, mais pourront guider les administrations qui voudront remplacer leurs claviers.

En 2016, l’association ne se concentrait plutôt des améliorations à la marge. « On ne prévoit pas de retirer le clavier azerty aux Français. Il y a en réalité peu d’exemples de pays qui changent radicalement de clavier », rappelle Philippe Magnabosco, « il faut une solution qui complète, pas forcément qui bouleverse ».

L’étrange monde de Dvorak et de bépo

Mais en France, une communauté de passionnés milite depuis des années en faveur d’une disposition de clavier radicalement différente. Pour eux, le clavier français existe déjà, et s’appelle bépo - et cette configuration est proposée dans la consultation ouvert cette semaine par l’Afnor. Comme l’azerty, il tire son nom des premières lettres qui le composent. Il a été conçu pour taper plus aisément les caractères utilisés en français, mais aussi minimiser les mouvements de la main lors de la frappe en répartissant les touches à l’aide d’un algorithme utilisant des statistiques lexicales.

Il est directement adapté de la disposition imaginée dans les années 1930 par l’américain August Dvorak, « mort complètement ignoré », explique Olivier Guéry, kinésithérapeute parisien et membre de l’association Ergodis, qui promeut le Bépo.

La disposition Dvorak.

Utiliser ses dix doigts

Mais attention, taper avec deux doigts a peu d’intérêt. Le Bépo est fait pour frapper à dix doigts et à l’aveugle. « En 2009, mon chef m’a demandé d’apprendre à taper en dactylographie. Je n’ai pas réussi avec un clavier azerty, mais en quinze jours j’avais réussi avec le bépo, découvert sur Internet », explique Jeff, membre de la communauté depuis plusieurs années. Il a essayé de convertir ses collègues, mais « ils étaient très heureux de taper très vite à deux doigts et ne voyaient pas l’intérêt ». Pour Olivier Guéry, c’est également une manière de reposer ses muscles et articulations. « Je dis ça sans étude scientifique, mais il est évident que quand on ne tape pas à dix doigts, on fait plus d’effort physique », explique-t-il.

Les adeptes des claviers alternatifs soulignent également une forme d’abandon de la dactylographie. « Tout le monde la prend pour acquis, alors que personne ne l’apprend, notamment à l’école », pointe un membre. Toute la communauté bépo s’accorde par ailleurs à dire que le clavier azerty n’est pas adapté à cet apprentissage.

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Après de longs débats internes sur l’ajout de tel ou tel accent ou caractère, le clavier bépo s’est stabilisé il y a quelques années. Aujourd’hui, ses adeptes tentent de le populariser en dehors des cercles initiés. « Pas besoin de racheter un clavier ! », prévient Olivier Guéry. « Il ne faut pas confondre disposition de clavier et clavier lui-même, il est possible de taper en bépo, conçu pour fonctionner avec cent quatre touches, sur un azerty ou un qwerty ». Les novices peuvent télécharger le logiciel du clavier et s’aider d’autocollants placés sur les touches pour apprendre. Pour les plus motivés, certaines marques comme Typematrix commercialisent des claviers adaptés au bépo, mais qui chamboulent donc le placement des touches.

Remplacer complètement le clavier

Le bépo et le Dvorak font partie des dispositions les plus connues, mais d’autres existent, souvent adaptées à des usages très spécifiques. Le Programmer Dvorak, par exemple, a été conçu pour faciliter le travail des développeurs. Ou encore le Colemak, une disposition inspirée du Dvorak, mais plus simple à appréhender pour le grand public.

De la même manière qu’il est possible de passer de l’azerty au qwerty en une combinaison de touches, la plupart des dispositions alternatives sont faites pour fonctionner sur un clavier traditionnel. Pourtant, beaucoup critiquent sa forme ancestrale. Par exemple, les rangées de touches sont décalées en raison de la construction des machines à écrire – il fallait éviter que les touches s’emmêlent les unes dans les autres durant la frappe. Par la suite, cette disposition n’a pas été changée pour ne pas bouleverser les habitudes du public, explique Olivier Guéry.

Des entreprises comme Kinesis et Maltron vendent aujourd’hui des claviers alternatifs à des communautés d’internautes pointus qui cherchent des outils plus adaptés à leurs besoins. Parmi eux, on trouve notamment les claviers séparés en deux parties, chacune pilotée par une main différente. Ces claviers dits « ergonomiques » ont connu une très grande popularité dans les années 1990, explique le site Deskthority. L’an dernier, le projet de clavier séparé Ergodox a réuni suffisamment d’acharnés pour lever plus de 300 000 dollars sur le site de financement participatif IndieGoGo.

Pour Jeff, il existe même des questions de santé. « Le clavier traditionnel cent cinq touches avec clavier numérique met quarante centimètres de distance entre la souris et le clavier pour un gaucher, ça l’oblige à tourner le coude et à faire des efforts », explique-t-il. « C’est un problème de santé au travail qui n’est pas reconnu », déplore le retraité, qui évoque des risques de troubles moteurs pour certains utilisateurs.

Toutes ces alternatives à la disposition azerty et au bon vieux clavier cent cinq touches semblent réservées à un petit public de passionnés. Jusqu’ici, il n’est toujours pas possible d’utiliser le bépo sur Mac ou Windows sans télécharger et installer la disposition, ni sans faire de recherches. La communauté aimerait que le bépo soit disponible par défaut mais semble avoir du mal à imposer ses arguments. « On peut se battre pendant des heures sur l’emplacement d’un caractère, mais on n’arrive pas à envoyer un courriel à Microsoft ou Apple », soupire Olivier Guéry.

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