Sexisme et harcèlement : une femme gendarme brise le silence

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Harcelée par plusieurs membres de sa brigade, une femme gendarme adjoint a écrit un livre dans lequel elle raconte son quotidien et le silence de sa hiérarchie.
TÉMOIGNAGE

Elle rêvait de devenir gendarme, mais son rêve a tourné au cauchemar. Harcèlement, sexisme, remarques déplacées de ses collègues et silence de sa hiérarchie : Seaade Besbiss, gendarme adjoint, raconte tout dans un livre et brise ainsi une véritable omerta.

"Des petites blagues graveleuses". J’ai grandi dans un petit village, et pour moi la gendarmerie ça a toujours été comme une famille", explique au micro du Grand Direct de l’Actu Seaade Besbiss, auteure de Je voulais juste être gendarme. Avec le recul, elle a pris conscience que le harcèlement a commencé très tôt dans sa carrière, d’une manière presque anodine. "Dès l’école [de gendarmerie] il y avait des petites blagues graveleuses, du sexisme, mais je n’y prêtais pas vraiment attention", raconte-t-elle, assurant avoir toujours fait la part des choses entre remarques sexistes et humour grivois.

"Une histoire d’un soir avec un officier’". Entre janvier 2013 et mai 2014, alors qu’elle est en poste à la brigade territoriale de Noisy-le-Roi, dans les Yvelines, sa carrière bascule. Tout part d’une patrouille avec son officier supérieur : "Il a stationné près d’une résidence privée, a coupé le contact et, tout feu éteint, il a commencé à me dire : ‘On va peut-être faire un flagrant délit de cambriolage'. J’ai tout de suite su que ce n’était pas ça parce qu’on était loin des habitations, alors il a commencé à me dire : ‘Comment ça se fait qu’une fille aussi jolie que vous soit célibataire ? Est-ce que ça vous intéresse une histoire d’un soir avec un officier ?’".

La jeune femme refuse aussitôt ses avances, mais voit, dans les jours qui suivent, le comportement de l'officier devenir plus agressif, rapidement suivi par d’autres membres de la brigade. "À partir du moment où mon supérieur a commencé à me harceler, à m’insulter et à me dénigrer au travail, les autres ont vu, et se sont permis de faire le même chose", explique Seaade Besbiss, également surprise par le silence des autres femmes de la brigade. "On m’a dit : ‘Tais-toi c’est mieux'."

L’Inspection générale de la gendarmerie. "C’est pas normal, je rentre par vocation, je veux combattre les injustices. Si les injustices sont à l’intérieur de l’institution je ne peux pas accepter ça. Comment faire la morale à l’extérieur si, à l’intérieur de l’institution, on accepte ce genre de comportements délictuels ?", interroge la jeune femme. Elle explique avoir essayé de signaler ces comportements en interne, avant finalement de se résoudre à déposer plainte pour harcèlement moral. L’Inspection générale de la gendarmerie (IGG) lui aurait fait savoir qu’ "il n’y a pas de fumée sans feu", l’invitant à être "moins féminine."

Elle assure que l’IGG, qui de son côté n'a pas relevé de harcèlement, a enquêté sur sa vie privée, allant jusqu’à interroger le gérant d’une boite de nuit des environs. "Le soir je sors avec mes amis, je vais m’amuser en soirée", explique-t-elle, mais elle rappelle : "Je ne vois pas pourquoi on va enquêter sur ma vie privée alors que je signale un harcèlement qui se passe au travail, et au travail je suis habillée en gendarme !"

Lettres de soutien. Néanmoins, ce n’est pas l’institution que Seaade Besbiss cherche a remettre en cause mais "l’individu, la personne qui porte l’uniforme et qui, par son comportement, salit cet uniforme." Elle continue de préparer les concours pour pouvoir intégrer officiellement la gendarmerie. "J’ai beaucoup de femmes gendarmes qui m’écrivent, elles subissent la même chose, et elles me demandent des conseils […] Elles n’osent pas parler, elles ont peur de perdre leur travail", affirme la jeune femme qui dit avoir reçu une vingtaine de courriers en un mois.