A l'occasion de la journée mondiale sur la sécurité et la santé au travail, le 28 avril, un psychiatre dénonce le manque de travail de fond pour lutter contre ce mal.

A l'occasion de la journée mondiale sur la sécurité et la santé au travail, le 28 avril, un psychiatre dénonce le manque de travail de fond pour lutter contre ce mal.

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Ce n'est pas la première fois qu'il tire la sonnette d'alarme. Le psychiatre Patrick Légeron travaille sur les questions de stress professionnel depuis plus de quinze ans. Jeudi 28 avril, lors de la journée mondiale sur la sécurité et la santé au travail, le sujet sera une nouvelle fois mis en avant. Pourtant, le médecin dénonce un faux-semblant et le décalage entre les intentions affichées et la réalité du travail, qu'il juge insuffisant. Interview.

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En 2001, vous analysiez le stress au travail comme premier péril pour la santé des salariés et la performance des entreprises. La situation s'est-elle améliorée ?

En 15 ans beaucoup de choses ont changé, mais il a fallu le harcèlement moral, le suicide, le burn-out pour qu'on en parle. On en parle beaucoup, mais les résultats ne sont pas là. Il y a un grand décalage entre ce que l'on connaît du stress et la relative faiblesse des actions. C'est le paradoxe français : on est passé du déni aux faux -semblants. Il y a des numéros verts, des questionnaires dans les entreprises, des formations de managers, mais pas un vrai travail de fond.

On constate dans les entreprises, lors de nos consultations de psychiatre et médecin du travail, dans les études internationales, que le degré de stress au travail augmente et ses conséquences aussi: la souffrance, au sens très large du terme. On ne peut pas ignorer qu'il n'y a pas suffisamment d'actions valides mises en place. La dernière publication de l'agence européenne de sécurité et de santé au travail de 2015 nous place assez mal en matière de prévention.

Le stress au travail a aussi du mal à être reconnu comme une grande préoccupation parce qu'il est masqué par le problème du chômage, avec malheureusement cette arrière-pensée : "Ne vous plaignez pas, vous avez du travail".

Quels sont les facteurs de stress ?

Ils sont extrêmement nombreux et quand ils s'additionnent, on arrive à des cocktails très dangereux. Les facteurs essentiels sont la charge de travail, le manque de reconnaissance - nous sommes le pays d'Europe où il est le plus fort -, la transformation du monde du travail qui aboutit au sentiment de perte de contrôle et à l'absence d'autonomie. Les salariés sont de plus en plus dans des process, et pas seulement ceux qui travaillent à la chaîne, même dans les banques, les call center...

La réalité, c'est qu'il y a de moins en moins d'autonomie sous couvert d'un discours qui entend la valoriser, tout comme l'humain. Un autre facteur de stress est la confusion complète entre vie professionnelle et vie privée ainsi que le changement perpétuel auquel il faut s'adapter.

Comment repérer les facteurs de stress et lutter contre ?

Il devrait y avoir des campagnes d'information et de prévention interministérielles comme pour la sécurité routière ou la toxicomanie. Si on prend modèle sur le Canada, l'Europe du Nord, et même la Grande-Bretagne, il faut d'abord repérer quand on est soi-même en souffrance et mettre en place des actions. Certaines relèvent du monde du travail, des entreprises, d'autres de l'individu. De même qu'on peut augmenter sa résistance pulmonaire en faisant des exercices, on peut augmenter sa résistance au stress. Les entreprises doivent veiller à l'environnement et au management. Nous sommes un pays dans lequel les managers ne sont pas formés à l'humain. Individuellement, on doit se protéger à travers par exemple les techniques de relaxation, un sommeil de qualité...Et prendre soin de soi sur le plan psychologique, en ne surinvestissant pas le travail.

Au Québec et en Europe du Nord, la gestion du stress est apprise dès l'école, ce sont des compétences du 21ème siècle, de même que savoir parler anglais ou utiliser un ordinateur".

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