Vague de fermetures dans le commerce européen
¤ Les faillites d'enseignes spécialisées se multiplient en Europe de l'Ouest. ¤ Ce sont les effets combinés de la concentration, de la crise et de l'e-commerce.
Par Vincent Collen, Philippe Bertrand
Le phénomène ne frappe pas les esprits en France même si des enseignes réputées ont déjà disparu du paysage commercial du pays : Surcouf dans la high-tech ou Virgin Stores dans la culture. Vivarte (André, La Halle, etc.) a dû, lui, se restructurer. Mais il n'en est pas moins fort dans l'ensemble de l'Europe occidentale, en Espagne et en Italie, touchées par la crise, mais aussi dans ses pays les plus riches, comme le Royaume-Uni et l'Allemagne. Les faillites se multiplient dans le commerce spécialisé non alimentaire traditionnel.
Le placement sous administration judiciaire, lundi, des grands magasins britanniques BHS illustre ce mouvement (voir ci-dessous). Avant eux, l'Angleterre a connu en 2008 la disparition de la chaîne de magasins populaires Woolworths, laissant 25.000 employés au chômage. En 2012, c'est le « Darty anglais » Comet qui fermait ses 240 magasins. On pourrait aussi citer la chaîne de sport JJB.
« Le secteur est de plus en plus dépendant du crédit bon marché », estime Joe Rundle, analyste chez ETX Capital lorsqu'on l'interroge sur les déboires de BHS. Outre-Manche, l'ensemble des distributeurs est également affecté par la forte hausse du salaire minimum décidée par le gouvernement de David Cameron. Le SMIC britannique a été revalorisé de 7,5 % le 1er avril dernier et d'autres hausses substantielles sont prévues pour les prochaines années.
Désertification des centres-villes
Mais la désertification en cours des « main streets » dans les villes moyennes a d'autres explications. Dans le secteur de l'habillement, comme partout en Europe, les mastodontes de la « fast fashion », Zara, H&M, Primark, ont mis à mal les enseignes traditionnelles sans identité forte. L'e-commerce est devenu un nouveau concurrent puissant. Selon Ecommerce Europe, les ventes sur Internet représentaient au Royaume-Uni 127,2 milliards d'euros en 2014, soit plus de deux fois le total de la France. Avec une croissance toujours à deux chiffres. Or c'est bien dans les secteurs de l'équipement de la personne et de la maison qu'Amazon et ses épigones sont les plus puissants. Partout en Europe, de surcroît, c'est sur les biens non alimentaires, non indispensables, que les consommateurs ont fait des arbitrages après la crise financière de 2008.
Aux Pays-Bas, le commerce est aussi secoué par une vague de faillites : Perry et Aktiesport, dans le sport, 400 magasins de chaussures du groupe Macintosch, les grands magasins V&D. Idem en Allemagne avec tour à tour les grands magasins Karstadt, les magasins de bricolage Praktiker ou les drogueries Schlecker (25.000 emplois). Le gouvernement néerlandais a créé un fonds de soutien au secteur du commerce. En France, Emmanuel Macron commence à s'inquiéter de la désertification des centres-villes.
Philippe Bertrand V. C.