Lettre de... Berlin
Entre un voyage aux Pays-Bas la veille, un déplacement en Turquie le lendemain, une rencontre avec Barack Obama le surlendemain et une importante réunion avec les élus régionaux sur les réfugiés le soir même, Angela Merkel aurait sans doute aimé souffler un peu ce vendredi 22 avril. Mais la chancelière avait un rendez-vous qu’elle ne pouvait louper sous aucun prétexte. Un rendez-vous avec l’histoire : la commémoration en Bavière du 500e anniversaire de la loi sur la pureté de la bière.
C’est en effet à Ingolstadt que, le 23 avril 1516, le duc Guillaume IV de Bavière proclame solennellement : « Nous voulons qu’à partir de maintenant, à aucune bière ne soient ajoutés d’autres éléments qu’orge, houblon et eau. » Même si, entre-temps, la levure, inconnue à l’époque, a été ajoutée à la liste des ingrédients autorisés, cette loi, considérée comme la première loi au monde sur la sécurité alimentaire et retranscrite dans le droit allemand en 1906 reste encore valable. Samedi, tout le pays a donc fêté les 500 ans de ce texte, qualifié de « success-story » par la chancelière.
C’est qu’outre-Rhin, la bière est bien davantage qu’une boisson. Tel le vin en France, elle est constitutive de l’identité du pays. Luther, lui-même, l’a résumé dès 1517 d’une phrase définitive « Celui qui n’a pas de bière n’a rien à boire ». Tout est dit. Preuve que, cinq cents plus tard, la boisson est branchée : à Berlin, il est désormais possible de suivre un cours de yoga-bière. Le principe est on ne peut plus simple : vous devez effectuer les différentes postures du yoga, en ayant une bouteille de bière à la main ou en équilibre sur toute autre partie de votre corps. Bien sûr, vous pouvez la vider au fur et à mesure de la séance.
Les buveurs allemands en perte de vitesse
Pourtant, malgré ces roulements de tambour et le succès mondial de l’Oktoberfest où les six millions de visiteurs consomment chaque année plus de sept millions de litres de bière, les 1 388 brasseurs allemands n’ont pas forcément le moral au beau fixe. La fête de la bière de Munich est un miroir déformant. Les Allemands ont beau toujours être de gros consommateurs de bière, ils n’en boivent plus « que » 106 litres par personne et par an, contre environ 150 litres il y a une quarantaine d’années. Certes, c’est bien davantage que les Français (environ 46 litres) mais nettement moins que les Tchèques (143 litres).
Plus ennuyeux, il y a quelques semaines, un institut de recherche de Munich a jeté un froid en révélant qu’il y avait des traces de glyphosate dans les quatorze bières les plus vendues dans le pays. Certes, rien ne prouve que cette substance que l’on trouve dans certains herbicides soit cancérigène mais comme le doute existe, la réputation de la bière risque d’en prendre un coup. Vendredi, Angela Merkel s’est voulue rassurante. « J’ai lu qu’il faudrait boire environ 1 000 litres de bière par jour pour entrer dans un domaine où le sujet deviendrait pertinent », a-t-elle ironisé, faisant remarquer qu’un tel niveau de consommation, même de bière sans alcool, poserait d’autres problèmes au buveur. A dix-huit mois des prochaines élections, Angela Merkel entend apparemment mettre de son côté le lobby des brasseurs, particulièrement influent dans la très conservatrice Bavière.
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