CULTURE - "J'aurais dû être chanteuse (...), j'aurais chanté des chansons politiques." La militante de l'indépendance algérienne Nassima Hablal ne pouvait pas échapper à son destin. Elle aimait la chanson mais pas autant que le rêve de voir son pays affranchi de la colonisation française.
Nassima Hablal fait partie des nombreuses femmes qui ont joué un rôle prépondérant dans la libération de l'Algérie mais qui ont été oubliées par la suite dans la construction de l'Histoire de la guerre et de ses héros. La réalisatrice Nassima Ghessoum lui rend hommage dans le film qui sort ce mercredi 27 avril, intitulé "10949 femmes". Ce titre rappelle le nombre exact de femmes engagées dans la lutte pour l'indépendance.

Nassima Hablal, avec un portrait d'elle à 33-34 ans.
Actrices, politiques, agents de liaison, infirmières...
"On connaît surtout celles qui ont fait des coups d'éclat, des attentats", explique la réalisatrice. La thèse de l'ancienne combattante Danielle Djamila Amrane Minne, citée dans la note d'intention, révèle que "la majorité des femmes qui se sont engagées dans la lutte pour l'indépendance de l'Algérie, menaient des actions politiques, étaient agents de liaison, ou encore des infirmières dans les maquis. En réalité, les fidayate, celles qui menaient des actions armées de terrorisme, étaient très rares: 1% des 10.949 femmes officiellement répertoriées dans le fichier du ministère des anciens combattants."
Nassima Hablal était la secrétaire du CCE, le Comité de Coordination et d'Exécution composé des cinq chefs de la direction politique du FLN. "J'étais le premier élément féminin contacté de la révolution", s'enorgueillit-elle. Entre autres actions, Nassima a procuré de fausses cartes d'identité aux membres du FLN, a acheminé des militants vers le maquis, a préparé la grève des huit jours, juste avant que le sort de l'Algérie française ne soit débattu à l'ONU en janvier 1957.
Raconter les tortures
Dans le film construit comme un documentaire, soucieux de laisser transparaître le caractère affirmé de Nassima, le spectateur perçoit la fragilité de sa condition féminine dans un monde d'hommes engagés, parfois violents, et dangereux. Passée par la case prison, comme de très nombreux militants, elle raconte avec sobriété les tortures subies. Tout comme une de ses amies présente dans le film. Difficile de ne pas s'émouvoir.
"Ah mais dans la prison on faisait la loi, se rappelle-t-elle, comme pour ne pas s'apitoyer sur son sort. Ils ne voulaient pas me laisser avec les Algériennes, pour ne pas qu'on n’échafaude de plan, mais moi j'allais avec elles, je m'en fichais." Elle racontait ses souffrances à ses compagnes de cellule, les rares à qui elle se confiait à ce sujet.
Puis, l'indépendance a été proclamée, mais en ce 5 juillet 1962, Nassima n'avait pas le coeur à la fête. "Mon mari et moi n'étions pas contents du tour qu'avait pris la révolution. Benbella n'avait pas participé à la guerre et le voici propulsé chef de l'Etat. Pareil pour son successeur Boumediene." Nassima ne souvient des exactions de ce nouveau pouvoir. "Mon mari avait toujours une valise prête pour s'enfuir. Des amis le prévenaient et il partait vite trouver refuge ailleurs. Ces gens ont pris le pouvoir sans qu'on les élise. Nous attendions autre chose de cette révolution."
Un film à voir. Les séances sont à découvrir sur ce lien et la bande-annonce est visible ci-dessus.