Erdogan se croit tout permis (même en Belgique)
La quête de soi du petit peuple de Turquie, sous la mâle autorité de Recep Tayyip Erdogan, n’autorise cependant pas tout. Certes, l’Europe a besoin du président turc pour bloquer le flux de réfugiés syriens qui l’a dangereusement ébranlée. Et, certes, la Turquie constitue toujours officiellement un poste avancé de l’Otan face à ce Moyen-Orient foncièrement dangereux. (Passons sur les liens ambigus d’Erdogan avec certains islamistes de Syrie, passons sur le fait qu’il a exporté en Syrie sa guerre contre les Kurdes du PKK, passons aussi sur le fait qu’il a failli mettre le feu à la planète en entreprenant de se mesurer à Vladimir Poutine aux confins du ciel de cette même Syrie…)
Le devoir et le droit de nous inquiéter
Mais quel allié encombrant ! Le voilà qui veut faire taire toute critique dans son pays. Ces derniers jours, les journalistes – turcs mais pas que – étaient en première ligne. Ils ne sont pas seuls dans le collimateur : on dénombre en ce moment en Turquie quelque 2.000 procédures judiciaires pour « injure » envers le chef de l’Etat.
Nous avons le devoir mais aussi le droit de nous en inquiéter formellement, vu que la Turquie négocie encore, à bas bruit, son adhésion à l’Union européenne.
Conscient de nous tenir par la barbichette, le leader turc va plus loin. Il gonfle sa posture dominatrice et tente carrément d’élargir sa juridiction à une bonne partie de l’Europe. Il veut faire taire les humoristes allemands. Il veut faire enlever une photographie qui le dérange d’une exposition à Genève. Il veut faire lister toutes les critiques contre sa personne qui seraient émises aux Pays-Bas, principalement par des citoyens d’origine turque.
Quelqu’un devra être plus ferme
Et maintenant, via la Diyanet, son administration des Affaires religieuses, la Turquie d’Erdogan entend contester à la Belgique le droit d’organiser comme elle l’entend son Exécutif des musulmans ! Enjeu : le contrôle des imams et des mosquées.
« Nos libertés, y compris la liberté d’expression, ne feront l’objet d’aucun marchandage politique avec quelque partenaire que ce soit. Ce message doit être également entendu par le président Erdogan », lançait vendredi dernier Donald Tusk, le président du Conseil européen – avant d’aller flatter le président turc en son pays. Quelqu’un devra être plus ferme, plus convaincant !
Le mieux, bien sûr, serait que les Turcs se ravisent et s’émancipent d’Erdogan et de ses façons d’un autre temps. La petitesse, en effet, ne peut pas permettre de renouer avec la grandeur.