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Primaires américaines

Donald Trump, «l’Amérique d’abord», les idées après

Elections américaines de 2016dossier
Dans son premier discours de politique étrangère, le favori républicain a promis de placer l’intérêt des États-Unis au cœur de toutes ses décisions mais le milliardaire a livré peu de détails sur la politique qu'il mènerait.
par Frédéric Autran, Correspondant à New York
publié le 28 avril 2016 à 7h11

Ce devait être un discours majeur, le premier d’une série d’interventions formelles censées renforcer la stature présidentielle de Donald Trump. Le cadre – un luxueux hôtel de Washington – se voulait solennel : pupitre sobre et, en arrière-plan, quatre grands drapeaux américains dressés devant un immense rideau bleu nuit. Pour l’occasion, Donald Trump était même aidé d’un téléprompteur, outil qu’il critique régulièrement car associé selon lui aux discours formatés des politiciens. Dans les premières minutes de son intervention, soigneusement répétée ces derniers jours, le magnat de l’immobilier semblait d’ailleurs mal à l’aise, goûtant assez peu à l’exercice de la lecture imposée.

Sur le fond, Donald Trump a rapidement résumé sa vision : «Ma politique étrangère placera toujours les intérêts des Américains et la sécurité de l'Amérique avant toute autre chose», a-t-il déclaré, promettant de faire d'«America First» («l'Amérique d'abord») le «thème majeur» de son administration. Et le candidat républicain d'ajouter : «Les Américains doivent savoir que nous ferons passer le peuple américain d'abord sur le commerce, sur l'immigration, sur la politique étrangère. L'emploi, les salaires et la sécurité des travailleurs américains sera toujours ma première priorité. Nous n'abandonnerons plus ce pays aux sirènes du globalisme.»

«Notre politique étrangère est un désastre complet et total»

Pendant près de 40 minutes, l'homme d'affaires new-yorkais est revenu sur différents thèmes abordés au cours de la campagne : protectionnisme économique, dénonciation des accords de libre-échange, refus d'accueillir des réfugiés syriens en raison de la menace terroriste et mise en garde des alliés de Washington qui chercheraient à bénéficier à moindre coût du «parapluie» militaire américain. S'il est élu, Donald Trump promet de réunir séparément les membres de l'OTAN et les alliés asiatiques des Etats-Unis – Corée du sud et Japon essentiellement – afin de négocier un «rééquilibrage» du financement de leur défense. «Les pays que nous défendons doivent payer pour cette défense. Sinon, les Etats-Unis doivent être prêts à laisser ces pays se défendre eux-mêmes. Nous n'avons pas le choix», a martelé l'homme d'affaires. Sur ce point, Donald Trump est toutefois apparu incohérent, menaçant les alliés de Washington de désengagement tout en insistant sur la nécessité de faire des Etats-Unis un partenaire fiable. «Nos amis doivent pouvoir compter sur les accords que nous avons passés avec eux. L'Amérique va redevenir un ami et un allié fiable», a-t-il lancé.

Signe que Donald Trump a désormais les yeux rivés vers l'élection de novembre, il a vivement critiqué Barack Obama et Hillary Clinton, qui a incarné la diplomatie américaine pendant le premier mandat du président démocrate. «Notre politique étrangère est un désastre complet et total. Pas de vision. Pas d'objectif. Pas de direction. Pas de stratégie», a tancé le milliardaire. Une critique qui visait d'ailleurs, aussi, l'administration de Georges W. Bush, à qui Donald Trump reproche d'avoir engagé les Etats-Unis dans le bourbier irakien. «Après avoir perdu des milliers de vies et dépensé des milliards et des milliards de dollars, on est plus que jamais dans une mauvaise position au Proche-Orient», a-t-il déclaré.

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Parmi les reproches adressés à Barack Obama : la décision d'intervenir en Libye (dans laquelle Hillary Clinton a lourdement pesé) et l'incapacité à enrayer la montée en puissance du groupe Etat islamique. Définissant «l'islam radical» comme ennemi numéro un des Etats-Unis, Donald Trump a promis de détruire le groupe djihadiste. «Leurs jours sont comptés. L'EI disparaîtra si je suis élu président, et ils disparaîtront rapidement. Très, très rapidement», a promis le milliardaire avec son assurance habituelle. Mais sans donner le moindre détail sur sa stratégie : «Je ne vais pas leur dire où ni comment. Nous devons, en tant que pays, être plus imprévisibles.»

«Slogans simplistes, contradictions et inexactitudes»

Censé gonfler sa crédibilité, le discours de Donald Trump a surtout suscité sarcasmes et critiques, notamment parmi les spécialistes américains de la politique étrangère. «Sa rhétorique stridente masquait un manque de profondeur», confie à Politico un ancien conseiller à la sécurité nationale de Ronald Reagan. Thomas Wright, chercheur à la Brookings, décrit quant à lui un «discours complètement contradictoire qui ne va rassurer personne sur la scène internationale».

Enfin au sein de la classe politique américaine, l'intervention de Donald Trump n'a pas davantage convaincu. Le sénateur républicain Lindsey Graham a critiqué un discours «décousu», «déconcertant» et «pathétique». Réaction encore plus cinglante de l'ancienne secrétaire d'Etat démocrate Madeleine Albright, soutien d'Hillary Clinton : «Je n'ai jamais vu une telle combinaison de slogans simplistes, de contradictions et d'inexactitudes dans un même discours. Le but de Donald Trump était peut-être de nous convaincre qu'il peut être présidentiable. Au lieu de ça, il a souligné le fait qu'il mène la campagne présidentielle la plus imprudente et la plus dangereuse de l'histoire moderne.»

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