La seule solution pour vaincre durablement le groupe Etat islamique (EI) en Irak et en Syrie est de faciliter et d'accepter l'émergence d'une contre-révolution sunnite, quitte à ce qu'elle soit islamiste, estime Scott Atran, anthropologue franco-américain.
Après des mois d'enquête sur le terrain, ce spécialiste du terrorisme publie en France "L'Etat islamique est une révolution" aux Éditions Les liens qui libèrent.
Pourquoi l'EI s'est-il emparé si facilement des territoires qu'il contrôle, en Irak et en Syrie ?
En Irak, tous les membres des tribus arabes sunnites avec lesquels j'ai parlé m'ont dit qu'au début tous suivaient l'État islamique parce qu'ils l'ont au départ considéré comme un rempart contre les chiites qui ont pris Bagdad. Ce n'est plus le cas, mais maintenant nous devons travailler avec ceux qui sont contre. Il y en a, et de plus en plus.
Au début, tout s'est bien passé, mais au bout de deux semaines des gens ont commencé à disparaître, tous ceux qui avaient une relation avec la police, l'armée. Les gars de l'EI les enlevaient et les tuaient.
Du coup, de nombreux chefs de tribus se retournent contre eux, afin de retrouver leur pouvoir. Mais cela veut dire que nous devrons nous allier avec certains groupes islamistes, opposés à l'EI, parce qu'ils disposent d'un vrai soutien populaire.
(Lire aussi : « L’État islamique est une entité éminemment postmoderne »)
L'armée irakienne et les milices qui lui sont alliées peuvent-elles reprendre Mossoul ?
Ça va être très compliqué. On dit qu'ils ont repris Ramadi, mais ce n'est pas vraiment exact. L'armée américaine a rasé Ramadi, il ne reste plus un seul bâtiment debout.
On ne peut pas faire ça à Mossoul. C'est la deuxième ville d'Irak. Ça provoquerait des réactions pendant des générations. Le problème est que si vous envoyez des milices chiites, cela va être pire. Et il y a également des conflits au sein des sunnites entre les milices tribales, qui sont de la région, et les officiers sunnites de l'armée irakienne. Ils ne s'entendent pas.
Et pour compliquer encore les choses, certaines tribus sont partagées entre partisans de l'EI et de Bagdad.
Le problème, c'est qui va gérer cette vaste région après, même si Mossoul est reprise ? Il y a environ 8.000 soldats de l'EI pour défendre la ville. Les États-Unis planifient douze brigades, c'est à peu près 50.000 soldats. Et bien je ne pense pas que ce sera assez! Il faut une vraie contre-révolution sunnite, contre l'EI. C'est la seule chose qui pourrait marcher. Il faut faire une alliance avec les groupes islamistes anti-EI, mais les Américains ne sont pas pour l'instant prêts à le faire.
Et les forces kurdes ?
Les Kurdes sont de redoutables combattants. Leur détermination à se battre égale ou surpasse celle des combattants de l'EI ou d'al-Nosra (affilié à el-Qaëda). Mais ils ne voudront jamais s'aventurer au-delà des limites de ce qu'ils considèrent être leur patrie. Conquérir des territoires contrôlés par l'EI ne les intéresse pas. Ils luttent pour le Kurdistan, montrent tel village ou tel village sur la carte et disent : "pas un mètre de plus. Là, c'est chez les Arabes...".
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TOUS... DES DEUX COTES... ONT BU DU MEME LAIT... LES UNS PLUS QUE LES AUTRES !
10 h 19, le 29 avril 2016