Le Parlement européen finance une conférence néonazie

Nick Griffin, figure la plus populaire de l'Alliance pour la paix et la liberté, est aussi l'ancien chef de file du parti néonazi britannique. [Patriotic Populist/YouTube]

Un groupe européen d’extrême droite a reçu un financement européen d’un montant de 600 000 €, mettant en lumière la facilité avec laquelle les groupes néo-fascistes accèdent aux fonds du Parlement européen. Un article d’EURACTIV Allemagne.

« Le fait que nous aidions à financer de telles activités est très grave et très troublant », a déclaré Marita Ulvskog, eurodéputée suédoise, au sujet du scandale de financement dévoilé par Expo.

Ce magazine suédois anti-racisme a révélé que le Parlement européen avait alloué 400 000 euros à une fondation liée au parti européen d’extrême droite Alliance pour la paix et la liberté (APF) et 197 625 euros supplémentaires qui seront utilisés pour financer une réunion néonazie à Stockholm cet été.

Alliance pour la paix et la liberté

Les deux montants ont été attribués suite à des demandes financières que l’APF a faites l’année dernière via les canaux habituels du Parlement.

Le 28 mai, le « Manhem Day » sera une rencontre d’organisations d’extrême droite organisée par « Europa Terra Nostra », dont le dirigeant est Dan Eriksson. Ce dernier est bien connu dans le paysage de l’extrême droite suédois. Les néonazis suédois et allemands profiteront de cette rencontre pour renforcer leur coopération.

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La question a déclenché un tremblement de terre politique au Parlement, tous partis confondus. « Nous ne pouvons et ne devrions pas soutenir financièrement les ennemis de l’Europe et leur incitation au racisme et au fascisme », s’est indigné le vice-président du Parlement, Ulrike Lunacek (Verts/ALE).

Daniele Viotti, eurodéputé du groupe S&D, a appelé à une action rapide et a annoncé son intention d’aborder la question avec la présidence du Parlement.

Manfred Weber, président du groupe parlementaire  PPE, a quant à lui écrit une lettre urgente au président du Parlement européen, Martin Schulz, ainsi qu’aux présidents des autres groupes parlementaires pour couper les financements « des pires extrémistes d’extrême droite et néofascistes », puisque, selon lui, ces groupes menacent les fondations de nos sociétés.

Evaluation des demandes de financement 

Interrogé sur la manière dont une conférence néonazie a pu être financée avec l’argent du Parlement, Daniele Viotti a répondu que la commission budget n’évaluait peut-être pas chaque demande au cas par cas.

Le service de presse du Parlement européen a confirmé que la demande de l’APF avait été soumise à temps en 2015 et avait été officiellement approuvé en décembre. L’allocation des fonds peut être soumise à une vérification ultérieure, s’il existe assez de motifs pour la justifier. Toutefois, le porte-parole du Parlement a déclaré ne pas savoir si le résultat serait différent si la demande était réévaluée en utilisant les mêmes critères.

Outre des critères plus formels, le Parlement européen exige que les demandes de fonds respectent certaines règles. Après avoir consulté des conseillers juridiques, c’est exactement ce qu’a fait l’APF, en recopiant mot pour mot les lignes directrices de l’UE.

La demande n’est pas obligée d’inclure des explications détaillées sur les activités qu’ils promouvront. Ces dernières n’ont pas non plus à être en accord avec les valeurs européennes. Les critères à respecter incluent néanmoins un langage approprié et des mots clés tels que « liberté », « droits de l’homme » et « démocratie ». La fondation a respecté cela à la lettre.

La charte d’Europa Terra Nostra, disponible sur leur site, mentionne « principes de l’Union européenne. Ce sont la liberté, la démocratie, le respect des droits de l’homme et l’état de droit ». Une phrase presque copiée-collée du paragraphe du règlement européen n° 2004/2003 dédié aux critères de financement des partis politiques.

Critères de financement

Il y a deux ans, le Parlement avait annoncé que critères de financement des partis devaient être plus stricts. « Nous avons accru la transparence », a affirmé Marietta Giannakou du parti grec de centre droit, Nouvelle démocratie. Les nouvelles règles visent à empêcher les partis d’abuser des règles européennes pour s’approprier des fonds.

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Ce système ne devrait néanmoins ne pas entrer en vigueur avant 2017, une réalité reconnue par Marita Ulvskog. Certains considèrent que les règles contiennent encore des failles qui pourront « profiter à un parti suffisamment intelligent pour ne pas affirmer dans sa charte qu’il est raciste ».

Ce qui rend l’affaire encore plus intéressante, c’est que l’APF, contrairement à d’autres partis de droite comme l’Alliance européenne pour la liberté, ne cherche pas à courtiser d’autres pans de la société et semble peu se soucier de la manière dont il est perçu.

Son fondateur, Roberto Fiore, a émigré vers le Royaume-Uni dans les années 1980 après que la police italienne a retrouvé des explosifs dans sa voiture et pensé qu’il était lié à l’attentat de la gare de Bologne le 2 août 1980, qui a fait 85 morts et plus de 200 blessés. Aujourd’hui, il se décrit lui-même comme fasciste et prétend qu’il et son parti sont membres de la nouvelle avant-garde européenne. En 2008, il a occupé un siège au Parlement, en tant que remplaçant d’Alessandra Mussolini, petite-fille de l’ancien Duce italien, Benito.

Même Aube dorée, le parti grec néonazi, ne cherche pas à cacher son esprit fasciste. De nombreux membres et responsables du parti ont fini devant les tribunaux, accusés de meurtres et d’attaques perpétrés contre des individus de gauche ou des immigrants.

Reste à savoir comment de tels mouvements politiques peuvent recevoir des subventions étant donné que la présidence du Parlement adopte une ligne dure à l’égard des extrémistes et racistes d’extrême droite.

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