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Afrique du Sud

Série de manifestations contre la "culture du viol" dans les universités sud-africaines

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Une liste, publiée anonymement sur les réseaux sociaux et donnant le nom de onze étudiants accusés de viol sur des étudiantes de l'université de Rhodes, a déclenché une vague de manifestations sur deux campus sud-africains. L’occasion, selon nos Observatrices, d'ouvrir le débat dans le pays, où un viol est commis toutes les quatre minutes.

Après une semaine de fermeture pour cause de manifestations, l’université de Rhodes, à Grashamstown (sud-est de l'Afrique du Sud), a rouvert ses portes lundi 25 avril. 

Pendant sept jours, plusieurs étudiants s'y sont rassemblés pour demander l’exclusion de onze étudiants accusés d'avoir commis des viols sur le campus. Leurs noms avaient été révélés anonymement via une page Facebook, dans la nuit du samedi 16 au dimanche 17 avril.

Il est pour le moment difficile de savoir qui est derrière cette liste, mais selon notre Observatrice, celle-ci a été prise très au sérieux dans l'université.

Le vice-chancelier de l'université de Rhodes a souligné que la publication d'une liste de noms de violeurs présumés constituait une violation de la présomption d'innocence. Il s'est néanmoins engagé à mettre en place une commission d'enquête pour améliorer la sécurité des étudiants.

"En Afrique du Sud, c'est une première"

Alice Draper est étudiante à l'université de Rhodes. Elle a suivi et filmé les manifestations sur le campus pendant une semaine.

Les manifestations ont débuté dimanche 17 avril, après qu'une liste a été diffusée sur les réseaux sociaux sur une page Facebook anonyme. Après la publication de la liste, la page a été supprimée. Pour le moment, on ne sait pas qui a fait sortir la liste. Personne n'a douté de celle-ci parce que plusieurs hommes cités sont déjà connus comme des agresseurs... Par exemple, je connais moi-même des filles qui ont été violées par certains hommes cités. Je ne suis pas étonnée.

Les problèmes de viols ne sont pas nouveau à Rhodes, mais même quand des aggressions sont signalées à l'administration, rien n'est jamais fait. C'est ce ras-le-bol de l'impunité qui a provoqué la sortie de la liste.

Les étudiants cités sur la liste ont été "chassés" de l'université lundi par les manifestants, qui ont demandé à ce qu'ils soient renvoyés. Cette semaine, ils sont tous partis d'eux-mêmes.

Vidéo réalisée par notre Observatrice Alice Draper pendant les manifestations. 

Des incidents ont eu lieu avec la police quand des étudiants ont tenté de manifester sur la route. Selon la loi, ils ne sont autorisés à manifester que dans l'enceinte du campus. Il y a eu des tirs de gaz lacrymogène et cinq étudiants ont été arrêtés.

Des voitures de police garées devant le campus. 

À partir du mercredi, plusieurs filles ont décidé de manifester seins nus. En général, quand une fille est victime d'une agression sexuelle, on lui reproche de porter quelque chose de trop court. Du coup, les filles ont enlevé leur t-shirt et lancé le hashtag #StillNotAskingForIt ["Je ne demande toujours pas ça", en référence au sexe]. Le viol doit toujours être la faute du violeur. Peu importe le reste. On a déjà vu ce genre de manifestations dans d'autres pays, mais je crois qu'en Afrique du Sud, c'est une première.

Manifestation à l'université de Rhodes, lundi 18 avril.

"Plusieurs professeurs ont préféré annuler leurs interventions, par peur des perturbations"

Beaucoup de gens sont venus soutenir la manifestation et dans l'ensemble, le fait que des filles soient seins nus n'a pas posé de problème... Sauf pour la police, qui a expliqué aux organisatrices que c'était de "l'indécence publique" et qui a menacé de les arrêter.

L'université a rouvert ce lundi, mais la situation reste encore tendue. Dans beaucoup de cours, on ne parle que des manifestations et de comment faire pour faciliter le débat autour de la culture du viol. Certains cours on été interrompus lundi et mardi par des militants, donc plusieurs professeurs ont préféré annuler leurs interventions, par peur des perturbations.

 

Mais à peine la situation apaisée dans l’établissement, c’est l'université de Wits qui a pris le relais, mardi 26 avril. Près de 200 femmes, pour la plupart seins nus, se sont rassemblées pour exprimer leur ras-le-bol et demander la fin de l’impunité pour les auteurs de viol.

"Les étudiants se sont rendus compte du rôle qu'ils pouvaient jouer pour dénoncer les injustices"

Notre Observatrice Aarti Bhana est étudiante en journalisme à l’université de Wits. Elle suivi la manifestation du 26 avril.

Les étudiants ont décidé de soutenir les manifestations de l'université de Rhodes en organisant un rassemblement à Wits. Il y a trois ans, il y avait également eu un cas de viol qui avait fait beaucoup de bruit dans notre université, mais je ne me souviens pas d’une telle mobilisation.

Rassemblement de soutien à Wits. Photos prises par notre Observatrice Aarti Bhana.

Le but : briser les tabous autour la "culture du viol". Durant le rassemblement, une étudiante s’est exprimée publiquement, elle a révélé avoir été violée par l’un de ses amis. La vidéo a été très partagée sur les réseaux sociaux et beaucoup ont salué son courage.

Dans cette vidéo, une jeune femme témoigne du viol dont elle a été victime. Vidéo réalisée par Wits Vuvuzela, le journal étudiant du campus.

Des filles ont, comme à Rhodes, manifesté seins nus. Je pense que cela permet vraiment d'attirer l’attention sur cette cause. Le problème est d'autant plus important qu’il n’y a jamais vraiment d’enquête sur les cas de viol, ils sont souvent pris à la légère et beaucoup de femmes vivent avec ce traumatisme sans jamais le dire.

"Mon corps, mon choix."

Nous aimerions que le débat ne reste pas seulement limité aux campus étudiants, mais qu'il soit posé comme un débat de société. Et je pense que c’est possible.

"Des femmes brisent le silence."

Depuis un an, et notamment grâce aux nombreuses manifestations "Fees must fall", les étudiants se sont rendus compte du rôle qu’ils pouvaient jouer un rôle dans la société sud-africaine pour dénoncer les injustices. [En 2015, un vaste mouvement étudiant, lancé avec le hashtag #Feesmustfall, avait obtenu l’annulation d’un projet d’augmentation de 10 % des frais universitaires, NDLR]

Après le viol d’une jeune fille de 17 ans en 2013, plusieurs stations de radio avaient lancé une campagne de sensibilisation en émettant un signal toutes les quatre minutes pour symboliser la fréquence des viols dans le pays. Selon les statistiques de la police, environ 25 000 mineurs sont violés chaque année en Afrique du Sud, soit près de 70 par jour.

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