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L'athlétisme et la Russie au dope-niveau

L'Agence mondiale antidopage a publié son rapport d'activité pour 2014. En tête de classement, on retrouve la Russie côté pays et l'athlétisme côté disciplines. Mais encore faut-il que tous les sportifs soient contrôlés.
par Gilles Dhers
publié le 28 avril 2016 à 19h25

Si cette «compétition» avait fait l’objet de paris, ils n’auraient pas été d’un excellent rapport, tant les résultats étaient prévisibles. Pays le plus touché par le dopage : la Russie. Discipline la plus vérolée : l’athlétisme. Telles sont les conclusions du rapport d’activité 2014 de l’Agence mondiale antidopage (AMA), publié jeudi. Des chiffres qui ne traduisent certainement pas la réalité statistique du dopage : beaucoup de tricheurs passent à travers les mailles du filet et toutes les fédérations ne font pas preuve du même zèle en matière de lutte antidopage. Mais qui dessinent un panorama réaliste de la triche médicalement assistée.

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C’est le nombre d’échantillons reçus en 2014 par les laboratoires accrédités par l’AMA. 2 287 se sont révélés positifs, soit à peine 1%, ce qui ne signifie évidemment pas que le dopage ne touche que 1% des sportifs. Sur ces 2 287 tests, 1 462 (64%) ont constitué des violations des règlements antidopage, dans les autres cas, les athlètes ont présenté des autorisations à usage thérapeutique des médicaments interdits (10%) où n’ont pas été poursuivis pour différentes raisons (20%). L’instruction des autres cas n’a pas été bouclée dans l’année.

A ces 1 462 échantillons positifs (1 458 d’urine et 4 sanguins), il faut ajouter 231 dopés confondus par d’autres moyens que l’analyse proprement dite (absences lors des contrôles, découvertes de produits interdits chez les entraîneurs ou proches, manquements aux règles de géolocalisation, trafic, etc.), ce qui amène au total de 1 693 cas officiels, légèrement en baisse par rapport à 2013 (1953).

La Russie en tête

La Russie arrive en tête avec 148 cas de dopage avéré, dont plus du quart (39) ayant été détecté en athlétisme (39 sur 148). Ce n'est pas franchement surprenant. Une commission indépendante de l'AMA avait révélé en novembre dernier un «système généralisé» de dopage en Russie – mêlé à un scandale de corruption –, qui avait poussé la Fédération internationale d'athlétisme à priver temporairement de toutes les compétitions. Aujourd'hui, on n'est pas sûr de voir des athlètes aux Jeux de Rio, cet été. Cette commission avait pointé les actions délibérées de l'Agence russe antidopage (Rusada) pour dissimuler des cas positifs impliquant des athlètes russes. Mi-avril, l'AMA avait révoqué l'accréditation du Centre antidopage de Moscou, dont les manipulations avec les analyses d'urines ou de sang avaient été suspendues à l'automne dernier. Pour tenter de lui redonner de la crédibilité et de la confiance aux sportifs, l'AMA a décidé cette semaine de dépêcher des experts pour superviser la refonte des programmes de la Rusada. Une étape essentielle pour éventuellement décrocher le feu vert de l'Iaaf pour Rio.

Les pays membres du top ten de ce classement de la triche représentent 47,8% du total des cas. C'est beaucoup mais le chiffre est à relativiser : ne trouvent des dopés que les pays ou les fédérations qui les recherchent avec un minimum de sérieux. A cet égard, le cas du Kenya est éclairant ; sa fédération d'athlétisme est également dans le collimateur des instances internationales. En 2014, selon les chiffres de l'AMA, 12 athlètes kényans ont subi des tests positifs. C'est peu, sauf que cela représente… 100% de ceux qui ont été contrôlés. Et en plongeant dans les statistiques, on constate avec effarement qu'aucun de ces contrôles positifs n'a été diligenté par un organisme (Comité olympique, Fédération d'athlé, Agence antidopage…) kényan. On euphémisera en disant que le pays qui a terminé en tête du classement des médailles aux derniers mondiaux d'athlé n'a pas franchement comme priorité de lutter contre le dopage.

L’athlétisme vainqueur

Avec l’athlétisme et le culturisme, le cyclisme, l’haltérophilie, le football, le rugby, la lutte, la boxe ou encore la natation sont les sports dans lesquels les analyses pratiquées par l’AMA ont révélé le plus de contrôles positifs. Là non plus, rien de vraiment surprenant, si ce n’est qu’on compte quand même 2,5 fois plus de cas de dopage avéré dans le foot (dont les autorités continuent de nier en chœur la réalité et même l’utilité de la charge dans leur discipline) qu’en natation.

La force athlétique est la version «grand public» de l'haltérophilie, celle pratiquée dans les salles de muscu, qui regroupe trois exercices : le squat, le développé-couché et le soulevé de terre.

Et le dopé-type est…

Et la France ?

Pour l’Italie et la France, le cyclisme remporte la palme peu reluisante du plus grand nombre de contrôles positifs. En France, les 6 sports les plus touchés représentent plus de la moitié des 91 cas constatés en 2014. Assez curieusement, la moto a fourni 5 dopés sur les 7 que la discipline (tous pays confondus) a connus cette année-là.

A part ça ?

Enfin, on constatera que très peu de sports échappent au dopage. Si, au regard des chiffres de l'AMA, la luge (où quand même 444 échantillons ont été analysés), le curling et la pelote basque apparaissent immaculés, d'autres disciplines plus ou moins confidentielles ont vu au moins un de leurs pratiquants attrapés par les patrouilles antidopage. C'est le cas du billard, des fléchettes, du bowling, du sepaktakraw et même de la pétanque. Le bouliste chargé cette année-là était français. L'honneur de la patrie est sauf est sauf.

Vous vous demandez à quoi peut bien servir de se doper à la pétanque. Le boulisnaute vous répond.

Le rapport 2014 de l'Agence mondiale antidopage.

Pour aller plus loin :

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