[TRIBUNE] Pourquoi le big data simplifiera les essais en vol

Les essais en vol des nouveaux appareils nécessitent de mesurer, de collecter, puis de traiter de plus en plus de données dans des délais de plus en plus courts. Comment interpréter alors des téraoctets de données ? La solution : le big data, qui permettra d’accélérer les tests et réduira le nombre d’essais en vol. Un enjeu décrypté par Sylvie Teysseyre, responsable du pôle logiciel critique chez Sopra Steria.

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[TRIBUNE] Pourquoi le big data simplifiera les essais en vol

L’aéronautique est de plus en plus exigeante en matière de données relatives aux essais avant certification des avions. La méthode consiste à placer des capteurs de tests sur l’appareil afin de mesurer des paramètres aussi variés que la vitesse, la pression, l’accélération, la température ou bien encore la position. Il y a 6 000 capteurs sur un A350 !

Il faut ensuite comparer les mesures avec les valeurs attendues, fournies par le bureau d’études ou l’équipementier. Tout écart enregistré trahit une anomalie qui doit être corrigée afin de garantir la sécurité de l’appareil. Or, la tâche est ardue : le volume de données produites par les vols d’essai double à chaque génération d’avion, à cause de la sophistication croissante des systèmes.

Augmenter la productivité des tests

Tout le problème est de pouvoir analyser les données recueillies, et surtout de les croiser entre les vols d’essai successifs, sachant que les volumes sont colossaux (2 téraoctets de données par vol) et répartis sur des centaines de testeurs, chacun en responsabilité d’une partie de l’avion. Sans compter que les vols d’essai s’enchainent, souvent à un rythme quotidien. Comment augmenter la productivité de ces tests, tout en les fiabilisant ? Apurement dit, comment améliorer le retour sur investissement des essais ?

La solution vient d’internet, via des domaines comme le marketing et l’analyse comportementale : c’est le big data qui, rappelons-le, consiste à traiter de grosses masses de données non structurées à l’aide de nouvelles technologies comme la business intelligence, alors que les outils classiques de gestion de l’information ou de base de données montrent leurs limites.

Jusqu’ici, pour les essais en vol, il n’y avait pas de base de données : l’accès se faisait de façon séquentielle et le stockage était limité à trois mois, alors qu’une campagne d’essais dure de sept à dix-huit mois. De plus, l’analyse des données avait lieu vol par vol et système par système. Le big data change radicalement la donne.

Le big data pour réduire le nombre d’essais en vol

Le big data permettra d’améliorer la détection des incidents, de trouver au plus vite la cause des problèmes et, in fine, de réduire le nombre de vols d’essai. L'objectif n’est pas de tout bouleverser. Les analyses et les correctifs d’anomalies doivent rester l’apanage des opérateurs humains. D’ores et déjà, des résultats positifs ressortent après plusieurs vols.

On a pu constater, pour une panne dite « complexe », qu’un temps de diagnostic peut passer de 50 heures en test classique à deux heures avec le big data… Pas moins de 1000 paramètres sont analysés à chaque seconde. Le big data peut permettre d’éviter de refaire un vol – pour rappel une heure de vol coûte 10 000 dollars – et d’effectuer un test de bon fonctionnent des équipements d’essai avant le vol, qui peut prendre également plusieurs heures.

Faire correspondre big data… et réalité

Cependant, de nombreuses précautions doivent être prises. Il est essentiel de vérifier la compatibilité des technologies de big data avec les standards aéronautiques de l’avionneur. Pour cela, il faut réaliser un démonstrateur de faisabilité. Le choix de la solution est important, pour produire une maquette adaptée à l’usage industriel et être soumis au test d’acquisition de données. On va, par exemple, mesurer la réponse des maquettes à l’injection de données, d’abord pour quelques utilisateurs, ensuite jusqu’à trois cents utilisateurs simultanés. Les performances obtenues seront comparées à celles de la plate-forme classique existante.

Et pour configurer au mieux le système, il faut s'adapter au cas d'usage. Pour garantir une utilisation optimale et coller au besoin de l'application, pas moins de cent paramètres sont ajustables. Agir sur un seul d'entre eux peut influer sur tous les autres ! Il faut allier expertise du big data et connaissance de l’application pour aboutir aux bons réglages.

L’avenir de ce type de solution, déjà opérationnelle chez un grand avionneur, réside dans la puissance qu'il sera à même de proposer aux testeurs dans des cas d’usage, pour corréler les données de plusieurs essais entre eux, voire les corréler avec d’autres données hors tests, comme la météo, des informations sur l’équipage ou plus généralement des méta data.

Sylvie Teysseyre est responsable du pôle Logiciel Critique chez Sopra Steria.

Les avis d'experts et points de vue sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs et n’engagent en rien la rédaction.

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