Evasion fiscale au Luxembourg : Jean-Claude Juncker admet sa «responsabilité politique»

Evasion fiscale au Luxembourg : Jean-Claude Juncker admet sa «responsabilité politique»

    Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker contre-attaque. Dans la tourmente depuis les révélations sur un vaste système d'évasion fiscale lorsqu'il était Premier ministre du Luxembourg, il a démenti tout «conflit d'intérêt» et promet de lutter contre ce phénomène. Entré en fonction il y a moins de deux semaines, Jean-Claude Juncker avait été pris de cours par les révélations de la presse, déjà surnommées «Luxembourg Leaks (fuites du Luxembourg)».

    Lors d'un point presse donné mercredi par deux vice-présidents de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker a fait une apparition surprise devant les journalistes. Les «tax rulings», qui permettent à une entreprise de demander à l'avance comment sa situation sera traitée par l'administration fiscale d'un pays, sont «une pratique établie dans 22 pays de l'UE», a-t-il alors affirmé.

    «Pas de conflit d'intérêt», selon Juncker

    «Tout ce qui a pu être fait correspond aux règles législatives nationales du Luxembourg et aux règles internationales en la matière», a assuré l'ancien dirigeant du Grand-Duché, tout en reconnaissant que la faible taxation des entreprises ne «correspond pas au concept de justice fiscale et aux normes éthiques et morales généralement admises».

    Mais «il n'y a pas de conflit d'intérêt lorsque la Commission lance des enquêtes» qui concernent le Luxembourg, a plaidé Jean-Claude Juncker. Des enquêtes sur les pratiques fiscales de ce pays, mais aussi de l'Irlande et des Pays-Bas, sont justement en cours. La commissaire en charge, Margrethe Vestager, a toutefois assuré mardi qu'elle n'avait «pas les mains liées».

    Alors que le Luxembourg est considéré comme un des principaux paradis fiscaux dans le monde, Jean-Claude Juncker a assuré qu'il n'y avait rien dans son passé qui démontrerait que son «ambition était d'organiser l'évasion fiscale». «Je ne suis pas l'architecte» du système de taxation du Luxembourg, «mais je suis politiquement responsable», a concédé l'ex-Premier ministre (1995 à 2013).

    La gauche européenne demande des explications

    Jeudi dernier, 40 médias internationaux, dont «Le Monde», ont publié une enquête révélant qu'entre 2002 et 2010 le Luxembourg avait passé des accords fiscaux avec 340 multinationales, dont Apple, Amazon ou encore Ikea et Pepsico afin de minimiser leurs impôts, privant les Etats européens de milliards d'euros de recettes fiscales.

    La polémique s'est développée pendant le week-end. Au Parlement européen, la gauche radicale, qui dispose de 52 sièges, tente de récolter les 76 signatures nécessaires pour déposer une motion de censure. Les Verts ont demandé au président de la Commission de soumettre un plan d'action pour lutter contre le dumping fiscal dans l'UE, un sujet d'autant plus sensible en temps de crise et d'austérité. Même demande de la part des socialistes, qui exigent que Jean-Claude Juncker vienne s'expliquer devant les eurodéputés.

    Un débat sur l'évasion fiscale était organisé en urgence mercredi après-midi en plénière. Mais après avoir présenté sa défense, Jean-Claude Juncker est passé à l'offensive. «J'avais dit que la Commission lutterait contre l'évasion et la fraude fiscales. Ce ne sont pas des propos en l'air, cela reflète l'intention de la Commission», a-t-il conclu.