La distribution de Marseille, première série française produite par Netflix, avec Gérard Depardieu et Benoît Magimel en têtes d'affiche.

La distribution de Marseille, première série française produite par Netflix, avec Gérard Depardieu et Benoît Magimel en têtes d'affiche.

Netflix

C'est sans doute le projet le plus attendu du printemps 2016. Marseille, série produite pour Netflix et disponible à partir de jeudi 5 mai sur la plateforme de streaming, cristallise autour d'elle des attentes très élevées. Parfois démesurées. Mais si vous attendiez le House of Cards français, c'est raté.

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A la place, Federation Entertainment, la société de production, propose une série télé française plutôt "vieille école" sur la plateforme américaine. Mais dans le mauvais sens de la formule. Gros plan sur les cinq premiers épisodes de la saison 1, qui en compte huit au total.

Marseille

Tenir. Coûte que coûte. C'est ce qu'essaie de faire Robert Taro (Gérard Depardieu), le maire de Marseille, alors que tout s'effondre autour de lui. A tous les niveaux.

La restructuration du port, son dernier grand projet à la tête de la mairie, est menacée par la mafia. Sa succession à l'hôtel de ville, programmée depuis de longs mois, est plus compliquée que prévue : Lucas Barrès (Benoît Magimel, loin des prétoires), son poulain, n'est pas l'homme de paille qu'il imaginait. Sa vie de famille, enfin, part en lambeaux lorsqu'il découvre que Rachel (Géraldine Pailhas), sa femme violoncelliste, est atteinte d'une maladie dégénérative.

Pour rester debout, Taro, pliant sous le poids de la pression, est retombé dans la cocaïne. A quelques semaines des élections municipales, il est temps que son règne touche à sa fin. Sauf que Barrès va le trahir au pire moment, juste avant que le projet du port ne soit lancé.

Véritable bête politique, le maire sortant refuse alors de se faire sortir. Il se retrouve du coup coincé entre les deux choses qu'il aime le plus au monde: sa famille et sa ville. Et il est incapable de choisir entre les deux .

Gros mélo de la mairie aux quartiers

La formule "série pour la télé française", employée plus haut, est lourde de sens. Si le projet entend "parler de politique avec passion" (c'est en tout cas ce qu'ont déclaré Pascal Breton, le producteur, et Florent-Emilio Siri, le réalisateur, au dernier festival Séries Mania), son ambition s'écroule sous le poids très mélodramatique du propos.

Lorgnant ostensiblement du côté du drame familial, la série créée par Dan Franck court après de nobles intentions sans se donner les moyens narratifs de les concrétiser.

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Marseille compose avec trois gros handicaps. Les caractéristiques des personnages sont surlignées en fluo dès le premier épisode. L'équilibre entre l'intrigue politique et l'intrigue familiale de Taro est inexistant (ce qui pénalise lourdement le personnage de Géraldine Pailhas). Et l'histoire se complaît à multiplier les rebondissements plutôt que de creuser les émotions. Avant d'aborder la dernière ligne droite de l'histoire, la série cumule, du coup, beaucoup de défauts.

Entre pathos et moments patauds, les personnages féminins ne sont pas franchement à la fête. Dans les cinq premiers épisodes mis à la disposition de la presse, le personnage de Vanessa d'Abrantes, vénéneuse femme de pouvoir jouée par Nadia Farès, sombre très souvent dans la caricature. Ce qui est un peu moins le cas de celui de Julia Taro, la fille du maire interprétée par Stéphane Caillard.

Depardieu limite la casse, Magimel est en roue libre

Celles et ceux qui attendaient une fiction capable de créer une vraie rupture dans le paysage audiovisuel vont tomber de haut. L'équipe emmenée par Florent-Emilio Siri (crédité "showrunner" au générique de la série) propose une saga familiale comme le public français en a vu des tas dans les années 90. Et ce n'est pas la meilleure.

Un feuilleton dans lequel Depardieu s'en sort sans grands efforts et où Benoît Magimel en fait des tonnes. C'est Sous le soleil (une production de... Pascal Breton) avec un peu plus de moyens mais peu d'ambitions.

Présenté comme un projet développé loin de la censure des chaînes et des studios, la montagne innovante accouche d'une souris.

Vous avez dit "symptomatique"?

Susceptible, sur le papier, de séduire les vrais mordus du genre, elle a plus de chances de convaincre ceux qui regardaient déjà les feuilletons de l'été d'il y a 20 ans. Des spectateurs plus âgés (50,4 ans de moyenne d'âge sur TF1, 57,9 ans sur France 2, 60,7 sur France 3 en 2015), qui cherchent à être divertis sans être bousculés (si ce n'est par quelques dialogues crus et des scènes de sexe).

Entre deux scènes, il n'est d'ailleurs pas impossible qu'ils pensent distraitement à Mireille Darc (Les Coeurs Brûlés) et à Patachou (Orages d'été).

Une chose est sûre: ce ne sont pas forcément ceux qui ont regardé Breaking Bad et The Wire bien avant que des chaînes ne les programment. Au fond, c'est comme si l'algorithme de Netflix avait complètement intégré la schizophrénie de la France dans son rapport aux séries. Et c'est ça, le plus troublant.

Il est assez ironique que TF1 diffuse le 12 mai prochain les deux premiers épisodes de Marseille. C'est un programme que la chaine aurait pu produire il y a quelques années avant de passer à autre chose. Très clairement, pour voir quelque chose de neuf, il faudra repasser.

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