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Gabegie chez Engie

La guerre de succession à la tête de l’ancien GDF Suez n’en finit pas. Les têtes tombent et les coups bas fusent. Et le groupe multiplie les pertes.

Matthieu Pechberty , Mis à jour le

Ambiance électrique au sommet d'Engie. L'ancien GDF Suez tient mardi son assemblée générale qui doit valider une nouvelle étape dans l'interminable succession de son PDG, Gérard Mestrallet, 67 ans. Sa remplaçante, Isabelle Kocher, 49 ans, attend depuis deux ans de prendre les rênes du groupe. Mardi, elle sera nommée directrice générale, en attendant de devenir PDG en 2018. Si tout va bien. Une guerre d'usure qui a débuté en 2014. 

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À l'époque, les deux dauphins, Jean-François Cirelli et Isabelle Kocher s'écharpent pour succéder au président de Suez, en place depuis vingt ans. Aidé par un conseil d'administration à sa main, Gérard Mestrallet finit par introniser sa directrice financière et se débarrasse de son numéro deux, l'ancien PDG de Gaz de France. "Son éviction a été un psychodrame car il était apprécié chez Gaz de France, rappelle un cadre. Mais personne ne pensait que Mestrallet s'accrocherait à son poste." Le choix calculé de cette jeune quadragénaire nécessite une transition pour la préparer aux plus hautes fonctions, fait valoir le PDG. L'ingénieure des Mines à la carrière fulgurante, patientera jusqu'en 2016. 

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Ambiance abominable

Ce petit jeu agace l'État, actionnaire à 34 %. Le ministre de l'Économie, Emmanuel Macron , n'avait choisi… ni l'un ni l'autre. "Macron ne faisait pas confiance à Kocher, dit un de ses proches. Mais il ne voulait pas que Mestrallet prolonge encore." Il se met en quête d'un président pour évincer l'un et coiffer l'autre. L'Italien Paolo Scaroni, président du pétrolier Eni aurait été approché. En habile politique, Mestrallet déroule le tapis rouge à Ségolène Royal pendant la COP21 . Fin 2015, la ministre de l'Écologie lui renvoie l'ascenseur et sauve sa place. Le duo harmonieux entre Gérard Mestrallet et Isabelle Kocher tourne au duel. "Son atout féminin qu'il a brandi pour l'adouber il y a deux ans est devenu sa faiblesse, râle un proche de la patronne. Elle doit maintenant attendre deux ans pour faire ses preuves."

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Les coups volent de plus en plus bas. Des lettres anonymes circulent sur les millions d'euros que la future patronne a versé au cabinet Egon Zehnder pour revoir l'organigramme du groupe. Des rumeurs sur ses liens avec son patron, Marc de Leyritz, fervent catholique, visent à ternir son image déjà écornée. En écho, d'autres pointent le budget pharaonique alloué à Publicis par Gérard Mestrallet pour changer le nom de la société. Le groupe reconnaît avoir dépensé 90 millions d'euros pour Engie et ne dément pas les 160 millions de sa filiale Suez. Le conflit larvé vire à la guerre picrocholine. Après l'assemblée générale, Gérard Mestrallet laissera à Isabelle Kocher son bureau et s'installera au 36e étage de la tour de La Défense. L'étage des salles à manger… Ces derniers jours, la future DG négociait son périmètre d'action. Et a demandé conseil à des administrateurs d'Axa – elle y siège aussi – où la succession du PDG Henri de Castries a été exemplaire.

22 milliards de pertes

L'ancienne conseillère de Lionel Jospin a commencé à évincer les "Mestrallet boys". Selon nos informations, le responsable de l'international, Willem Van Twembeke, va partir. Elle aurait signifié son départ avec "une violence inouïe" à Jérôme Tolot, fidèle du PDG depuis vingt ans. Kocher place ses hommes – et femmes. Thierry Lepercq, patron de la PME Solaire Direct, rachetée l'an passé, prendra du galon. En embuscade, le secrétaire général Pierre Mongin, qui joue les médiateurs, se verrait bien prendre plus de responsabilités. "Il ne dit rien, ne fait pas campagne, mais sait qu'il est un joker, explique un bon connaisseur d'Engie. Surtout si la droite revient au pouvoir." Avant de devenir patron de la RATP, Pierre Mongin a été à Matignon sous Édouard Balladur et Dominique de Villepin. De quoi alourdir l'ambiance et compliquer la gouvernance. "Quatre ans pour une succession, c'est trop, se désole un cadre du groupe. Ça finira mal". Un combat qui s'éternise au point d'essouffler un groupe en perte de vitesse.

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Car derrière les luttes pour le pouvoir se joue l'avenir du groupe. Depuis la fusion entre GDF et Suez, le cours de Bourse a été divisé par trois. Certes, le marché du gaz s'est effondré. Mais l'entreprise n'a pas su rebondir. Et malgré ses discours sur la transition énergétique, les actes se font attendre. Jeudi, l'agence Moody's a dégradé sa note, estimant que "sa transformation ne suffirait pas à contrebalancer la baisse des prix de l'énergie". Engie tangue. Gérard Mestrallet et Isabelle Kocher sont dans le même bateau. En deux ans, le duo a rayé d'un trait près de 15 % du bilan : 22 milliards d'euros passés par pertes et profits. Des "pertes comptables", nuancent-ils à chaque fois. Le dernier patron à avoir utilisé cette rhétorique s'appellait Jean-Marie Messier. On sait comment l'histoire s'est terminée.

Source: JDD papier

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