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7 preuves qu’un journaliste vaut plus qu’une pastèque

Le nombre de clics n’est plus forcément le Graal qu’il a été pour les médias en plein virage numérique. Aujourd’hui beaucoup d’entre eux considèrent que le journalisme de qualité peut être correctement valorisé sur la Toile.

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Par Nicolas Madelaine

Publié le 3 mai 2016 à 16:44

D’abord, pardon : il n’y a pas 7 preuves dans cet article. Cette parodie de titre à la BuzzFeed n’est destinée qu’à attirer l’attention du lecteur. Mais c’est pour la bonne cause. L’année 2016 va être celle où le journalisme de qualité va enfin être valorisé correctement sur la Toile. Ce n’est pas un journaliste qui le dit. C’est un thème qui a été martelé lors de la conférence Digital Media du « Financial Times » à Londres mi-avril. « Toute cette daube qu’on lit sur Internet n’est pas nécessairement la fin de l’histoire », a conclu Jeff Lynn, fondateur de Seedrs, une plate-forme de financement de jeunes pousses. Deux patrons de start-up – Evan Burns, du réseau social américain Odyssey, et Matt Heiman, de Diagonal View, un créateur de chaînes YouTube – ont été encore plus directs : « Le journalisme de qualité vaut de l’or », ont-ils affirmé.

Visiblement, certains en doutent encore. Les presque 11 millions de clics générés le mois dernier par une vidéo de deux personnes plaçant des élastiques autour d’une pastèque jusqu’à ce qu’elle explose ont fait déprimer toute la profession journalistique. Si on ne fait pas attention, ce seront nous les pastèques, a écrit le « New York Times ».

Des clics mais pas de profits

Et pourtant, ce qui devient de plus en plus clair aujourd’hui est que les millions de clics ou de pages vues ne riment pas forcément avec profits. Sinon pourquoi Yahoo!, avec ses sites de contenus et services qui attirent 1 milliard de visiteurs uniques mensuels, serait-il en si mauvaise posture ? Comment expliquer que le fameux BuzzFeed ait divisé par deux ses projections de revenus pour cette année, à 250 millions de dollars ? Il affiche pourtant plus de 180 millions de visiteurs uniques mensuels.

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Michael Wolff, un commentateur des médias ayant fait sensation avec sa théorie sur le retour des vieux médias (lire « Les Echos » du 30 septembre), a bien résumé la situation. Les espaces publicitaires sur le Web sont infinis, donc leurs prix se réduisent comme peau de chagrin. En plus, les sites de médias n’ont pas automatiquement la même valeur de carrefours de certains types d’audience que pouvaient revendiquer autrefois les journaux : les profils recherchés par les annonceurs peuvent être retrouvés partout sur la Toile.

Pour cet auteur et businessman, le dépassement prochain de la pub sur la télévision par la pub sur le Net, claironné par l’industrie numérique, est trompeur. Selon lui, la catégorie de publicités de type marketing direct a toujours été plus grosse que celle de la télévision. Et c’est celle-ci, et non la pub de prestige, qui migre en masse vers le Web. Or ses marges sont encore plus faibles en ligne que dans le monde physique. Le marketing direct n’a jamais suffi à financer le journalisme traditionnel, et cela ne changera pas, écrit-il dans sa dernière chronique de « USA Today ».

La qualité, valeur en hausse

Il faut ajouter qu’après des années de croissance exponentielle la fréquentation des sites commence à plafonner. En plus, les « adblockers », ces logiciels installés par les internautes pour bloquer les publicités, sont de plus en plus répandus.

Dans ce contexte délicat, les médias du Web ne jurent ces derniers mois que par le mobile, où migrent massivement les lecteurs. Le problème est que ce format affiche des tarifs publicitaires encore plus faibles. Et la stratégie déployée par la plupart dans le domaine de la vidéo ne permettra pas forcément de faire la différence, la multiplication des supports contribuant à diluer un peu plus le revenu unitaire…

Dans ces conditions, la qualité du contenu devient la solution presque par défaut pour tenter de survivre. « Il ne faut plus viser la quantité mais la qualité, prévient Joshua Topolsky, le fondateur du site d’info tech et sciences The Verge, dans un récent article très remarqué. Le sujet n’est pas de toucher le plus de personnes mais les bonnes personnes. »

D’abord parce que beaucoup de médias s’aperçoivent qu’on peut finalement faire payer lorsqu’on propose un contenu qui a une valeur pour son public. C’est vrai des journaux économiques mais pas seulement. Certaines marques de presse réussiront à être des Netflix de l’info, pour lesquels même des jeunes paieront, parie Evan Burns.

L’engagement avant tout

Ensuite, s’agissant du modèle gratuit, parce que la consommation de l’information par « feed » de réseaux sociaux de type Facebook favorise une info de qualité, moins « junk ». « Ces réseaux veulent à tout prix que vous leur restiez fidèles », explique Matt Heiman. Et, ils en savent de plus en plus sur ce qui plaît à leurs membres. Les données accumulées sur les centres d’intérêt des internautes et de leurs amis permettent, explique Evan Burns, de remplacer le bruit et la vitesse de l’information par sa pertinence et sa capacité à captiver durablement l’attention (ce qu’on appelle l’« engagement »). Autrement dit, puisqu’on a désormais la chance d’être mis en face de contenus qu’on aime, pourquoi perdre son temps ailleurs. L’avantage des contenus « engageants » est qu’ils ont plus de potentiel publicitaire. Ils renseignent mieux sur leurs lecteurs et créent un contexte plus propice.

Que ce soit dans la vidéo ou l’écrit, l’actualité récente atteste la thèse de la montée en gamme : BuzzFeed muscle son équipe de journalistes d’investigation. Dans un autre genre, Twitter et Facebook achètent des droits TV. Oui, c’est bien le retour des vieux médias qui se profile…

Nicolas Madelaine ( Journaliste Médias)

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