Conventions collectives

Quels sont les métiers où les inégalités sont les plus fortes : un outil pour savoir si vous êtes correctement payé

Conventions collectives

par Mathieu Lapprand

Quels sont les métiers les plus mal payés ? Les emplois les plus précaires ? Gagnez-vous plus ou moins que les autres salariés de votre secteur d’activité ? Quelle est la différence de revenus entre les femmes et les hommes dans votre branche ? Quelles sont les caractéristiques des salariés bénéficiant de votre convention collective ? Basta! vous propose un outil pour comparer votre salaire à celui perçu par les salariés de votre secteur d’emploi. Un outil pratique pour mieux connaître sa situation, évaluer les disparités et inégalités au travail, et faire valoir ses droits, à l’heure où le gouvernement veut justement remettre en cause l’intérêt des conventions collectives.

Et la palme de la misogynie revient... aux employeurs d’avocats ! C’est au sein de cette profession que les inégalités salariales entre hommes et femmes sont les plus fortes, selon le service de statistiques du ministère du Travail (Dares) qui a recueilli les données de 251 conventions collectives couvrant 13,4 millions de salariés. Parmi les 6100 salariés bénéficiaires de la convention collective des avocats salariés, plus de deux tiers sont des femmes, mais leur revenu horaire est deux fois inférieur à celui des hommes. Ces cadres gagnent en moyenne 7468 euros pour les hommes, et 3771 euros pour les femmes. L’écart moyen des rémunérations entre hommes et femmes est encore plus important dans la convention collective des « expertises évaluations industrielles commerciales » (métiers de l’assurance) : les femmes y perçoivent un revenu 2,12 fois inférieur à celui des hommes. Mais cette fois, il s’agit d’inégalités entre catégories socio-professionnelles – cadres, professions intermédiaires, employés, ouvriers. Parmi les cadres de cette convention, on compte cinq hommes pour une femme, et chez les employés, sept femmes pour un homme...

De la finance à l’animation de quartier

L’écart des inégalités de salaires entre employés et cadres est le plus important au sein de la convention collective « activités de marché financier ». Un cadre y gagne en moyenne plus de quatre fois le salaire d’un employé (8500 euros contre 2100 euros). C’est également la convention où le salaire moyen est le plus élevé. A l’autre extrémité de l’échelle des salaires, les travailleurs des secteurs de la coiffure et des « régies de quartier » (agent d’entretien, services à domicile de proximité, travaux d’insertion...) sont les plus mal payés : 1330 euros en moyenne. Ce revenu descend à 1150 euros pour les ouvriers des régies de quartiers. Ce chiffre est celui d’un temps-plein. Or plus de 57% des salariés des régies de quartier travaillent à temps partiel. Cette convention collective compte également le plus important taux de salaires compris entre le Smic et 1,05 fois le SMIC : 48% !

Ces chiffres sont extraits d’une étude publiée chaque année par le ministère du Travail, via la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares). Y figurent les caractéristiques des principales conventions collectives [1]. Sur la base des déclarations annuelles des employeurs, la Dares calcule la moyenne des salaires nets (à temps plein) perçus par les salariés dans chacune des branches. Elle a publié en mars 2016 son analyse pour l’année 2013. Sur la base des données collectées par la Dares, nous vous proposons un outil pour connaître le salaire moyen de votre secteur d’activité, les disparités entre hommes et femmes, entre cadres et employés ou ouvriers, ou le pourcentage de salariés en CDD dans votre branche (voir ci-dessous).

Attention : la Dares rend publiques les statistiques concernant les 251 conventions collectives qui regroupent chacune plus de 5 000 salariés. Cet outil prend donc en compte les 13,4 millions de salariés couverts par ces conventions collectives.

Pour utiliser cet outil :
 choisissez la convention collective dont vous dépendez.
 choisissez votre catégorie socio-professionnelle : cadre, employé, ouvrier ou profession intermédiaire.
 indiquez votre salaire net mensuel à temps plein (si vous percevez un 13e mois, ajoutez-le à votre salaire mensuel).
 cliquez sur Comparer.



Les métiers les plus mal payés. Restauration, nettoyage et caissiers de supermarchés sont les trois métiers qui comptent le plus de salariés payés au salaire minimum – percevant moins de 1,05 Smic. Au sein de la convention collective des « entreprises de propreté et services associés », ces bas salaires concernent 118 190 salariés. Viennent ensuite les « hôtels cafés restaurants » (avec 58 870 salariés mal payés) et celle du « commerce de détail et gros à prédominance alimentaire », les supermarchés, avec 40 158 salariés. Ces trois conventions sont également celles qui comptent le plus grand nombre de femmes travaillant à temps partiel...

Les emplois les plus précaires. Dans quels secteurs trouve-t-on le plus d’emplois précaires ? La part de contrats à durée déterminée (CDD) est la plus importante dans le secteur des remontées mécaniques, qui fonctionne beaucoup avec des travailleurs saisonniers : près d’un salarié sur trois. Mais sur la seconde place de ce podium, on retrouve encore les régies de quartier, dont 29 % des salariés sont en CDD.

Quelle convention collective couvre le plus de salariés ? On trouve en bonne place le « commerce détail et gros à prédominance alimentaire », qui concerne les grandes surfaces (669 300 salariés), le transport routier (661 000 salariés), le secteur de la restauration-hôtellerie (600 700 salariés) ou encore les entreprises de BTP de plus de dix salariés (qui emploient 526 000 personnes) [2]. En tête de peloton, c’est la convention collective « Bureaux d’études techniques SYNTEC », dont bénéficient le plus de salariés en France. 791 900 salariés sont couverts par cette convention, qui est notamment utilisée par les cabinets conseil, les entreprise de services informatiques ou numériques, ainsi que les « experts extérieurs » que payent les entreprises. Elle est également appelée ironiquement « la convention de ceux qui n’en ont pas », vu la faiblesse, pour ne pas dire l’absence, d’avantages offerts aux salariés par rapport au Code du travail. La rémunération des cadres et des professions intermédiaires (soit près de 80% des salariés de cette convention) y est d’ailleurs inférieure de 10% à celle de la moyenne des 251 conventions analysées par la Dares.

Menace sur les conventions collectives. Les conventions collectives définissent un socle de droits pour les salariés d’une même branche professionnelle et les niveaux minimum de salaires – en fonction notamment de la nature du travail, de la catégorie socio-professionnelle (ouvrier, employé, profession intermédiaire ou cadre) et de l’ancienneté. Les conventions collectives s’imposent aux employeurs. Les droits qu’elles octroient sont nécessairement plus favorables que ceux définis de manière plus générale par le Code du travail. Mais cette situation pourrait ne pas durer. Le projet de loi El Khomri, présenté par le gouvernement Valls, permettrait notamment aux employeurs de déroger à ces droits, par la signature d’accords d’entreprises, moins favorables aux salariés. Ces conventions collectives sont pourtant un des socles de notre droit du travail. Elles sont des outils essentiels pour permettre aux salariés de connaitre et défendre leurs droits.

Texte et développement : Mathieu Lapprand

Photo : CC Jon Bunting

Notes

[1Ainsi que celles des regroupements de conventions (Conventions regroupées pour l’information statistique – Cris).

[2Chiffres au 31 décembre 2013.