Bitch Planet, la BD devenue un acte féministe

Ce comic book, qui imagine un futur patriarcal où les femmes sont punies en cas de "non-conformité", est devenu un phénomène aux États-Unis.

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"Bitch Planet" de Kelly Sue Deconnick et Valentine De Landro à paraître mercredi aux éditions Glénat. © Glénat

Temps de lecture : 4 min

Dans le monde dystopique imaginé par Kelly Sue DeConnick (Captain Marvel) et illustré par Valentine De Landro (X-Factor), tromper son mari, être trop grosse ou trop noire est un crime passible de prison. Les femmes dites « non conformes », qui ne correspondent pas aux canons de la société, sont éjectées hors de la Terre et envoyées au bagne en plein milieu de l'espace, sur Bitch Planet. Cette geôle violente a donné son nom à la série de comics créée par les deux Américains et dont le premier tome vient de paraître aux éditions Glénat.

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La bande dessinée se veut une satire de notre société patriarcale mêlée à un récit d'aventures futuriste des plus originaux. La plupart des prisonnières n'ont commis aucun crime, mais elles sont condamnées pour ce qu'elles sont par nature.

Dans Bitch Planet, être trop grosse ou trop noire est un crime passible de prison. © Glénat


Pour de nombreuses lectrices, ce non-conformisme, symbolisé par un logo NC dans la bande dessinée, est devenu bien plus qu'une maxime imprimée sur des dessins style Grindhouse. Il s'est transformé en acte féministe qu'elles se font tatouer. Comme les prisonnières de Bitch Planet, des centaines et des centaines de femmes (et d'hommes) américain(e)s le portent désormais sur leur corps en signe d'indépendance. « Mon ami Dan résume bien ce mouvement : les gens ne se font pas tatouer parce qu'ils sont fans du livre. Mais ils le font parce que le comic book adule quelque chose qui est en eux », souligne la scénariste Kelly Sue.

Les tatouages estampillés NC, "non-conforme". © DR


Une forte probabilité d'échec

Bitch Planet, qui compte déjà quatre numéros aux États-Unis, a aussi généré un certain nombre de produits dérivés comme des pulls, des colliers, des bracelets, tous estampillés du même logo NC... « Du point de vue de celui qui accepte sa non-conformité avec fierté, être NC veut dire : Je trouve le courage d'être authentique, peu importe ce que je suis. Je ne rentre pas dans une case qu'on m'aurait imposée, précise Kelly Sue DeConnick au Point Pop. Je suis trop noire, trop marron, trop petite, trop grande, trop grosse, trop maigre, trop prude, trop croyante, trop bruyante, trop timide, trop masculine, trop féminine, trop queer, trop tout-ce-que-ma-putain-de-culture-condamne. Mais je refuse de me voir à travers vos yeux. Acceptez-moi ou allez vous faire voir. »

L'idée de ce pamphlet pas comme les autres lui est venue par hasard, au cours d'un brainstorming avec Valentine De Landro (un homme !). Mais tous deux étaient presque persuadés qu'aucune maison d'édition n'oserait le publier. « Nous trouvions le sujet intéressant car il était dangereux, explique la scénariste. Nous aimions le fait qu'il y ait une forte probabilité d'échec. » Le sujet est en effet sensible puisque le tandem entend donner un coup de pied dans la fourmilière des inégalités homme-femme. « Bitch Planet est un combat, le combat que nous menons chaque jour, estime le dessinateur. Ce que nous vivons n'est pas si différent de ce qu'elles vivent. Nous espérons que les gens verront la corrélation entre ces deux choses. »


Après avoir lu le comic book, les femmes sont invitées à remplir un questionnaire public où elles partagent leurs mauvaises expériences en matière de sexisme et de machisme. Elles peuvent aussi donner leur avis sur Bitch Planet. L'auteur de bande dessinée Virgine Greiner (Avant l'heure du tigre) s'est prêtée au jeu.

La soumission volontaire des femmes à la domination masculine

« Ce qui m'a plu dans la lecture de Bitch Planet est le retournement où une femme prend la place d'une autre sans se soucier le moins du monde de ce que la pauvre femme répudiée subit de par sa répudiation. (Ça me rappelle vaguement une histoire récente !) Cette mise en rivalité des femmes qui est un des soutiens de la domination masculine est un thème qui est encore tabou, il me semble. Ou comment la soumission volontaire des femmes à la domination masculine permet à cette dernière de se maintenir. »

Virginie Greiner fait partie des 12 petits pour cent de femmes auteurs de bande dessinée. Elle confie dans son témoignage s'être fait refuser des sujets par des éditeurs qualifiant son travail « d'histoires de nanas qui n'intéresseraient personne ». Le débat sur les inégalités et la représentation de la diversité agite Hollywood depuis quelques années. En bande dessinée, il émerge tout juste, ou du moins est médiatisé depuis peu. La polémique du Grand Prix d'Angoulême (aucune femme auteur ne figurait dans la compétition) a permis de mettre un coup de projecteur sur les inégalités du milieu en France. Aux États-Unis, Kelly Sue DeConnick estime que l'industrie de la bande dessinée est sur la bonne voie, mais que certains « continuent de voir l'égalité comme une déperdition ».

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