Nouveau job étudiant : ils gèrent un compte « Post Bad »

Nouveau job étudiant : ils gèrent un compte « Post Bad »

Ces comptes fabriquent des collections thématiques d’images en ligne (vêtements, chaussures, nourriture). Ils rapportent de l’argent de poche et peuvent être revendus à des marques.

Par levon_aroutiounian
· Publié le · Mis à jour le
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« Post Bad Guy », « Post Bad Couples », « Post Bad Ass », « Post Bad Food » « Post Bad Sneakers » : sur les réseaux sociaux, la liste de ce genre de comptes est loin d’être finie. Avec des abonnés qui se comptent par milliers, ces comptes proposent de la pornographie visuelle thématique.

Pour reprendre le début de la liste plus haut : en vous abonnant, vous pouvez voir une collection d’images de beaux gosses, de couples sexys ou de jolies fesses (le mot « bad » veut dire « méchamment bien »), de nourriture irrésistible ou de baskets à la mode.

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300 à 400 followers en plus par jour

Quand j’ai voulu m’intéresser aux administrateurs de ces comptes, je m’attendais à tomber sur d’étranges personnages. Je suis finalement tombé sur deux jeunes avec la tête sur les épaules  : Emilien et Marceau.

Ces deux lycéens animent des comptes « Post Bad » depuis deux ans. Intéressés par la mode, ils commencent avec un compte Twitter de « Post Bad Clothes » qu’ils parviennent à lancer grâce à l’aide d’autres pages du même genre. Petit à petit, ils accumulent les comptes Twitter et Instagram de « Post Bad » avec des dizaines de milliers d’abonnés.

Le compte Twitter « Post Bad Sneakers » (@PerfSneakers) est celui qui marche le mieux  : il gagne chaque jour 300 à 400 followers et 135 000 membres le suivent actuellement.

Environ 100 euros par mois

Le compte Twitter publie des photos de paires de chaussures glanées sur Tumblr ou qui leur ont été envoyées par des abonnés. Ils tentent d’être le plus actif possible en soirée, c’est-à-dire le moment où il y a le plus de twittos  :

« On a un quota minimum. On doit poster trois à quatre photos par jour si l’on veut que les gens continuent à nous suivre et à partager nos photos. »

En tweetant des liens publicitaires, ils parviennent à empocher une petite centaine d’euros par mois qu’ils se partagent à deux. Chaque lien peut leur rapporter de trois à cinq euros. Je leur demande s’ils arrivent à jongler entre leurs études et la gestion de leurs comptes.

« Pour l’instant, on y arrive. Ça ne nous prend qu’environ 30 minutes par jour. On cherche ce qui plaît aux gens en matière de chaussures et on les poste. On suit l’actualité. Par exemple les Air Max 95 sont à la mode actuellement donc on en poste beaucoup. C’est un peu notre job d’étudiant. Ça nous fait un petit gagne-pain qui fait plaisir à notre âge. »

Leur tâche ne consiste qu’à reposter des images qui ne leur appartiennent pas. Certains abonnés se plaignent de temps en temps  : ils revendiquent la paternité d’une photo. En général, Emilien et Marceau n’ont qu’à mentionner le pseudo Twitter de l’abonné pour résoudre le problème.

« Ils nous ont payés par PayPal »

Aujourd’hui, certains de ces comptes ne leur appartiennent plus. Après avoir fait grimper le nombre d’abonnés de deux de leurs comptes, un sur Twitter (@PostBadClothes) et l’autre sur Instagram (perfsneakers_), ils ont fini par les vendre à une plateforme d’achat de vêtements populaire chez les jeunes. L’achat s’est fait discrètement :

« Ils avaient besoin de nos comptes afin d’amener plus de gens vers leur site. Ils nous ont contactés par message privé et nous ont proposé une grosse somme  : 400 euros. Peut-être un peu plus, je ne me souviens plus. On a quand même décidé de négocier le prix pour arriver à 550 euros. On savait qu’il n’existe pas des milliers de comptes Twitter et Instagram avec autant d’abonnés. Ils avaient besoin des nôtres. »

Aucune poignée de main, aucun contrat :

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« On ne les a jamais vus en vrai. On a vu qu’ils étaient sérieux. Ils nous ont payés par PayPal et on leur a ensuite donné les mots de passe des deux comptes. Ça s’est fait assez facilement. »

Une mini-entreprise

Ainsi le site de vêtements peut-il lui-même partager des liens commerciaux, sur ces comptes qui ont respectivement 65 000 et 40 000 abonnés.

Captures d'cran Twitter
Captures d’écran Twitter « Post Bad Sneakers » et « Post Bad Clothes »

Un business s’est créé autour de ces comptes collectionneurs de « photos qui vendent du rêve ». Actuellement, les deux lycéens possèdent encore trois comptes, un sur chaque réseau : Twitter, Instagram et Vine. Ils gèrent leur mini-entreprise :

« On continue dans notre lancée tant que ça marche. Jusque ici on aime ce qu’on fait. Une fois que ça nous aura lassés, on arrêtera. Mais en attendant il faut continuer à faire grimper le nombre d’abonnés pour pouvoir vendre le compte à un bon prix. C’est notre objectif. Vous voyez cette poule que vous achetez, que vous nourrissez, que vous faites grossir, que vous aimez, pour finir par la manger  ? C’est la même chose ici. Sauf qu’il s’agit d’un compte Twitter. On le nourrit de followers. Et on ne le mange pas mais on le vend. »
levon_aroutiounian
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