Le 8 mars dernier, Valérie Boyer, députée LR, a déposé une proposition de loi relative aux violences conjugales. Ce texte propose d’instaurer une « irresponsabilité pénale » pour les femmes battues qui se seraient vengées de leur conjoint. Après diagnostic de troubles psychiques liés aux violences subies, elles pourraient ne pas être incriminées pour avoir agressé ou tué leur conjoint.

Ce texte fait suite au cas très médiatisé de Jacqueline Sauvage, violentée pendant 47 ans par son mari, qui a fini par le tuer de plusieurs coups de fusil. Condamnée à 10 ans de prison, elle a finalement été partiellement graciée par François Hollande le 31 janvier 2016. Cette affaire a mobilisé citoyens et politiques rassemblant plus de 400 000 signatures sur la pétition demandant sa libération.

Valérie Boyer, engagée dans cette bataille, a toujours vu en Jacqueline Sauvage une victime et non une criminelle. Son projet de loi apparait donc comme la continuité logique de son combat pour les femmes. Mais des voix s’élèvent en réaction. Yaël Mellul à l’origine de la loi du 9 juillet 2010 qui instaure le délit de violence psychologique au sein du couple nous explique pourquoi.

Catherine Durand : Pourquoi êtes-vous opposée cette proposition de loi ?

Yaël Mellul : Cette proposition de loi instaurerait l’irresponsabilité pénale. Une expertise médicale permettrait de juger si la femme était atteinte de troubles psychiques au moment des faits. Si c’est le cas, elle ne serait pas considérée comme responsable. Donc, après des années de violences conjugales, les femmes battues pourraient se venger de leur conjoint en les tuant.

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Plus fort encore que cette immunité pénale, Valérie Boyer propose de rajouter une présomption de légitime défense. La victime pourrait, à n’importe quel moment, agresser et même tuer son agresseur. L’agression et la réaction défensive n’ont plus besoin de se suivre comme pour la légitime défense. Prenons l'exemple d'Alexandra Lange. Elle a été la première femme victime de violences conjugales à avoir été acquittée : son acte a été jugé comme de la légitime défense parce qu'il était "concomitant" à la tentative d'étranglement de son mari. Si le texte de Valérie Boyer passe, la "concomitance" ne sera plus nécessaire.

Il s'agit donc pour vous d'un « permis de tuer » ?

Je ne vois pas quel autre nom donner. Avec ce texte, la vengeance voire le meurtre avec préméditation sont légitimés. La victime a le droit de se faire justice elle-même. Cela revient à dire : « le système judicaire n’a pas été capable de vous protéger mais ce n’est pas grave, vous pouvez vous-même punir. Et quand vous aurez tué votre conjoint violent, la société vous protégera. » On admet ainsi la démission de la société, des Institutions, des autorités judiciaires et policières.

Des femmes abandonnées à la violence de leur conjoint …

Absolument, on les a laissées dans le cycle infernal de la violence conjugale physique et psychologique. Et une fois qu’elles sont totalement démunies, isolées et détruites, on leur dit : « d’accord, à ce moment-là, vous pouvez tuer votre agresseur. » Ce n’est pas la solution.

Sans compter le traumatisme d’avoir donné la mort…

On ne peut pas me faire croire que ces femmes n’ont pas des traumatismes liés au fait qu’elles ont retiré la vie à quelqu’un quand bien même c’était un monstre…