Sur le lieu de l'attaque où 17 personnes ont été assassinées à la machette, la MONUSCO et les FARDC tentent de retracer le déroulement des événements.

Sur le lieu de l'attaque où 17 personnes ont été assassinées à la machette, la Monusco et les FARDC tentent de retracer le déroulement des événements.

T. Di Campo / L'Express

Les corps sans vie sont alignés sur le sol, dans une salle sombre de l'hôpital d'Eringeti. Dans cette petite ville du Nord-Kivu, en République Démocratique du Congo, 17 personnes ont été tués le 3 mai, à la machette et à la hache.

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Les corps figés de dix femmes, cinq hommes et cinq enfants, dont un bébé de six mois, reposent dans leur dernière posture. On distingue sous les tissus le ventre arrondi de quatre femmes enceintes. Un homme gît le crâne ouvert. Devant cette scène macabre, les mères apeurées hurlent de désespoir et de chagrin. L'air est saturé tandis que les villageois se pressent pour assister leurs voisins. L'attaque a eu lieu vers 16h30, alors que les familles étaient en train de prendre le repas du soir dans leur maison.

Maombi, un cultivateur, a donné l'alerte. Il revenait des champs accompagné de deux amis lorsqu'un groupe "en uniforme de la FARDC (Force Armée de la République Démocratique du Congo)" l'a interpellé. "C'est une technique souvent utilisée par les miliciens des Allied Democratic Forces (ADF, groupe rebelle ougandais, NDLR) pour se fondre parmi les civils", explique un gradé de l'armée congolaise. Maombi a réussi à fuir, mais ses deux collègues ont été kidnappés. Ils ont été retrouvés plus tard, morts et menottés, sur les lieux de la tuerie.

Massacres à répétitions

Cette violence n'est pas une nouveauté à Eringeti. "Nous sommes tellement anéantis face à cet énième carnage", se désole Bravo Moindo, le président de la société civile de la ville. C'est qu'il y a cinq mois, une attaque dans l'hôpital d'Eringeti avait causé la mort de 24 personnes, dont un casque bleu. A l'extérieur, la colère monte. Abrités par la fraîcheur d'un arbre, un groupe explique: "On ne veut plus de cette situation. On veut la paix."

Et l'incompréhension des villageois à l'égard de la mission d'observation de l'ONU, la Monusco, dont deux camps sont basés dans le périmètre, continue de se creuser. "L'ennemi opère sous leurs yeux et on ne voit pas leur action", gronde une vieille dame. Alors qu'un jeune renchérit: "Si on se fait tuer si près de nos protecteurs, alors que pouvons-nous faire?"

La traque des terroristes

Le général des forces armées de la Monusco, Jean Baillaud, s'est rendu sur les lieux dès le lendemain de l'attaque. Il a présenté ses condoléances à la population et a tenu à s'entretenir avec les représentants du village. Si aucun des assaillants n'ont été arrêtés, selon lui, ce mode opératoire est bien celui des ADF, un groupuscule de rebelles ougandais enraciné dans la région depuis plus de vingt ans.

"Ce sont des terroristes. On parle moins d'eux que de Boko Haram, mais ils sont tout aussi dangereux", assure le général. Seule différence: contrairement à un Al-Baghdadi, calife autoproclamé du groupe Etat islamique, les ADF ne communiquent pas, leurs revendications restent inconnues. Pour Jean Baillaud, "ces adversaires doivent être combattus par l'élimination".

La population, elle, ne voit pas la fin de cette guerre. Sur la route d'Eringeti, des familles déboussolées, traînent déjà leurs bagages à la recherche d'un petit bout de paix dans le pays.

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